publié le 03 octobre 1997
Arrêt n° 54/97 du 18 juillet 1997 Numéro du rôle : 1087 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 1380, alinéa 2, du Code judiciaire, posée par le président du Tribunal de première instance de Namur, siégeant en référé. La composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges P. Martens, G. De Baets, E. Cerexh(...)
COUR D'ARBITRAGE
Arrêt n° 54/97 du 18 juillet 1997 Numéro du rôle : 1087 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 1380, alinéa 2, du Code judiciaire, posée par le président du Tribunal de première instance de Namur, siégeant en référé.
La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges P. Martens, G. De Baets, E. Cerexhe, H. Coremans et A. Arts, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle Par ordonnance du 2 mai 1997 en cause de F. Brichet et M.-N. Bouzet contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 6 mai 1997, le président du Tribunal de première instance de Namur, siégeant en référé, a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 1380, second alinéa, du code judiciaire est-il contraire aux principes d'égalité et de non-discrimination consacrés par les anciens articles 6 et 6bis de la Constitution, devenus les articles 10 et 11 de la Constitution coordonnée le 17 février 1994, éventuellement mis en relation avec les articles 6.1, 13 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, en ce que, adoptée le 10 octobre 1967, cette disposition de la loi autorise le Roi à déterminer les conditions auxquelles sont soumises la communication ou la copie des actes d'instruction et de procédure en matière criminelle, correctionnelle et de police et en matière disciplinaire, conférant ainsi un fondement législatif à l'article 125 de l'arrêté royal du 28 décembre 1950 portant règlement général sur les frais de justice en matière répressive, qui stipule que ' en matière criminelle, correctionnelle et de police et en matière disciplinaire, aucune expédition ou copie des actes d'instruction et de procédure ne peut être délivrée sans une autorisation expresse du procureur général près la cour d'appel ou de l'auditeur général (...) ', alors que, d'une part, dans le cadre même de la procédure pénale, les articles 21, § 3, et 22, alinéas 3 et 4, de la loi du 20 juillet 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1990 pub. 02/12/2010 numac 2010000669 source service public federal interieur Loi relative à la détention préventive Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la détention préventive organisent un accès direct de l'inculpé détenu au dossier de l'instruction et que, d'autre part, dans le cadre de la procédure civile, l'article 1380, premier alinéa, du code judiciaire exclut toute appréciation discrétionnaire dans le chef des greffiers et dépositaires des registres publics, en ce qui concerne la délivrance d'expéditions, de copies ou d'extraits d'actes à tous requérants, cependant que, enfin, par d'autres dispositions du même code, diverses obligations de délivrance d'expéditions ou de copies d'actes de procédure sont comminées, sans réserver aucun pouvoir d'appréciation discrétionnaire aux autorités non juridictionnelles qui y sont obligées (voy. p. ex. articles 792 et 892 du code judiciaire) ? » II. Les faits et la procédure antérieure Francis Brichet et Marie-Noëlle Bouzet ont demandé à obtenir copie de pièces du dossier d'instruction ouvert à la suite de la disparition de leur fille Elisabeth, au mois de décembre 1989.
Ils ont été autorisés à consulter ce dossier mais à certaines conditions qui, selon eux, rendent cette consultation impraticable. Francis Brichet a cité l'Etat belge devant le Président du Tribunal de première instance de Namur siégeant en référé afin d'entendre dire pour droit que l'ordonnance à intervenir tiendra lieu d'autorisation expresse d'obtention de la copie de certaines parties du dossier. Il demande également que l'Etat belge soit condamné à lui délivrer copie de ces documents sous une astreinte de 10.000 francs par jour de retard. Marie-Noëlle Bouzet est intervenue à la cause et s'est jointe à la demande.
L'Etat belge a soulevé l'incompétence territoriale et matérielle du juge saisi. Au fond, il a conclu subsidiairement au non-fondement de la demande en invoquant le principe du secret de l'instruction et le fait que la demande équivaudrait à un procès fait à la loi.
Par une ordonnance du 2 mai 1997, le Président du Tribunal a rejeté les exceptions d'incompétence, a constaté que l'urgence était avérée et a posé à la Cour la question préjudicielle précitée.
III. La procédure devant la Cour Par ordonnance du 6 mai 1997, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.
Par ordonnance du 13 mai 1997, le président M. Melchior a abrégé le délai pour introduire un mémoire à vingt jours et le délai pour introduire un mémoire en réponse également à vingt jours.
La décision de renvoi a été notifiée conformément à l'article 77 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 14 mai 1997; l'ordonnance du 13 mai 1997 a été notifiée par les mêmes lettres.
L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 21 mai 1997.
