publié le 27 juin 1997
Arrêt n° 34/97 du 12 juin 1997 Numéros du rôle : 975, 976 et 977 En cause : les recours en annulation de l'article 8 du décret de la Région flamande du 22 décembre 1995 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1996, introduits La Cour d'arbitrage, composée du juge L. François, faisant fonction de président, du président L(...)
Arrêt n° 34/97 du 12 juin 1997 Numéros du rôle : 975, 976 et 977 En cause : les recours en annulation de l'article 8 du décret de la Région flamande du 22 décembre 1995 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1996, introduits par la s.a. Revatech et autres.
La Cour d'arbitrage, composée du juge L. François, faisant fonction de président, du président L. De Grève et des juges H. Boel, P. Martens, J. Delruelle, R. Henneuse et M. Bossuyt, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le juge L. François, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 28 juin 1996 et parvenue au greffe le 1er juillet 1996, la s.a. Revatech, dont le siège social est établi à 4480 Engis, zoning industriel d'Ehein, la s.a. Scoribel, dont le siège social est établi à 7034 Mons-Obourg, rue des Fabriques 2, et l'a.s.b.l. Union professionnelle des entreprises d'élimination de déchets, dont le siège social est établi à 1170 Bruxelles, chaussée de La Hulpe 164, ont introduit un recours en annulation de l'article 8 du décret de la Région flamande du 22 décembre 1995 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1996, publié au Moniteur belge du 30 décembre 1995.
Par requêtes adressées à la Cour par lettres recommandées à la poste le 1er juillet 1996 et parvenues au greffe le 2 juillet 1996, le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, avenue Louise 54, bo*te 10, 1050 Bruxelles, d'une part, et l'Agence régionale pour la propreté, dont le siège est établi à 1150 Bruxelles, avenue de Broqueville 12, d'autre part, ont introduit également un recours en annulation de l'article 8 dudit décret.
Ces recours sont inscrits respectivement sous les numéros 975, 976 et 977 du rôle.
II. La procédure Par ordonnances des 1er et 2 juillet 1996, le président en exercice a désigné les juges des sièges conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.
Par ordonnance du 9 juillet 1996, la Cour réunie en séance plénière a joint les affaires.
Les recours ont été notifiés conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 12 août 1996; l'ordonnance de jonction a été notifiée aux parties par les mêmes lettres.
L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 14 août 1996.
Par ordonnance du 26 septembre 1996, le président en exercice a prorogé de quinze jours le délai pour l'introduction d'un mémoire, suite à la demande du Gouvernement flamand du même jour.
Cette ordonnance a été notifiée au Gouvernement flamand, par lettre recommandée à la poste le 30 septembre 1996.
Des mémoires ont été introduits par : le Gouvernement wallon, rue Mazy 25-27, 5100 Namur, par lettre recommandée à la poste le 27 septembre 1996; le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 14 octobre 1996.
Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 28 octobre 1996.
Des mémoires en réponse ont été introduits par : les parties requérantes dans l'affaire portant le numéro 975 du rôle, par lettre recommandée à la poste le 27 novembre 1996; les parties requérantes dans les affaires portant les numéros 976 et 977 du rôle, par lettre recommandée à la poste le 27 novembre 1996; le Gouvernement wallon, par lettre recommandée à la poste le 28 novembre 1996.
Par ordonnance du 26 novembre 1996, la Cour a prorogé jusqu'au 28 juin 1997 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.
Par ordonnance du 25 mars 1997, la Cour a déclaré les affaires en état et fixé l'audience au 30 avril 1997.
Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats par lettres recommandées à la poste le 26 mars 1997.
Par ordonnance du 30 avril 1997, le président en exercice a complété le siège par le juge P. Martens, le président M. Melchior, légitimement empêché, étant remplacé par le juge L. François, qui était déjà membre du siège.
A l'audience publique du 30 avril 1997 : ont comparu : . Me L. Swartenbroux, avocat au barreau de Bruxelles, pour les parties requérantes dans l'affaire portant le numéro 975 du rôle; . Me M. Kestemont-Soumeryn et Me J. Bouckaert, avocats au barreau de Bruxelles, pour les parties requérantes dans les affaires portant les numéros 976 et 977 du rôle; . Me V. Thiry, avocat au barreau de Liège, pour le Gouvernement wallon; . Me W. Slosse loco Me P. Engels, avocats au barreau d'Anvers, pour le Gouvernement flamand; les juges-rapporteurs R. Henneuse et M. Bossuyt ont fait rapport; les avocats précités ont été entendus; les affaires ont été mises en délibéré.
La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.
III. En droit A La requête dans l'affaire portant le numéro 975 du rôle A.1. Le nouvel article 47, 2, 38°, du décret flamand du 2 juillet 1981 relatif à la prévention et à la gestion des déchets, tel qu'il a été modifié par la disposition contestée, fixe deux taux (2.000 francs et 150 francs par tonne) pour les déchets produits en Région flamande et transportés vers une autre région pour y subir certains traitements.
Le législateur et le Gouvernement flamand ont défini les notions de valorisation et d'élimination des déchets, élimination dont relèvent les opérations de traitement physico-chimique, de déversement et d'incinération que vise la disposition contestée.
