publié le 30 avril 2024
Extrait de l'arrêt n° 132/2023 du 19 octobre 2023 Numéro du rôle : 7762 En cause : le recours en annulation de l'article 77 du décret de la Communauté française du 19 juillet 2021 « modifiant diverses dispositions en matière de statut des mem La Cour constitutionnelle, composée du juge T. Giet, faisant fonction de président, du président(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 132/2023 du 19 octobre 2023 Numéro du rôle : 7762 En cause : le recours en annulation de l'article 77 du décret de la Communauté française du 19 juillet 2021 « modifiant diverses dispositions en matière de statut des membres du personnel de l'enseignement », introduit par Anne Lacroix et autres.
La Cour constitutionnelle, composée du juge T. Giet, faisant fonction de président, du président L. Lavrysen, et des juges J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, D. Pieters, E. Bribosia, W. Verrijdt, K. Jadin et M. Plovie, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le juge T. Giet, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 24 février 2022 et parvenue au greffe le 28 février 2022, un recours en annulation de l'article 77 du décret de la Communauté française du 19 juillet 2021 « modifiant diverses dispositions en matière de statut des membres du personnel de l'enseignement » (publié au Moniteur belge du 30 août 2021) a été introduit par Anne Lacroix, Huseyin Sönmez et Murielle Bovy, assistés et représentés par Me L. Rase et Me A. Villers, avocats au barreau de Liège-Huy. (...) II. En droit (...) Quant à la disposition attaquée et à son contexte B.1.1. L'article 77 du décret de la Communauté française du 19 juillet 2021 « modifiant diverses dispositions en matière de statut des membres du personnel de l'enseignement » (ci-après : le décret du 19 juillet 2021) modifie le régime du congé pour maladie ou infirmité résultant d'un accident du travail applicable à certains membres du personnel enseignant en vertu de l'article 10 du décret de la Communauté française du 5 juillet 2000 « fixant le régime des congés et de disponibilité pour maladie ou infirmité de certains membres du personnel de l'enseignement » (ci-après : le décret du 5 juillet 2000).
L'article 77 du décret du 19 juillet 2021 est entré en vigueur le 9 septembre 2021, conformément à l'article 124 du même décret.
B.1.2. Les articles 7 à 17bis du décret du 5 juillet 2000 déterminent le régime des congés et de disponibilité pour maladie ou infirmité dont bénéficient les membres du personnel enseignant visés à l'article 1er de ce décret qui sont nommés ou engagés à titre définitif ou admis au stage (article 6 du même décret).
Le membre du personnel enseignant qui est empêché d'exercer normalement sa fonction, par suite de maladie ou d'infirmité, bénéficie au cours de sa carrière d'un nombre maximum de jours de congé pour cette raison (articles 7 à 9).
Les congés pour maladie ou infirmité sont assimilés à des périodes d'activité de service (article 12). Pendant ceux-ci, le membre du personnel reçoit son traitement d'activité, soit un traitement à 100 % (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 1999-2000, n° 87/1, p. 5). Le membre du personnel enseignant se trouve de plein droit en disponibilité lorsqu'il est absent pour maladie ou infirmité après avoir épuisé le nombre maximum de jours de congé qui peuvent lui être accordés pour cette raison « en application des articles 7 à 10 » (article 13). Durant cette période, il perçoit un traitement d'attente réduit, à savoir : 80 % de son dernier traitement d'activité pendant les douze premiers mois de disponibilité, 70 % de ce traitement pendant les douze mois suivants et 60 % de ce traitement au delà de ces vingt-quatre premiers mois (article 14).
Le membre du personnel enseignant ne peut pas être déclaré définitivement inapte pour maladie ou infirmité avant d'avoir épuisé les jours de congé visés aux articles 7 à 9 (article 11).
B.1.3. Avant sa modification par l'article 77 du décret du 19 juillet 2021, l'article 10 du décret du 5 juillet 2000 disposait : « Par dérogation aux dispositions qui précèdent, le congé pour cause de maladie ou d'infirmité est accordé sans limite de temps lorsqu'il résulte d'un accident du travail, d'un accident sur le chemin du travail ou d'une maladie professionnelle.
Sauf pour l'application de l'article 11, les jours de congé accordés en application de l'alinéa précédent ne sont pas pris en considération pour fixer le nombre de jours de congé dont bénéficie le membre du personnel en vertu des articles 7 à 9 ».