Des mémoires ont été introduits par : - F. Brichet, Petite Propriété Terrienne 6, 7330 Saint-Ghislain, par lettre recommandée à la poste le 29 mai 1997; - M.-N. Bouzet, rue Auguste Leblanc 10, 5002 Saint-Servais, par lettre recommandée à la poste le 3 juin 1997; - le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 3 juin 1997.
Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 5 juin 1997.
Des mémoires en réponse ont été introduits par : - le Conseil des ministres, par lettre recommandée à la poste le 20 juin 1997; - M.-N. Bouzet, par lettre recommandée à la poste le 24 juin 1997.
Par ordonnance du 25 juin 1997, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 10 juillet 1997.
Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 25 juin 1997.
A l'audience publique du 10 juillet 1997 : - ont comparu : . Me J.-M. Arnould, avocat au barreau de Mons, pour F. Brichet; . Me B. Versie loco Me V. Hissel, avocats au barreau de Liège, pour M.-N. Bouzet; . Me. Ph. Traest, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs P. Martens et G. De Baets ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.
La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.
IV. En droit - A - Mémoire de Francis Brichet A.1. Tant la Cour européenne des droits de l'homme que la Cour d'arbitrage ont défini, dans des termes analogues, dans quels cas le principe d'égalité et de non-discrimination est violé. L'égalité des armes est un principe fondamental du procès équitable. En matière pénale, il suppose un équilibre, non seulement entre l'accusé et le ministère public, mais également entre l'accusé et la partie civile (voy. Bruxelles, 18 juin 1987, J.T., 1987, p. 629).
A.2. Il n'apparaît pas raisonnablement justifié de ne permettre qu'au seul inculpé détenu l'accès direct au dossier de l'instruction. La partie civile constituée est un intervenant à part entière dans le procès pénal, au même titre que l'inculpé ou la partie publique. Cette interprétation se trouve confirmée par nombre de documents officiels émanant des plus hautes instances internationales et nationales.
A.3. Ainsi, la partie civile a incontestablement un intérêt à avoir accès au dossier de l'instruction et à pouvoir en lever copie, pour prendre connaissance des devoirs déjà effectués et afin d'y trouver éventuellement des pistes, de mettre en évidence des éléments qu'elle seule peut être à même de découvrir, à plus forte raison lorsqu'il s'agit de parents qui, depuis sept années et demie, attendent désespérément des nouvelles de leur fille disparue et sont en droit de pouvoir consulter dans des conditions psychologiquement et matériellement acceptables, un dossier d'instruction concernant leur fille.
A.4. Enfin, il y a manifestement violation du principe d'égalité des armes entre les différentes parties intervenant dans la procédure. Le droit des victimes dûment constituées parties civiles d'accéder au dossier doit faire désormais partie intégrante de notre droit positif, comme le confirme l'actuel projet de loi permettant l'accès au dossier pendant l'instruction tant pour la partie civile que pour l'inculpé non détenu, ainsi que la volonté de la Commission de la Justice de mettre sur le même pied la partie civile et la personne contre laquelle existent des indices sérieux de culpabilité (J.T., 22 février 1997, p. 123).
A.5. L'article 1380, alinéa 2, du Code judiciaire, en tant que fondement légal de l'article 125 du tarif criminel, viole les principes d'égalité et de non-discrimination, dès lors qu'en son alinéa 1er, il exclut toute appréciation discrétionnaire dans le chef des greffiers et dépositaires des registres publics, en ce qui concerne la délivrance d'expéditions, de copies ou d'extraits d'actes à tous requérants et que d'autres dispositions du même Code judiciaire ne réservent aucun pouvoir d'appréciation discrétionnaire aux autorités non juridictionnelles qui sont obligées de délivrer de tels documents de procédure.
En effet, une telle différence de traitement entre différents justiciables ne repose sur aucun critère objectif et n'est pas raisonnablement justifiée. Elle porte également atteinte au principe de l'égalité des armes.
Mémoire de Marie-Noëlle Bouzet A.6. L'article 1380, alinéa 1er, du Code judiciaire crée en faveur des personnes qu'il concerne un véritable droit subjectif à la communication des dossiers et pièces de procédure qui y sont visés.
A l'inverse, la jurisprudence considère que, en matière pénale et disciplinaire, en vertu de l'alinéa 2 de l'article 1380 du Code judiciaire et de l'article 125 du tarif criminel, un tel droit subjectif n'existe pas au profit des personnes que ces dispositions concernent. Or, ces dispositions ne sont que la retranscription de textes antérieurs, dont la mouture originelle était l'article 56 d'un décret du 18 juin 1811, c'est-à -dire de dispositions antérieures à la Convention européenne des droits de l'homme. Il est étrange qu'aucun recours n'ait été introduit contre cette disposition, soit devant la Cour d'arbitrage, soit devant la Cour européenne des droits de l'homme, à l'instar de la procédure qui a abouti à l'arrêt Lamy du 30 mars 1989.