A.2.1. En ce qui concerne la recevabilité du recours en annulation, la s.a. Revatech, première requérante, est active dans le secteur du traitement physico-chimique des déchets industriels dangereux et toxiques, traitement qui a pour but de neutraliser les déchets, de les" inerter ", de les solidifier, ou encore de les valoriser ou de les recycler; une partie importante des déchets à traiter ont la Région flamande comme origine. Les fournisseurs de ces déchets doivent payer la redevance dès lors que lesdits déchets sont soumis à un traitement physico-chimique, préalable à leur mise en décharge ou incinération. A l'inverse, le traitement physico-chimique effectué dans des installations situées en Région flamande n'est pas soumis à la redevance, seule une redevance de 150 francs étant perçue sur le déversement en Région flamande de déchets immobilisés à la suite du traitement précité. La redevance en cause, à supporter par le collecteur de déchets, risque d'inciter celui-ci à remettre les déchets dans les installations de traitement situées en Flandre.
A.2.2. La s.a. Scoribel, deuxième requérante, est active dans le secteur de la" valorisation matière et/ou énergétique " de déchets dangereux ou toxiques, dont 60 p.c. sont générés en Région flamande.
Ceux-ci sont soit destinés à la valorisation énergétique ou matière, soit destinés à l'élimination par incinération.
Bien que les opérations de valorisation des déchets, et leur collecte, ne soient pas visées par la redevance contestée, la Société publique des déchets pour la Région flamande (OVAM) est de l'opinion contraire et considère que les opérations de traitement auxquelles procède la deuxième requérante à Obourg constituent une opération d'élimination de déchets, les collecteurs desdits déchets étant en conséquence soumis à la redevance.
De même l'OVAM considère-t-elle que le prétraitement des déchets ne pouvant pas être valorisés, préalable à leur incinération mais autre qu'un traitement physico-chimique, ne fait pas obstacle à l'assujettissement à la redevance; le même mode de traitement n'étant soumis, lorsqu'il est réalisé dans des institutions situées en Région flamande, qu'à une redevance variant de 220 francs à 850 francs la tonne (article 47, 2, 3°, 4°, 27° à 37°), les collecteurs de déchets préféreront leur remettre leurs déchets. Il en va de même en ce qui concerne la valorisation des résidus de recyclage, soumise à une redevance de 150 francs par tonne, alors que la même opération n'est soumise qu'à une redevance de 50 francs lorsqu'elle a lieu en Flandre (article 47, 2, 29°).
A.2.3. Quant à l'a.s.b.l. Union professionnelle des entreprises d'élimination de déchets (U.P.E.E.D.), troisième requérante, elle regroupe des entreprises impliquées dans la gestion de déchets, à savoir des collecteurs, des transporteurs, des entreprises d'élimination et de valorisation. Son objet social, décrit à l'article 3 de ses statuts, se distingue de l'intérêt général comme des intérêts individuels de ses membres. L'article 8 contesté affecte négativement les activités des entreprises qui collectent des déchets en Région flamande en vue d'un des traitements qu'il vise dans une autre région.
Il affecte également défavorablement la position concurrentielle des entreprises qui ont pour activité le traitement physico-chimique, le déversement et l'incinération en une autre région que la Région flamande.
A.3.1. Un premier moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 39 de la Constitution, de l'article 6, 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 et des articles 9, 12 et 16 du Traité instituant la Communauté européenne, en ce que l'article 8, 15°, du décret ne soumettrait pas à " la redevance d'environnement " de 2.000 et 150 francs, ou soumettrait à une redevance d'un montant moindre, les opérations similaires à celles ainsi assujetties, lorsqu'elles sont effectuées dans des installations situées en Région flamande.
A.3.2. En sa première branche, prise de la violation des règles de compétence, le premier moyen allègue que l'article 8 porte atteinte à la conception globale de l'union économique des composantes de l'Etat belge, en affectant la libre circulation des marchandises que constituent les déchets; il instaure en effet une taxe supplémentaire sur les déchets exportés vers une autre région par rapport aux déchets traités en Région flamande, ces derniers, pour des opérations comparables, soit n'étant pas taxés soit l'étant d'un montant moindre.
Cette surtaxation affecte négativement l'exportation de déchets en dehors de la Région flamande et constitue une taxe d'effet équivalent à un droit de douane à l'exportation, interdite par les articles 9, 12 et 16 du Traité de Rome.
A.3.3. En sa seconde branche, le premier moyen allègue que l'article 8 contesté viole les articles 10 et 11 de la Constitution en prévoyant un régime de taxation différent pour les déchets destinés à être traités dans des installations situées en Région flamande, d'une part, et ceux produits dans cette Région mais destinés à être traités dans des installations situées dans une autre région, d'autre part. Cette différence de taxation n'est pas raisonnablement justifiée, ni au regard du but ni au regard des effets de la mesure.
A.4. Le second moyen est également pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution; il critique le fait que, à l'inverse des déchets produits en Région flamande qui sont transportés vers une autre région que celle-ci qui sont soumis à la redevance contestée , ceux qui sont transportés vers un pays tiers échappent au contraire à cette même redevance. Cette différence de traitement, fondée sur l'endroit o· les déchets seront traités, n'est susceptible d'aucune justification raisonnable.
Les requêtes dans les affaires portant les numéros 976 et 977 du rôle A.5. Le nouvel article 47, 2, 38°, du décret du 2 juillet 1981 est susceptible, en son littera b), de deux interprétations, selon qu'il est considéré ou non que, pour bénéficier de la redevance réduite de 150 francs, les résidus de recyclages collectés doivent provenir d'entreprises utilisant effectivement des déchets comme matières premières, et non des centres de tri. Seule la première interprétation est possible au regard des termes de l'article 8, 15°, du décret.