Cette disposition prévoyait que, « par dérogation aux articles [7 à 9] », le congé pour maladie ou infirmité est accordé sans limite de temps lorsqu'il résulte d'un accident du travail, d'un accident sur le chemin du travail ou d'une maladie professionnelle (alinéa 1er) et que, sauf dans l'hypothèse d'une déclaration d'inaptitude définitive (« sauf pour l'application de l'article 11 »), ces jours de congé ne sont pas pris en considération pour fixer le nombre de jours de congé visés aux articles 7 à 9 (alinéa 2).
B.1.4. Par son arrêt du 14 février 2011 (S.09.0105.F, ECLI:BE:CASS:2011:ARR.20110214.1), la Cour de cassation a jugé que l'article 10 du décret du 5 juillet 2000, tel qu'il était applicable avant sa modification par l'article 77 du décret du 19 juillet 2021, n'introduisait aucune distinction suivant que le congé est accordé avant ou après la consolidation des lésions, et que l'arrêt décidant que cette disposition ne pouvait pas s'appliquer après la consolidation des lésions violait celle-ci : « En vertu de l'article 10 du décret de la Communauté française du 5 juillet 2000, le congé pour cause de maladie ou d'infirmité est accordé sans limite de temps lorsqu'il résulte d'un accident du travail, d'un accident sur le chemin du travail ou d'une maladie professionnelle et n'est pas pris en considération pour apprécier si l'agent, ayant épuisé le nombre maximum de jours de congé qui peuvent lui être accordés pour cause de maladie ou d'infirmité, se trouve de plein droit en disponibilité.
Pas plus que les autres dispositions du décret, qui règle les congés pour cause de maladie ou d'infirmité que peut obtenir l'agent auquel il s'applique et leur incidence sur sa position administrative, l'article 10 n'a pour objet l'indemnisation de la victime d'un accident du travail, d'un accident sur le chemin du travail ou d'une maladie professionnelle.
Cet article ne prévoit aucune distinction suivant que le congé qu'il concerne est accordé avant ou après la consolidation des lésions.
En décidant, par les motifs reproduits au moyen, que l'article 10 ` ne pourrait trouver application après la consolidation des lésions ' en raison ` des principes clairs dégagés de la loi du 3 juillet 1967Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1967 pub. 24/10/2001 numac 2001000905 source ministere de l'interieur Loi sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public. - Traduction allemande type loi prom. 03/07/1967 pub. 23/03/2018 numac 2018030614 source service public federal interieur Loi sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer ', ` lesquels sont d'ordre public ', l'arrêt viole cette disposition légale. » Dans le même sens, il a été jugé à plusieurs reprises qu'en vertu de l'article 10 du décret du 5 juillet 2000, tel qu'il était applicable avant sa modification par l'article 77 du décret du 19 juillet 2021, les absences au travail postérieures à la date de consolidation des lésions, dès lors qu'elles sont en lien causal avec l'accident du travail, ne sont pas imputées sur le quota de jours de congé pour maladie ou infirmité visé aux articles 7 à 9 du décret du 5 juillet 2000 et que l'enseignant concerné perçoit l'intégralité de son traitement durant cette période (Liège, 18 octobre 2016, RG 2015/1194;
Liège, 24 avril 2018, RG 2017/232; Mons, 13 novembre 2018, RG 2018/88;
Liège, 19 novembre 2018, RG 2017/1150, inédits).
B.1.5. Depuis sa modification par l'article 77 du décret du 19 juillet 2021, l'article 10 du décret du 5 juillet 2000 dispose : « Par dérogation aux dispositions qui précèdent, lorsqu'il résulte d'un accident du travail, d'un accident sur le chemin du travail ou d'une maladie professionnelle, le congé pour cause de maladie ou d'infirmité est accordé sans limite de temps : - durant la période d'incapacité antérieure à la date de consolidation/durant la période d'incapacité temporaire; - durant les périodes d'absence postérieures à cette même date de consolidation, pour autant qu'il s'agisse d'une nouvelle incapacité liée à l'incapacité initiale mais intervenue après une reprise du travail.
Sauf pour l'application de l'article 11, les jours de congé accordés en application de l'alinéa précédent ne sont pas pris en considération pour fixer le nombre de jours de congé dont bénéficie le membre du personnel en vertu des articles 7 à 9 ».
Quant à la recevabilité B.2.1. Le Gouvernement de la Communauté française conteste l'intérêt des parties requérantes. La différence de traitement qu'elles dénoncent trouverait son origine non pas dans l'article 10 du décret du 5 juillet 2000, tel qu'il était applicable avant ou après son remplacement par l'article 77 du décret du 19 juillet 2021, mais dans la jurisprudence des juridictions.
B.2.2. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.