A.7. La Cour d'arbitrage admet que son contrôle s'exerce, non seulement au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, mais aussi en se référant aux dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme. Il s'impose d'adopter la même démarche que dans les arrêts rendus à propos de l'article 135 du Code d'instruction criminelle et au sujet du caractère contradictoire de l'expertise pénale.
A.8. Les dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme mentionnées dans la question concernent l'égalité des armes entre parties à une même procédure, qui est un principe fondamental du procès équitable (R.P.D.B., compl. VII, V° C.E.D.H., n° 469) et qui suppose un équilibre non seulement entre l'accusé et le ministère public, mais également entre l'accusé et la partie civile (Bruxelles, 18 juin 1987, J.T., 1987, p. 629). La même égalité doit exister entre le ministère public et la partie civile.
A.9. A l'objection selon laquelle la procédure d'instruction échappe aux dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme, il convient de répondre que la jurisprudence de la Cour européenne s'infléchit et qu'elle étend l'application des principes de la Convention au stade de l'information et de l'instruction.
A.10. C'est également dans ce sens que semble aller la Cour d'arbitrage dans son arrêt du 30 avril 1997, ainsi que l'indique le commentaire d'A. Masset (J.L.M.B., 1997, p. 795).
A.11. L'évolution jurisprudentielle est essentiellement fondée sur « le risque de préjudices irréparables » infligés à une partie par la méconnaissance de ses droits de défense dès le stade préparatoire de la procédure. Le B.7 de l'arrêt du 30 avril 1997 peut être transposé quasiment mot pour mot dans la présente affaire.
S'agissant ici de la quête désespérée de parents recherchant leur petite fille disparue depuis plus de sept ans et demi, les éléments mentionnés par la Cour à titre d'exemple, à savoir « l'ancienneté des faits, la disparition d'indices matériels, l'impossibilité de faire procéder à des devoirs qui ne peuvent s'accomplir que dans un temps proche des faits litigieux », sont autant de raisons pouvant être invoquées dans la présente cause.
Peuvent s'y ajouter, toujours à titre d'exemple : la proximité des parents avec leur fille, celle de la mère avec le lieu de l'enlèvement, des éléments de fait recueillis ou non par l'enquête dont la signification peut n'apparaître qu'aux yeux des parents, qui sont autant d'arguments justifiant, dans le chef des parties civiles, un accès réel et immédiat au dossier, qui leur est interdit sur la base des dispositions visées à la question préjudicielle.
Ces considérations de fait sont à mettre en relation avec les questions de proportionnalité de la mesure et de discrimination objectivement justifiée.
En effet, si l'on considère (voy. Cour d'arbitrage, 1er décembre 1994, considérant B.4) que, dans la mesure où le ministère public accomplit, dans l'intérêt de la société, les missions de service public relatives à la recherche et à la poursuite des infractions, certaines dispositions du Code d'instruction criminelle qui lui donnent un statut particulier sont ainsi objectivement justifiées, si de même on considère que l'état de détention d'un prévenu justifie un même traitement préférentiel par rapport au prévenu non détenu et à la partie civile (c'est la ratio legis de la loi sur la détention préventive), il faut de même admettre que les considérations ci-dessus citées parmi d'autres à titre d'exemple justifient également que la partie civile bénéficie à son tour d'un même traitement préférentiel, par rapport à l'ensemble des citoyens, et commandent, à tout le moins, de la mettre sur le même pied que les autres parties à la même procédure.
A.12. Il ne s'agit pas de lever le secret de l'instruction mais d'instaurer en faveur de la partie civile les règles de la contradiction. L'argument tiré du caractère purement civil de l'intervention de la partie civile n'est pas pertinent puisqu'en matière civile, c'est le principe du contradictoire qui gouverne toutes les procédures.
A.13. Une telle nécessité paraît aujourd'hui unanimement reconnue, ainsi que l'attestent de nombreux projets élaborés depuis 1978, d'importantes contributions doctrinales, de même que le texte proposé par la Commission Franchimont.
A.14. De même, les législations de pays voisins consacrent un certain caractère contradictoire de la procédure pénale (article 6 de la loi luxembourgeoise du 19 novembre 1929, articles 30 et 32 du Code de procédure pénale néerlandais, article 118, alinéa 3, du Code de procédure pénale français).