En ce qui concerne la Région de Bruxelles-Capitale, la réception, le tri et le conditionnement des produits recyclables, collectés par l'Agence régionale pour la propreté, sont assurés par le centre de tri de Lot, situé en Région flamande; les résidus non recyclables de ces déchets sont récupérés par l'Agence régionale pour la propreté, qui les transporte à l'incinérateur de la Région bruxelloise : au regard de l'article 2, 9°, du décret du 2 juillet 1981, c'est donc elle qui les" collecte ", avec pour effet d'être dès lors assujettie à la redevance contestée.
L'Agence régionale pour la propreté justifie dès lors de l'intérêt requis pour contester cette redevance.
A.6. Le premier moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce que l'article 8, 15°, octroie le bénéfice du tarif réduit de 150 francs la tonne aux seules entreprises qui utilisent directement et elles-mêmes les résidus de recyclage comme matière première pour la production de nouveaux produits, et en prive, de manière injustifiée, les entreprises qui se limitent à trier des déchets et à produire des résidus de recyclage. Cette différence de traitement est d'autant moins justifiée que le législateur décrétal a supprimé diverses dispositions du décret du 2 juil-let 1981, au motif exprès que la distinction auparavant opérée entre les déchets produits par l'entreprise elle-même et ceux produits par des tiers devait être supprimée, l'essentiel étant la réglementation des méthodes d'élimination des déchets, indépendamment de l'origine de ceux-ci.
A.7.1. Le deuxième moyen est pris de la violation des articles 3, 5, 39, 134 et 170, 2, de la Constitution, pris seuls ou en combinaison avec ses articles 10 et 11, de l'article 6, 1er, II et VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 et de l'article 2 de la loi du 23 janvier 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 23/01/1989 pub. 22/04/2011 numac 2011000233 source service public federal interieur Loi sur la juridiction visée aux articles 92bis, § 5 et § 6, et 94, § 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la compétence fiscale. L'article 8, 15°, en ce qu'il insère une redevance respectivement de 2000 (littera a)) et 150 francs (littera b)) sur la collecte de déchets destinés à être transportés en dehors de la Région flamande, sans imposer la même redevance pour les opérations de traitement correspondantes ayant lieu dans cette Région, est entaché d'excès de compétence territoriale, d'une part (première branche du moyen), et viole les articles 10 et 11 de la Constitution, d'autre part (deuxième branche).
A.7.2. La compétence régionale pour instaurer une redevance en matière de déchets est incontestable. Si la redevance en cause ne peut être qualifiée de taxe à l'exportation, au regard des arrêts de la Cour du 25 février 1988 et n° 32/91 du 14 novembre 1991, il n'en reste pas moins que," contrairement à l'objectif poursuivi par le législateur décrétal, tel qu'il se trouve explicité dans les travaux préparatoires, le législateur décrétal n'a pas mis le tarif de redevance ' à l'exportation ' au même niveau que celui applicable en Région flamande respectivement pour le déversement des déchets et/ou des résidus de recyclage ". Il ne l'a pas davantage fait en ce qui concerne l'incinération des déchets, qu'il s'agisse des déchets industriels ou des ordures ménagères. Il résulte de ce traitement discriminatoire que," tenant compte de l'arrêt de la Cour d'arbitrage du 14 novembre 1991, [...] la Région flamande a légiféré en dehors de sa sphère de compétence territoriale ".
Mémoire du Gouvernement wallon En ce qui concerne la violation du principe d'égalité et de non-discrimination A.8.1. A l'inverse du décret du 20 décembre 1989, dont l'objectif était de supprimer l'immunité fiscale dont bénéficiaient les déchets exportés, la disposition contestée, en taxant davantage ces déchets, poursuit un objectif budgétaire, celui d'assurer des rentrées financières; en outre, peut-être le législateur flamand a-t-il voulu décourager la libre circulation des déchets afin de rentabiliser les installations situées en Région flamande. Aucun de ces deux objectifs ne peut justifier la différence de traitement opérée.
Il ne peut être soutenu qu'un objectif d'incitation à la valorisation aurait été poursuivi, à défaut d'avoir taxé, sinon plus lourdement, à tout le moins de façon similaire aux déchets exportés, les déchets éliminés en Région flamande. En toute hypothèse la mesure contestée est-elle, d'une part, inadéquate par rapport à cet objectif, et, d'autre part, disproportionnée, en raison des différences importantes dans le montant des redevances. Par ailleurs, en raison des taux élevés de la redevance, celle-ci porte atteinte à deux libertés fondamentales, la libre circulation des marchandises et la liberté de commerce et d'industrie.
A.8.2. La différence de traitement faite, par ailleurs, entre les déchets exportés de la Région flamande, selon qu'ils le sont vers une autre région et sont taxés ou vers un autre Etat et ne le sont pas est dépourvue de toute justification objective et raisonnable.
A.9. En application de l'article 85, alinéa 2, le Gouvernement wallon formule un moyen nouveau, pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution. D'une part, les redevances en cause frappent un procédé de valorisation l'incinération avec récupération d'énergie ou de matières premières , sans s'appliquer aux autres procédés de valorisation, sans que cette différence de traitement ne soit justifiée. D'autre part, les mêmes redevances frappent de façon indifférenciée, à tort, les déchets et résidus destinés à l'incinération, sans distinguer selon que celle-ci s'accompagne ou non d'une éventuelle récupération d'énergie ou de matières premières.