A.15. Ces éléments ne permettent cependant pas de préjuger du délai dans lequel la réforme en cours pourra aboutir. L'urgence, admise par le juge a quo, commande que le droit interne soit mis sans retard en concordance avec le droit international directement applicable. Si la Cour ne peut procéder par voie de disposition réglementaire, elle peut, en répondant affirmativement à la question posée, donner dès à présent satisfaction à la partie demanderesse devant le juge a quo sur deux plans importants : la prise de connaissance du dossier et la participation plus effective de la requérante aux devoirs d'enquête et d'instruction. Ce faisant, la Cour rencontrera les recommandations de la Commission parlementaire d'enquête sur les disparitions d'enfants, dans le chapitre consacré aux victimes (chapitre IV, recommandations, section 1, spécialement paragraphes 2 et 3).
Mémoire du Conseil des ministres A.16. La différence de traitement dénoncée dans la question préjudicielle ne découle pas de l'article 1380, alinéa 2, du Code judiciaire mais de l'article 125 de l'arrêté royal du 28 décembre 1950 portant règlement général sur les frais de justice en matière répressive, qui est une norme exécutive. La Cour n'est donc pas compétente pour se prononcer sur sa légalité. C'est au juge a quo qu'il appartient, en vertu de l'article 159 de la Constitution, de dire si cette disposition est ou non conforme aux normes constitutionnelles et législatives.
A.17. En ordre subsidiaire, la différence de traitement repose sur un critère objectif.
Dans la procédure pénale, il s'agit de traiter un comportement pénalement punissable, qui entraîne des actes d'instruction et une action publique. La procédure civile ne concerne pas l'action publique et ne met en cause, généralement, que des parties privées (voy. Cour d'arbitrage, arrêt n° 25/95 du 21 mars 1995, Moniteur belge, 31 mars 1995; arrêt n° 51/96 du 12 juillet 1996, Moniteur belge, 14 août 1996). L'article 1380, alinéa 1er, du Code judiciaire concerne des registres qui sont publics, ce qui n'est évidemment pas le cas pour les pièces d'un dossier répressif.
La différence de traitement de la partie civile en matière pénale et de l'inculpé en détention préventive en ce qui concerne la communication des pièces du dossier répressif repose également sur un critère objectif, à savoir le fait que l'inculpé en détention préventive a le droit d'organiser sa défense lorsqu'il est statué sur la prolongation de sa détention préventive par la chambre du conseil ou par la chambre des mises en accusation. La détention préventive est indépendante de l'action civile, exercée par la partie civile.
A.18. Par ailleurs, la différence de traitement est raisonnablement justifiée.
Le pouvoir d'appréciation du procureur général est lié au caractère secret de l'instruction. Il est unanimement admis que la phase préparatoire du procès pénal est de type inquisitoire, se caractérisant notamment par la règle du secret de l'enquête, tant vis-à -vis du prévenu que de la partie civile et de tout tiers en général (voy. R.P.D.P., t. X, V° Procédure pénale, (1939), n° 273;
Franchimont, M., Manuel de procédure, Liège, Ed. du Jeune Barreau, 1989, pp. 272 et suivantes; Verstraeten, R., Handboek Strafvordering, Anvers, Maklu, 1994, n° 425; Cass., 12 juin 1913, Pas., 1913, I, 322;
Bruxelles, 14 mars 1936, Pas., 1936, II, 87; C.E., n° 38.476, 10 janvier 1992, A.V./Ville de Mons).
A.19. Les raisons principales invoquées pour justifier le secret de l'instruction sont, d'une part, une indispensable efficacité dans la recherche de la vérité et, d'autre part, la protection de la présomption d'innocence (voy. Doc. parl., Chambre, 1996-1997, n° 857/1, p. 7; concl. du procureur général Terlinden sous : Cass., 12 juin 1913, Pas., 1913, I, 322; voy. aussi : de le Court, E., « La communication des dossiers répressifs par le procureur général », J.T., 1963, (501), 504; R.P.D.B., t. X, V° Procédure pénale, (1939), 413; Bruxelles, 10 janvier 1997, n° 1996/KR/117, Lejeune e.a./Etat belge; pièce 1).
A.20. L'efficacité dans la recherche de la vérité implique inévitablement le secret de l'instruction (R.P.D.B., t. X, V° Procédure pénale, n° 413).
Il faut souligner que les parties civiles, leurs conseils et les tiers non-coauteurs ou complices ne sont pas soumis à l'article 458 du Code pénal, qui protège le secret professionnel et plus spécialement le secret de l'instruction (Bekaert, H., « Le secret de l'instruction », J.T., 1950, 507; Verstraeten, R., De burgerlijke partij en het gerechtelijk onderzoek, Anvers, Maklu, 1990, n° 309).
L'absence d'intervention de l'opinion publique favorise la qualité de la recherche de la vérité et est une condition nécessaire pour garantir l'impartialité et l'indépendance des magistrats (Verstraeten, R., Handboek Strafvordering, Anvers, Maklu, 1994, n° 425).
Il est clair que tous ces objectifs sont totalement étrangers à la procédure civile, où il n'y a ni instruction, ni présomption d'innocence et où l'efficacité dans la recherche de la vérité est soumise à la volonté des parties.
A.21. La possibilité pour la partie civile de prendre connaissance des actes d'instruction et d'en recevoir une expédition dépend de l'autorisation préalable du procureur général, qui dispose d'une compétence exclusive et discrétionnaire (Cass., 21 juin 1974, Pas., 1974, I, 1096).
A.22. Selon une jurisprudence récente, la décision du procureur général peut faire l'objet d'un éventuel contrôle marginal dans une procédure de référé (Civ. Bruxelles, 20 décembre 1995, J.P., 1996, n° 296; Bruxelles, 9 septembre 1996, J.L.M.B., 1996, 1459).
En l'espèce, le juge a quo a exercé ce contrôle (voy. pages 5 et 7 de l'ordonnance).
A.23. Il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. Vu les intérêts en cause et la jurisprudence récente relative au contrôle juridictionnel de légalité, il n'est pas déraisonnable d'accorder au procureur général un pouvoir d'appréciation sur la publicité des actes de l'instruction (voy. Doc. parl., Chambre, 1996-1997, n° 857/1).
L'article 61ter en projet du Code d'instruction criminelle permet la consultation du dossier par la partie civile et par le prévenu non détenu. Cette faculté est cependant soumise à certaines conditions. Il n'est pas prévu d'accès automatique et illimité de la partie civile au dossier répressif. Une telle faculté ne respecterait pas les buts poursuivis, à savoir l'efficacité dans la recherche de la vérité et la protection de la présomption d'innocence, à moins qu'elle comporte un pouvoir d'appréciation et qu'elle soit caractérisée par une approche casuistique, soumise à un contrôle juridictionnel.
Mémoire en réponse de Marie-Noëlle Bouzet A.24. C'est bien l'article 1380, alinéa 2, du Code judiciaire qui, outre qu'il fournit a posteriori un fondement légal à l'article 125 de l'arrêté royal du 28 décembre 1950, établit un traitement discriminatoire à l'égard des personnes concernées par une procédure pénale ou disciplinaire, par rapport à celles qui sont concernées par une procédure civile. La Cour d'arbitrage est donc compétente.
A.25. L'exception légale au secret de l'instruction, qui permet à l'inculpé détenu d'avoir accès au dossier répressif, joue en faveur de personnes qui ne sont pas astreintes au secret professionnel et qui peuvent avoir un réel intérêt à divulguer des secrets de l'enquête, pour entraver son déroulement, voire pour empêcher sa bonne fin, ce qui n'a pas suffi pour que le législateur supprime cette exception en leur faveur. Dès lors qu'il convient d'accorder autant de crédit aux victimes qu'aux inculpés, il se justifie de leur donner un accès équivalent au dossier.
A.26. Il s'agit moins de lever le secret de l'instruction que de rendre la procédure contradictoire, ainsi que le préconise le projet Franchimont. A fortiori la solution discriminatoire qui découle de l'article 1380, alinéa 2, du Code judiciaire au détriment de la partie civile dans une procédure pénale, par rapport aux parties à une procédure civile, n'est-elle pas raisonnablement justifiée, le critère fondé sur la nature des procédures n'étant pas objectif.
A.27. L'exception légale en faveur de l'inculpé détenu de même que le système de l'arrêté royal du 28 décembre 1950 contredisent le caractère absolu du secret de l'instruction. Les réformes en cours confirment qu'il existe des intérêts supérieurs devant lesquels le caractère secret de la procédure, qui a ses propres justifications, doit céder le pas, du moins en faveur des personnes qui y sont parties, spécialement en faveur de la partie civile constituée.
Il convient donc de répondre positivement à la question posée, de constater que les textes incriminés instaurent une discrimination et d'établir ainsi une « égalisation » des droits et des responsabilités des uns et des autres, dans le sens voulu par la Constitution et par la Convention européenne des droits de l'homme.
Mémoire en réponse du Conseil des ministres A.28. L'arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles du 18 juin 1987, invoqué par les parties Brichet et Bouzet, concerne l'accès de la partie civile au dossier devant les tribunaux de la jeunesse, après la saisine de ces tribunaux, ce qui ne peut être comparé à l'instruction pénale, qui est une phase préparatoire, avant la saisine d'un tribunal.
A.29. L'arrêt n° 24/97 de la Cour d'arbitrage est invoqué à tort puisqu'il concernait le caractère contradictoire de l'expertise ordonnée par un juge pénal « agissant en qualité de juge du fond ».
A.30. L'arrêt Murray rendu par la Cour européenne des droits de l'homme a constaté une violation de l'article 6 de la Convention parce que le requérant n'avait pas eu accès à un avocat pendant les quarante-huit premières heures de sa garde à vue. Même s'il étend les règles du procès équitable à l'instruction pénale, il ne vaut que pour l'inculpé, non pour la partie civile.