En ce qui concerne l'union économique et la libre circulation A.10.1. Dans son arrêt n° 32/91, la Cour a justifié la taxe à l'exportation alors en cause par l'identité de montant entre cette taxe et celle applicable à l'élimination interne des déchets.
A.10.2. A l'inverse, la présente redevance, en raison de la surtaxation à l'exportation des déchets qu'elle opère comme en raison de l'importance de cette surtaxation, affecte de façon disproportionnée la libre circulation desdits déchets et viole ainsi l'article 6, 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale. Moyennant si nécessaire des questions préjudicielles à la Cour de justice des Communautés européennes en des termes que propose le Gouvernement wallon , il y a lieu de se demander si la redevance en cause ne constitue pas un droit de douane ou une taxe d'effet équivalent prohibés par les articles 9 et 12 du Traité de Rome, ou, à défaut, une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative prohibée par les articles 30 et 34 du même Traité et non justifiée. En cas de réponse positive, la redevance devrait être déclarée contraire aux exigences de l'union économique belge consacrée par l'article 6, 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980. En toute hypothèse cette disposition spéciale doit-elle être interprétée à la lumière de la jurisprudence en la matière de la Cour de justice.
Mémoire du Gouvernement flamand A.11. En ce qui concerne l'intérêt des parties requérantes, celui des s.a. Scoribel et Revatech est contestable dès lors que les déchets qu'elles importent de la Région flamande sont destinés à être valorisés, avec cette conséquence que la redevance contestée ne leur est pas applicable. Un accord entre les ministres régionaux flamand et wallon de l'Environnement organise la délivrance d'attestation établissant la valorisation de déchets et" il ressort des pièces du dossier de la partie adverse que les flux de déchets complets venant de Flandre et destinés aux installations tant de Revatech que de Scoribel sont totalement exonérés de redevance écologique ".
En ce qui concerne l'intérêt de l'U.P.E.E.D., les statuts de cette association sans but lucratif, d'une part, ne font pas appara*tre qu'elle défend" en tant que telle les intérêts de toutes les entreprises actives dans le secteur du traitement et de l'élimination des déchets " et, d'autre part," ne mentionne[nt] rien en tant que tel qui serait lié à des intérêts éventuels quant à la problématique des redevances écologiques ". Son recours est dès lors irrecevable.
A.12.1. En ce qui concerne le premier moyen avancé par la Région bruxelloise et l'Agence régionale pour la propreté (cf. ci-dessus sous A.5 et A.6), ces parties requérantes créent à tort un problème d'interprétation; en effet, en raison des termes" utilisent ou sélectionnent " qu'emploie la disposition en cause, le centre de triage qui trie sans utiliser lui-même les déchets comme matières premières a droit également à la redevance réduite de 150 francs. Il s'ensuit que ce moyen est sans objet.
A.12.2. En ce qui concerne le second moyen avancé dans les affaires portant les numéros 976 et 977 du rôle (cf. supra, A.7) et le premier moyen avancé dans l'affaire portant le numéro 975 du rôle (cf. supra, A.3), il ressort tout d'abord des arrêts de la Cour du 25 février 1988 et du 14 novembre 1991 que la redevance en cause ne peut être assimilée ni à une taxe à l'exportation ni à une taxe d'effet équivalent.
S'agissant de l'argument de la surtaxation qui affecterait les déchets exportés en dehors de la Région flamande, d'une part, il manque en fait en ce qui concerne certaines opérations de traitement (cf. l'article 47, 2, 8°, 13° et 25°), et, d'autre part, cette surtaxation est justifiée sur la base de différents instruments internationaux.
En effet, il résulte du Traité de Bâle comme de l'article 130 R du Traité C.E. et de la jurisprudence européenne que les déchets doivent être éliminés le plus près possible de l'endroit o· ils sont produits, principe dans la logique duquel s'inscrit la moindre taxation des déchets éliminés en Région flamande par rapport à ceux éliminés en dehors de cette Région. En outre, en raison de la" présence limitée de certains établissements d'élimination en Région flamande et de leur caractère sophistiqué, ils sont plus chers que dans une autre région; pour mettre cette élimination en Région flamande sur pied d'égalité avec le même mode d'élimination dans une autre région, une redevance plus élevée se justifie donc ", à défaut de quoi" l'ensemble de la politique des déchets de la Région flamande serait remise en cause ".
A.12.3. En ce qui concerne le moyen tiré de la discrimination faite entre les déchets exportés dans une autre région et ceux exportés dans un autre pays, cette différence de traitement est justifiée. En effet, en ce qui concerne ces derniers déchets, la réalisation des objectifs de la Région flamande en matière de déchets est assurée de manière efficace par le règlement européen n° 259/93 concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l'entrée et à la sortie de la Communauté européenne : le régime d'autorisation que ce règlement organise inclut le respect du principe de proximité comme motif éventuel de refus d'autoriser le transports de déchets. A défaut d'un tel instrument de travail pour le transport des déchets vers une autre région, il convenait de garantir autrement la politique flamande en matière de déchets, à savoir par la redevance écologique en cause.
A.13. A titre très subsidiaire au cas o· la Cour annulerait la disposition attaquée la rétroactivité serait injustifiée" eu égard aux nombreuses redevances qui ont d'ores et déjà été levées et payées "; il est relevé en outre que" cette redevance sera plus que vraisemblablement supprimée dans le décret-programme de 1996 ".
Mémoire en réponse du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale et de l'Agence régionale pour la propreté A.14. En ce qui concerne le premier moyen, les auteurs du mémoire s'étonnent de l'interprétation défendue par le Gouvernement flamand, en raison de la position inverse défendue par le passé par l'OVAM. Compte tenu de cette ambiguïté, il est demandé à la Cour de se prononcer sur l'interprétation de la disposition contestée.
A.15.1. En ce qui concerne le second moyen, les principes dégagés par l'arrêt de la Cour n° 55/96 du 15 octo-bre 1996 sont transposables en l'espèce.
D'une part, toute entrave discriminatoire de nature fiscale, aussi minime soit-elle, est strictement prohibée en vertu des règles de compétence : or, le Gouvernement flamand ne conteste pas le caractère discriminatoire de la disposition en cause.
D'autre part, l'interdiction des droits de douane et de toute taxe, liée au franchissement de limites territoriales, qui a un effet équivalent à celui d'un droit de douane, est indépendante de toute considération du but en vue duquel cette taxe a été instituée : dès lors, les motifs avancés par le Gouvernement flamand pour justifier la surtaxation des déchets exportés dans une autre région doivent être écartés.
A.15.2. A titre subsidiaire à supposer que les motifs avancés par le Gouvernement flamand soient examinés par la Cour , ils ne trouvent aucun appui dans les travaux préparatoires, ces derniers exprimant, à l'inverse, le souhait du législateur flamand de mettre le tarif des redevances à l'exportation au même niveau que celui applicable en Région flamande.
A.15.3. A titre très subsidiaire, il est relevé que, de l'aveu même du Gouvernement flamand (cf. ci-dessus, A.12.2, alinéa 2, in fine), la redevance en cause va au-delà de la suppression du régime fiscal plus avantageux dont bénéficiaient précédemment les déchets transférés et est donc, en tant que telle, déjà contraire à la jurisprudence antérieure de la Cour résultant des arrêts n° 47 du 25 février 1988 et n° 32/91 du 14 novembre 1991. A.16. En ce qui concerne les moyens invoqués par les autres parties requérantes comme en ce qui concerne le moyen nouveau avancé par le Gouvernement wallon, le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale et l'Agence régionale pour la propreté se réfèrent à la sagesse de la Cour, relevant toutefois qu'il ne leur para*t pas nécessaire d'interroger la Cour de justice pour statuer sur les recours en annulation.
Mémoire en réponse des s.a. Revatech et Scoribel et de l'a.s.b.l.
U.P.E.E.D. A.17. En ce qui concerne l'irrecevabilité des recours avancée par le Gouvernement flamand, est fausse l'affirmation selon laquelle l'ensemble des déchets que les s.a. Revatech et Scoribel reçoivent de la Région flamande seraient destinés à être valorisés et donc échapperaient à la taxation contestée. En outre, nonobstant l'accord conclu entre les deux régions concernant les déchets destinés à être valorisés, ceux-ci ont néanmoins été taxés, à tout le moins durant les premiers mois de l'année 1996. Enfin, il est relevé que la Cour a conclu à l'intérêt de la s.a. Revatech dans son arrêt n° 55/96 du 15 octobre 1996. Par ailleurs, il est fait référence au même arrêt, en ce que celui-ci a reconnu l'intérêt de l'a.s.b.l. U.P.E.E.D. à attaquer toute disposition qui est susceptible d'affecter défavorablement les entreprises actives dans le secteur de l'élimination et du traitement des déchets, ce qui est la cas de la disposition en cause.
A.18.1. En ce qui concerne le premier moyen, la redevance en cause ne présente pas de différence significative avec celle qui a été annulée par la Cour dans son arrêt précité n° 55/96 du 15 octobre 1996. D'une part, cette redevance est, elle aussi, liée au franchissement des limites territoriales entre les régions; d'autre part, elle frappe elle aussi plus lourdement les déchets destinés à être traités dans une autre région que ceux destinés à être éliminés dans la Région flamande. Elle est donc également inconciliable avec l'union économique belge, laquelle implique une union douanière.
A.18.2. L'interdiction des droits de douane et des taxes d'effet équivalent étant indépendante de l'objectif poursuivi par leur instauration, la redevance contestée ne peut être justifiée. A supposer même qu'elle puisse théoriquement l'être quod non , la justification tirée du principe de proximité, avancée par le Gouvernement flamand, ne peut être admise.
Le principe de proximité va de pair avec le principe d'autosuffisance et ces principes assez récents, résultant de règles de droit dérivé, ne valent que pour l'élimination des déchets et non pour leur valorisation, y compris thermique.
Il résulte de la lecture de l'article 5 de la directive n° 75/442/CEE que l'autosuffisance pour l'élimination des déchets doit en premier lieu être réalisée au niveau communautaire; il s'ensuit que l'application du principe de proximité peut avoir pour conséquence que des déchets franchissent des frontières nationales et, a fortiori, régionales, dès lors que ce principe commande que les déchets soient acheminés à l'installation d'élimination la plus proche, en tenant compte des méthodes et technologies les plus appropriées. Une application exacte des principes d'autosuffisance et de proximité ne peut justifier la redevance discriminatoire en cause, laquelle vise à décourager sans distinction le transfert de déchets produits en Région flamande vers une autre région; à la limite cette redevance peut-elle s'avérer en contradiction avec les principes précités.
A.19. En ce qui concerne le second moyen, la justification donnée par le Gouvernement flamand (A.12.3) ne figure nullement dans les travaux préparatoires de la disposition en cause. En outre, la mise en relation de la redevance contestée et du règlement n° 259/93 manque de pertinence, en ce que cette redevance ne tend pas à surveiller ni à contrôler au cas par cas les exportations de déchets de la Région flamande vers une autre région, mais à les entraver et à les décourager de manière générale et absolue.