A.31. Le principe de l'égalité des armes entre la partie civile et le ministère public méconnaît la mission propre de celui-ci dans la phase de l'instruction pénale, l'instruction et l'exercice de l'action publique constituant des tâches exclusives du ministère public.
A.32. Le secret de l'information et de l'instruction est établi dans un but d'intérêt général, à savoir l'indispensable efficacité dans la recherche de la vérité et la protection de la présomption d'innocence et de la vie privée des personnes qui ont fait l'objet d'actes d'instruction, ce qui n'est pas contraire aux objectifs de la Convention européenne.
A.33. Dans cette perspective, la phase d'instruction n'est pas contradictoire pour la partie civile. Elle ne l'est à l'égard de l'inculpé que pour déterminer le prolongement de sa détention préventive. La partie civile est totalement étrangère à ce débat.
A.34. Le Conseil des ministres ne nie pas les circonstances dramatiques qui entourent la requête initiale introduite par les parties. Il est néanmoins convaincu que le régime actuel, qui autorise la partie civile à prendre connaissance et copie des actes d'instruction après l'autorisation du procureur général, et qui permet un contrôle juridictionnel de la décision de ce dernier, ne viole pas les principes d'égalité et de non-discrimination. Rendre l'instruction contradictoire, au moins pour ce qui concerne les relations entre la partie civile et le ministère public, serait une réforme profonde et radicale qui ne pourrait être imposée, sous peine de violer la Constitution, que par le législateur.
A.35. La partie Bouzet soutient que la nécessité d'introduire plus de contradiction dans la procédure dès son départ paraît unanimement reconnue. Ce n'est pas le cas pour ce qui concerne l'attribution à la partie civile d'un droit inconditionnel d'accès au dossier de l'instruction. Ainsi, le projet de la Commission Franchimont soumet à certaines conditions le droit de la partie civile de consulter des actes du dossier de l'instruction et d'en recevoir copie. L'accès au dossier dépendra de l'appréciation du juge d'instruction. - B - Quant à la compétence de la Cour B.1. Le juge a quo interroge la Cour sur la constitutionnalité de l'article 1380, alinéa 2, du Code judiciaire. Contrairement à ce que soutient le Conseil des ministres, la Cour n'est pas interrogée sur la constitutionnalité de l'article 125 de l'arrêté royal du 28 décembre 1950 portant règlement général sur les frais de justice en matière répressive.
B.2. Les textes législatifs mentionnés dans la question préjudicielle sont : - l'article 1380 du Code judiciaire, qui dispose : « Les greffiers et dépositaires des registres publics en délivrent, sans ordonnance de justice, expédition, copie ou extrait à tous requérants, à la charge de leurs droits, à peine de dépens, dommages et intérêts.
Le Roi détermine les conditions auxquelles sont soumises la communication ou la copie des actes d'instruction et de procédure en matière criminelle, correctionnelle et de police et en matière disciplinaire. » - l'article 21, § 3, de la loi du 20 juillet 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1990 pub. 02/12/2010 numac 2010000669 source service public federal interieur Loi relative à la détention préventive Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la détention préventive, selon lequel : « Le dossier est mis à la disposition de l'inculpé et de son conseil pendant le dernier jour ouvrable avant la comparution.
Cette mise à la disposition de l'inculpé pourra se faire sous forme de copies certifiées conformes par le greffier.
Le dossier est à nouveau mis à leur disposition pendant la matinée du jour de la comparution si la veille n'était pas un jour ouvrable; dans ce cas, la comparution en chambre du conseil a lieu l'après-midi. » - l'article 22, alinéas 3 et 4, de la même loi, qui énonce, à propos de la comparution de l'inculpé en chambre du conseil, renouvelée de mois en mois tant qu'il n'est pas mis fin à la détention préventive : « Avant la comparution, le dossier est mis pendant deux jours à la disposition de l'inculpé et de son conseil. Le greffier leur en donne avis par télécopieur ou par lettre recommandée à la poste.
Cette mise à la disposition de l'inculpé pourra se faire sous forme de copies certifiées conformes par le greffier. » B.3. Les normes législatives mentionnées par le juge a quo dans la question préjudicielle établissent une différence de traitement entre les catégories de personnes suivantes : d'une part : - les personnes qui souhaitent consulter le dossier répressif de l'affaire dans laquelle elles se sont constituées partie civile, qui sont soumises aux conditions que le Roi peut déterminer (article 1380, alinéa 2, du Code judiciaire) et, d'autre part : - les personnes qui veulent consulter les registres publics et dont, moyennant paiement, elles peuvent obtenir expédition, copie ou extrait (article 1380, alinéa 1er, du Code judiciaire), - les inculpés détenus, le dossier qui les concerne étant mis à leur disposition peu avant leur comparution en chambre du conseil (articles 21, § 3, et 22, alinéas 3 et 4, de la loi relative à la détention préventive), - les personnes qui peuvent obtenir des extraits ou copies d'actes de procédure au cours d'une procédure civile (par exemple, articles 792 et 892 du Code judiciaire).
B.4.1. La Cour ne peut se prononcer sur le caractère justifié ou non d'une différence de traitement au regard des articles 10 et 11 de la Constitution que si cette différence est imputable à une norme législative. Lorsqu'un législateur délègue, il faut supposer, en règle, qu'il n'entend habiliter le délégué qu'à faire de son pouvoir un usage conforme aux articles 10 et 11 de la Constitution.
En l'espèce, l'article 1380, alinéa 2, du Code judiciaire habilite le Roi à déterminer à quelles conditions une personne peut obtenir communication ou copie de pièces d'un dossier répressif. Le législateur a donc permis d'établir une distinction entre les personnes qui ne peuvent prendre connaissance d'un dossier répressif qu'aux conditions établies par le Roi et les autres personnes mentionnées en B.3, qui disposent de possibilités plus larges pour consulter et obtenir copie des dossiers et des actes de procédure.
B.4.2. Suivant l'interprétation donnée à l'article 1380, alinéa 2, du Code judiciaire par le juge a quo, cette disposition doit s'entendre comme conférant un fondement législatif à l'article 125 de l'arrêté royal du 28 décembre 1950 portant règlement général sur les frais de justice en matière répressive.
Cet article dispose : « En matière criminelle, correctionnelle et de police et en matière disciplinaire, aucune expédition ou copie des actes d'instruction et de procédure ne peut être délivrée sans une autorisation expresse du procureur général près la Cour d'appel ou de l'auditeur général. [...] » B.4.3. La Cour analysera la mesure exprimée dans l'article 125 de l'arrêté royal du 28 décembre 1950, non afin de se prononcer sur la constitutionnalité d'un arrêté royal, ce qui n'est pas de sa compétence, mais seulement en se plaçant dans l'hypothèse où l'article 1380, alinéa 2, du Code judiciaire, selon l'interprétation donnée en B.4.2, confère un fondement législatif au pouvoir attribué au procureur général par l'article 125 précité.
B.5. Il résulte de ce qui précède que la Cour est compétente pour répondre à la question préjudicielle.
Quant au système en vigueur B.6. Le Conseil des ministres soutient que selon une jurisprudence récente, la décision du procureur général peut faire l'objet d'un contrôle marginal dans une procédure de référé. Dans un arrêt du 10 janvier 1997, produit par le Conseil des ministres, la Cour d'appel de Bruxelles, dans l'affaire qui a donné lieu aux deux décisions citées dans son mémoire, a cependant considéré que les cours et tribunaux de l'ordre judiciaire ne pourraient se substituer au procureur général dans l'exercice de ses attributions (Bruxelles, 9e chambre, en cause Lejeune et consorts c/Etat belge, n° 1996/KR/177). Telle semble être également la jurisprudence des juridictions pénales lorsque la partie civile se heurte au refus du juge d'instruction de lui donner accès au dossier répressif (Liège, chambre des mises en accusation, 13 juin 1996, J.L.M.B., 1996, p. 1295). Quant au recours pour excès de pouvoir qui peut être exercé en la matière devant la Cour de cassation en application de l'article 610 du Code judiciaire, il a été jugé irrecevable s'il n'est pas introduit par le procureur général près la Cour de cassation, conformément à l'article 1088 du Code judiciaire (Cass., 26 mars 1997, R.G., P.97.0249.F).
B.7. La décision du procureur général refusant à la partie civile l'accès au dossier répressif est considérée, dans l'état actuel de la jurisprudence, comme une décision « souveraine et discrétionnaire », insusceptible d'un recours juridictionnel organisé par la loi. La jurisprudence citée plus haut ne permet pas de dire qu'il existe un recours juridictionnel effectif, accessible aux parties civiles, contre le refus du procureur général de leur donner accès au dossier répressif.
Quant au fond B.8. Les catégories de personnes concernées par l'alinéa 1er de l'article 1380 du Code judiciaire ne se trouvent pas dans une situation comparable à celle des personnes qui se sont constituées partie civile dans une affaire pénale. Les premières souhaitent obtenir copie de registres qui sont publics, les secondes désirent consulter des pièces d'une instruction pénale qui est secrète.
B.9. Il n'est pas davantage pertinent de comparer la situation des personnes qui sont parties à un procès civil et celle des personnes qui sont parties à un procès pénal pendant l'instruction préparatoire.