A.20. S'agissant de la limitation de l'effet rétroactif d'une éventuelle annulation, il serait injuste que la Région flamande se voie autorisée à conserver des sommes d'argent perçues en vertu d'une disposition inconstitutionnelle.
Mémoire en réponse du Gouvernement wallon A.21. En ce qui concerne la recevabilité, il est fait référence à l'arrêt n° 55/96, transposable en l'espèce.
A.22. Il est fait référence au même arrêt en ce qui concerne le fond de l'affaire.
En ce qui concerne l'atteinte portée par la redevance en cause à l'union économique et monétaire, rien ne justifie que soit prise une autre décision que celle prise dans l'arrêt précité. Par ailleurs, eu égard au même arrêt, seules les première et troisième questions préjudicielles proposées restent pertinentes.
En ce qui concerne le principe d'égalité et de non-discrimination, d'une part, le projet de supprimer la redevance en cause, annoncé par le Gouvernement flamand avant même l'arrêt, ôte son crédit au fait que celle-ci serait justifiée par le souci de mener une politique en matière d'environnement. D'autre part, le souhait de voir maintenus les effets de la disposition contestée, au cas o· elle serait annulée, prouve l'objectif budgétaire qui était en réalité le sien. Il est relevé enfin que le Gouvernement flamand ne répond pas au moyen nouveau développé dans le mémoire du Gouvernement wallon.
A.23. L'application de l'article 8, alinéa 2, de la loi sur la Cour d'arbitrage, relatif au maintien des effets, ne peut se justifier que pour des considérations impératives d'intérêt général, liées notamment à la sécurité juridique ou à la nécessité de garantir la continuité d'une politique déterminée. Il y a lieu de faire primer sur les arguments purement financiers invoqués par le Gouvernement flamand la protection de l'économie wallonne et celle des entreprises wallonnes qui ont dû supporter indûment la redevance contestée.
B La disposition attaquée B.1.1. L'article 8 du décret flamand du 22 décembre 1995" contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1996 " modifie l'article 47, 2, du décret du 2 juillet 1981, lui-même modifié par le décret du 21 décembre 1994. Cet article 47, 2, détermine les montants des" redevances " d'environnement, variant en fonction de la nature des déchets et de leur traitement, qui sont mises à charge, en vertu du paragraphe 1er du même article, soit des exploitants des installations visées au paragraphe 2 (1° à 37°), soit des entreprises, communes et associations de communes qui collectent les déchets visés au paragraphe 2 (38°).
B.1.2. Il ressort des moyens invoqués par les requérants que seul l'article 8, 15°, du décret du 22 décembre 1995 est attaqué. Celui-ci dispose : " Art. 8. L'article 47, 2, du même décret [du 2 juillet 1981 relatif à la prévention et à la gestion des déchets], modifié par le décret du 21 décembre 1994, est modifié comme suit : 15° la disposition du point 38° est remplacée par les dispositions suivantes : ' 38° a) 2.000 F par tonne, pour la collecte de déchets autres que ceux mentionnés sous le point b), produits en Région flamande et transportés vers une autre Région pour : soit subir un traitement physico-chimique avant d'être déversés ou incinérés; soit être déversés; soit être incinérés.
Le montant de la redevance est diminué, le cas échéant, du montant de la redevance analogue imposée par l'autre Région, sans qu'il puisse toutefois descendre au-dessous de zéro; b) 150 F par tonne, pour la collecte de résidus de recyclage produits en Région flamande, provenant d'entreprises qui utilisent ou sélectionnent principalement, comme matières premières pour la fabrication de nouveaux produits, des déchets ayant fait l'objet de collectes sélectives, et transportés vers une autre Région pour : soit subir un traitement physico-chimique avant d'être déversés ou incinérés; soit être déversés; soit être incinérés.
Le montant de la redevance est diminué, le cas échéant, du montant de la redevance analogue imposée par l'autre Région, sans qu'il puisse toutefois descendre au-dessous de zéro. " Quant à l'intérêt B.2. Le Gouvernement flamand conteste l'intérêt à agir des s.a.
Revatech et Scoribel et de l'a.s.b.l. Union professionnelle des entreprises d'élimination de déchets (en abrégé U.P.E.E.D.), parties requérantes dans l'affaire portant le numéro 975 du rôle (cf. A.11).
B.3.1. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme entreprise.
B.3.2. La s.a. Revatech déploie ses activités en Région wallonne dans le secteur du traitement physico-chimique de déchets qui proviennent notamment de la Région flamande. La s.a. Scoribel, également installée en Région wallonne, est active dans le secteur de la valorisation et de l'élimination des déchets qui proviennent aussi, notamment, de la Région flamande.
Etant donné qu'il n'est pas établi, d'une part, que tous les déchets provenant de la Région flamande, traités par les deux sociétés précitées, seraient soumis uniquement à des opérations de valorisation, et que, d'autre part, cette valorisation desdits déchets les ferait échapper de façon certaine à l'application de la " redevance " contestée, les s.a. Revatech et Scoribel sont susceptibles d'être affectées par l'article 47, 2, 38°, nouveau du décret du 2 juillet 1981, qui détermine le montant de la" redevance " par tonne (selon le cas, 2.000 ou 150 francs) due pour les déchets produits en Région flamande et transportés vers une autre région pour être déversés, être incinérés ou subir un traitement physico-chimique préalable au déversement ou à l'incinération. S'il n'est pas démontré que ces sociétés requérantes soient elles-même redevables de la" redevance ", leur intérêt résulte de ce que cette" redevance " peut être répercutée dans le prix de la collecte, qu'elles doivent acquitter.
B.4.1. Lorsqu'une association sans but lucratif se prévaut d'un intérêt collectif, il est requis que son objet social soit d'une nature particulière et, dès lors, distinct de l'intérêt général; que cet intérêt ne soit pas limité aux intérêts individuels des membres; que la norme entreprise soit susceptible d'affecter l'objet social; que celui-ci soit réellement poursuivi, ce qui doit ressortir d'activités concrètes et durables de l'association, aussi bien dans le passé que dans le présent.
B.4.2. L'a.s.b.l. U.P.E.E.D. a pour objet, aux termes de l'article 3 de ses statuts : " a) la représentation de ses membres dans toute concertation ou négociation qu'elle entretiendra avec les pouvoirs publics, la presse ou des partenaires industriels; b) de promouvoir la recherche des meilleures solutions possibles en regard de la protection de l'environnement, en concertation avec les autorités publiques compétentes et la population;c) d'aider à mieux faire comprendre les aspects contemporains et futurs de la problématique d'élimination des déchets et la place de cette problématique dans la vie et l'environnement de l'homme." Pris dans leur ensemble, ces termes décrivent un intérêt collectif, distinct des intérêts individuels des membres.
L'association justifie d'un intérêt à contester l'article 8, 15°, du décret du 22 décembre 1995, qui fixe le montant des" redevances " dues pour le déversement, l'incinération ou le traitement physico-chimique, préalable à ces opérations, des déchets en provenance de la Région flamande.
Quant au fond B.5. Les parties requérantes invoquent à l'appui de leurs recours plusieurs moyens, lesquels sont pris de la violation, d'une part, des règles de compétence et, d'autre part, des articles 10 et 11 de la Constitution. L'examen de la conformité de la disposition entreprise aux règles de compétence doit précéder l'examen de la compatibilité avec les articles 10 et 11 de la Constitution.
B.6. Les parties requérantes dans l'affaire portant le numéro 975 du rôle, en la première branche de leur premier moyen, invoquent la violation, par l'article 8, 15°, du décret du 22 décembre 1995, des articles 39 de la Constitution, 6, 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980, et 9, 12 et 16 du Traité instituant la Communauté européenne, en ce que la disposition en cause soumet les opérations de déversement, d'incinération et de traitement physico-chimique des déchets qu'elle vise à une " redevance " moindre lorsque ces opérations ont lieu en Région flamande que lorsqu'elles ont lieu dans une autre région mais concernent des déchets en provenance de la Région flamande.
B.7.1. L'article 6, 1er, II, 2°, de la loi spéciale du 8 août 1980, modifié par la loi spéciale du 8 août 1988 et par la loi spéciale du 16 juillet 1993, dispose : " Les matières visées à l'article 107quater de la Constitution sont : II. En ce qui concerne l'environnement et la politique de l'eau : 2° La politique des déchets;" B.7.2. Le décret flamand du 2 juillet 1981 prévoit un dispositif destiné à prévenir les incommodités et la pollution causées par les déchets; il comprend un régime d'autorisation assorti de conditions d'exploitation pour tous les types d'installation d'élimination des déchets, ainsi qu'une obligation de communication et de déclaration.
En son chapitre IX, le décret soumet l'élimination de déchets solides à une" redevance " d'environnement (" milieuheffing "), qui tend à limiter au maximum la production de déchets et la pollution de l'environnement que ceux-ci entra*nent.
L'article 47, 2, fixe le montant de la" redevance "; une" redevance " plus élevée est imposée, en vue de les décourager, aux entreprises recourant à des techniques d'élimination considérées comme les plus polluantes, cependant que les entreprises recourant à des techniques moins polluantes se voient imposer, à titre d'encouragement, une" redevance " moins importante et que les activités de récupération et de recyclage ne font l'objet d'aucune taxe.
B.7.3. L'article 47, 2, 38°, prévoit une" redevance " qui frappe les déchets collectés en Région flamande et transportés vers une autre région en vue d'être déversés, incinérés ou de subir un traitement physico-chimique préalable à leur déversement ou incinération.
B.7.4. Contrairement à ce qui est indiqué par la traduction officielle en français du décret, cette" redevance " d'environnement n'appara*t pas comme la rétribution d'un service fourni par l'autorité au profit du redevable, considéré individuellement; elle n'est donc pas une redevance, mais un impôt qui, en vertu de l'article 170, 2, de la Constitution et de l'article 2 de la loi du 23 janvier 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 23/01/1989 pub. 22/04/2011 numac 2011000233 source service public federal interieur Loi sur la juridiction visée aux articles 92bis, § 5 et § 6, et 94, § 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la compétence fiscale visée à l'article 110 (actuellement l'article 170), 1er et 2, de la Constitution, modifiée par la loi du 16 juillet 1993, relève de la compétence des régions.
B.7.5. L'exercice par une communauté ou une région de la compétence fiscale propre qui lui a été attribuée ne peut porter atteinte à la conception globale de l'Etat telle qu'elle se dégage des révisions constitutionnelles successives de 1970, 1980, 1988 et 1993 ainsi que des lois spéciales et ordinaires déterminant les compétences respectives de l'Etat, des communautés et des régions.