Les premières sont tenues de se communiquer la totalité des pièces qu'elles détiennent et dont elles feront état au cours des débats, en vertu de la règle fondamentale du caractère contradictoire des débats, applicable tout au long de la procédure civile, qui est une procédure accusatoire. Les secondes sont parties à une procédure pénale qui, dans sa phase préparatoire, est, en principe, inquisitoire et secrète.
B.10. La question préjudicielle invite la Cour à comparer, au cours de l'instruction préparatoire, la situation de la partie civile qui, sauf autorisation du procureur général, n'a pas accès au dossier répressif et ne peut donc en exploiter les éléments qui seraient utiles à son action, à celle de l'inculpé qui, ayant consulté le dossier répressif pendant sa détention, a pu y puiser des éléments lui permettant d'organiser dès ce moment sa défense, notamment en demandant au juge d'instruction d'accomplir certains devoirs. A cet égard, la situation de la partie civile et celle de l'inculpé détenu sont suffisamment comparables.
La Cour limitera son examen à la situation des deux catégories de personnes suivantes, mentionnées dans la question préjudicielle : la partie civile et l'inculpé détenu.
B.11. Le contrôle des normes législatives confié à la Cour au regard des articles 10 et 11 de la Constitution lui permet seulement d'examiner s'il est compatible avec le principe d'égalité et de non-discrimination de mettre à la disposition de l'inculpé détenu l'ensemble du dossier répressif qui le concerne en vue de sa comparution devant la chambre du conseil, alors que la consultation du dossier par la partie civile est subordonnée aux conditions déterminées par le Roi - en l'occurrence l'autorisation du procureur général - sans que le législateur ait prévu un recours juridictionnel organisé.
B.12. C'est pour permettre à l'inculpé de critiquer utilement la légalité du mandat d'arrêt décerné contre lui ou de contester la nécessité de son maintien que, depuis la loi du 20 juillet 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1990 pub. 02/12/2010 numac 2010000669 source service public federal interieur Loi relative à la détention préventive Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la détention préventive, le législateur lui permet de consulter le dossier répressif à chaque comparution devant la chambre du conseil appelée à se prononcer sur le maintien de ce mandat.
Une telle dérogation au caractère secret de l'instruction est justifiée par la nécessité de permettre à toute personne privée de sa liberté d'introduire un recours devant un tribunal afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention, comme le prévoit l'article 5.4 de la Convention européenne des droits de l'homme.
B.13. Si la partie civile se trouve dans une situation différente de celle de l'inculpé détenu, il ne s'ensuit toutefois pas qu'elle devrait, dans tous les cas, être laissée, tout au long de l'instruction, dans l'ignorance du dossier qui la concerne également.
En effet, les personnes qui ont été personnellement lésées par une infraction et qui se sont constituées partie civile peuvent avoir aussi des motifs légitimes de consulter le dossier répressif. Cette consultation peut en outre servir l'intérêt général, dans la mesure où la partie civile peut disposer d'éléments qui seraient absents du dossier.
B.14. Il n'est toutefois pas déraisonnable, par rapport au secret de l'instruction, que le législateur ait subordonné à certaines conditions la consultation du dossier répressif par la partie civile, au stade de l'instruction préparatoire.
B.15. Il reste cependant à examiner si la manière dont le législateur a limité l'accès de la partie civile au dossier répressif est dans un rapport raisonnable de proportionnalité avec les objectifs qu'il poursuit.
B.16. En abandonnant au Roi la compétence de déterminer les conditions auxquelles est soumise la consultation du dossier répressif par toute personne autre que l'inculpé détenu et en donnant ainsi un fondement légal à un système qui n'offre à la partie civile aucun recours juridictionnel contre les décisions statuant sur sa demande de consultation, le législateur a pris une mesure qui, à l'égard de la partie civile, n'est pas dans un rapport raisonnable de proportionnalité avec les objectifs poursuivis.
Dans cette mesure, l'article 1380, alinéa 2, du Code judiciaire viole le principe d'égalité.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - En ce qu'il soumet à certaines conditions l'accès au dossier répressif de toute personne autre que l'inculpé détenu, l'article 1380, alinéa 2, du Code judiciaire ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution. - En ce qu'il ne prévoit aucun recours juridictionnel contre la décision statuant sur la demande de la partie civile d'avoir accès au dossier répressif pendant l'instruction préparatoire, l'article 1380, alinéa 2, du Code judiciaire viole les articles 10 et 11 de la Constitution.
Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 18 juillet 1997, par le siège précité, dans lequel les juges E. Cerexhe et H. Coremans sont remplacés, pour le prononcé, respectivement par les juges R. Henneuse et M. Bossuyt, conformément à l'article 110 de la même loi.
Le greffier, L. Potoms.
Le président, M. Melchior.