Il ressort de l'ensemble de ces dispositions et notamment de celles de l'article 6, 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 insérées par l'article 4, 8, de la loi spéciale du 8 août 1988 et de l'article 9, 1er, alinéa 3, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 que la structure de l'Etat belge repose sur une union économique et monétaire caractérisée par un marché intégré et l'unité de la monnaie.
Bien que l'article 6, 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 s'inscrive dans l'attribution de compétences aux régions en ce qui concerne l'économie, cette disposition traduit la volonté du législateur spécial de maintenir une réglementation de base uniforme de l'organisation de l'économie dans un marché intégré.
L'existence d'une union économique implique au premier chef la libre circulation des marchandises et des facteurs de production entre les composantes de l'Etat. Sont incompatibles avec une union économique, s'agissant des échanges de biens, les mesures établies de façon autonome par les composantes de l'union en l'espèce, les régions qui entravent la libre circulation; il en va nécessairement de même pour tous droits de douane intérieurs et toutes taxes d'effet équivalent.
Il faut donc examiner si la taxe instaurée par l'article 47, 2, 38°, qui n'est pas un droit de douane intérieur, constitue ou non une taxe d'effet équivalent. Pour ce faire, la Cour estime pouvoir se référer, mutatis mutandis, à la définition que donne de cette notion la Cour de justice des Communautés européennes, à savoir" une charge pécuniaire, fût-elle minime, unilatéralement imposée, quelles que soient son appellation et sa technique et frappant les marchandises nationales ou étrangères à raison du fait qu'elles franchissent la frontière, lorsqu'elle n'est pas un droit de douane proprement dit, [...] alors même qu'elle ne serait pas perçue au profit de l'Etat, qu'elle n'exercerait aucun effet discriminatoire ou protecteur et que le produit imposé ne se trouverait pas en concurrence avec une production nationale " (Cour de justice des Communautés européennes, arrêts du 1er juillet 1969, affaire 24/68, Commission c. Italie, Rec. 1969, p. 193, et affaires jointes 2 et 3/69, Sociaal Fonds voor de Diamantarbeiders c. S.A. Ch. Brachfeld & Sons et Chougol Diamond Co., Rec. 1969, p. 211; dans le même sens, arrêt du 7 juillet 1994, affaire C-130/93, Lamaire s.a. et Office national des débouchés agricoles et horticoles, Rec. 1994, I, 3215).
B.7.6. La taxe susvisée sur le déversement et l'incinération des déchets et sur le traitement physico-chimique préalable de déchets est due : a) pour la collecte de déchets, non pour le transport de ces déchets vers une autre région;b) au moment o· les déchets sont collectés par les entreprises, communes et associations de communes (article 47, 3), non au moment du transport de ces déchets hors de la Région flamande;c) par le collecteur des déchets, non par les personnes physiques ou morales qui les exportent;d) sur la base de la déclaration prévue à l'article 47ter, 1er, du décret du 2 juillet 1981, non sur la base du transfert effectif de déchets vers une autre région. Cette taxe ne se présente, à première vue ni en fonction de son objet, ni en fonction de l'opération à l'occasion de laquelle elle est due, de la personne du redevable ou du mode de perception, comme une taxe d'effet équivalent à un droit de douane.
B.7.7. Toutefois, à y regarder de plus près, la mesure contestée constitue une taxe qui, en ce qu'elle est liée au franchissement de la limite territoriale établie entre les régions en vertu de la Constitution, a un effet équivalent à celui d'un droit de douane en tant que, dans la plupart des cas, il en résulte que les déchets destinés à être déversés, à être incinérés ou à subir un traitement physico-chimique préalable dans une autre région que la Région flamande sont frappés plus lourdement que les déchets soumis aux mêmes opérations de traitement dans cette dernière région.
B.7.8. L'union économique belge implique une union douanière. Il est de la nature d'une union douanière que l'interdiction des droits de douane et des taxes d'effet équivalent soit indépendante de toute considération du but en vue duquel ces mesures sont instituées. Il ressort d'ailleurs de la jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés européennes qu'il en est ainsi au sujet de l'union douanière qui est à la base de l'Union européenne.
Par son effet d'entrave aux échanges interrégionaux, la taxe critiquée ne respecte donc pas le cadre normatif général de l'union économique tel qu'il est établi par ou en vertu de la loi; elle est contraire aux dispositions de l'article 6, 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 modifiée par la loi spéciale du 8 août 1988.
B.8. L'article 8, 15°, du décret flamand du 22 décembre 1995 violant l'article 6, 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980, il n'y a pas lieu d'examiner les autres moyens avancés à l'appui des recours, faute qu'ils soient susceptibles d'entra*ner une annulation plus étendue.
B.9.1. Le Gouvernement flamand sollicite, au cas o· la Cour annulerait la disposition contestée, le maintien des effets " eu égard aux nombreuses redevances qui ont d'ores et déjà été levées et payées "; le Gouvernement wallon ainsi que les parties requérantes dans l'affaire portant le numéro 975 du rôle s'opposent à cette demande.
B.9.2. Le Gouvernement flamand n'établit et la Cour n'aperçoit aucune circonstance particulière qui suffirait à justifier qu'il soit fait application en l'espèce de l'article 8, alinéa 2, de la loi spéciale sur la Cour d'arbitrage.
Par ces motifs, la Cour annule l'article 8, 15°, du décret flamand du 22 décembre 1995 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1996.
Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 12 juin 1997.
Le greffier, Le président f.f., L. Potoms.L. François.