B.2.3. Le recours est dirigé contre l'article 77 du décret du 19 juillet 2021, et non contre l'article 10 du décret du 5 juillet 2000, tel qu'il était applicable avant sa modification par cette disposition. La question de savoir si la différence de traitement critiquée par les parties requérantes trouve son origine dans cette disposition est liée au fond.
B.2.4. L'exception est rejetée.
Quant au fond B.3. Le moyen unique est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec l'article 23 de celle-ci.
Les parties requérantes font valoir qu'en subordonnant la poursuite du bénéfice du régime de congés applicable en cas d'accident du travail à une reprise effective de l'activité professionnelle à la date de consolidation ou après celle-ci alors que le membre du personnel enseignant concerné serait sans discontinuité en incapacité de travail en raison de l'accident du travail dont il a été victime, l'article 77 du décret du 19 juillet 2021 traite différemment, sans qu'existe une justification raisonnable, les membres du personnel enseignant et les agents d'autres services publics. A cet égard, elles comparent, d'une part, la situation des membres du personnel enseignant soumis à l'article 10 du décret du 5 juillet 2000 et, d'autre part, celle des agents visés par l'arrêté royal du 19 novembre 1998 « relatif aux congés et aux absences accordés aux membres du personnel des administrations de l'Etat » (ci-après : l'arrêté royal du 19 novembre 1998), par l'arrêté royal du 30 mars 2001 « portant la position juridique du personnel des services de police » (ci-après : l'arrêté royal du 30 mars 2001), par l'arrêté du Gouvernement wallon du 18 décembre 2003 « portant le Code de la fonction publique wallonne » (ci-après : l'arrêté du Gouvernement wallon du 18 décembre 2003) et par l'arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 2 juin 2004 « relatif aux congés et aux absences des agents des Services du Gouvernement de la Communauté française, du Conseil supérieur de l'Audiovisuel et des organismes d'intérêt public relevant du Comité de Secteur XVII » (ci-après : l'arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 2 juin 2004).
Selon les parties requérantes, la disposition attaquée fait aussi naître une différence de traitement entre les membres du personnel enseignant victimes d'un accident du travail selon qu'une reprise du travail a eu lieu ou non au moment de la consolidation. Elle entraîne en outre un recul non justifié par un motif d'intérêt général du droit des membres du personnel enseignant à des conditions de travail et à une rémunération équitables garanti par l'article 23, alinéa 3, 1°, de la Constitution.
Enfin, les parties requérantes font valoir que la disposition attaquée est rétroactive, sans que cette rétroactivité soit nécessaire à la réalisation d'un objectif d'intérêt général.
B.4. Avant l'entrée en vigueur du décret du 5 juillet 2000, la règle selon laquelle les jours de congé pour maladie ou infirmité résultant d'un accident du travail sont accordés sans limite de temps et sans impact sur le quota de jours de congé pour maladie ou infirmité était contenue dans l'article 9 du décret du 4 février 1997 « fixant le régime des congés et de disponibilité pour maladie et infirmité de certains membres du personnel de l'enseignement ». Les travaux préparatoires de cette disposition énoncent : « L'article 9 réaffirme le principe de la protection du travailleur lorsque le congé pour cause de maladie ou d'infirmité résulte d'un accident du travail, d'un accident sur le chemin du travail ou d'une maladie professionnelle. Dans ce cas, le congé est accordé sans limite de temps et sans impact sur le calcul du nombre de jours de congé de maladie auquel il peut prétendre tant pour l'année que pour l'ensemble de la carrière » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 1996-1997, n° 135/1, p. 3). « Il est à rappeler que toute absence résultant d'un accident du travail, d'un accident sur le chemin du travail ou d'une maladie professionnelle n'a aucun impact sur le calcul du nombre de jours de congés de maladie » (ibid., n° 135/2, p. 3).
Il ressort des travaux préparatoires du décret du 5 juillet 2000 que, par l'article 10 de ce décret, tel qu'il était applicable avant sa modification par la disposition attaquée, le législateur décrétal a voulu préserver cette mesure: « ' Le Gouvernement, conscient que les enseignants sont les premiers acteurs du système éducatif initiera une nouvelle relation de confiance avec eux et avec l'ensemble de la communauté éducative. Elle passera notamment par une réforme du régime des congés de maladie.
Celle-ci se traduira notamment [...] par une certaine forme de recapitalisation progressive, jusqu'à 182 jours, qui tienne compte d'une partie des jours de congé de maladie non utilisés. ' C'est en ces termes que le Gouvernement de la Communauté française a énoncé, dans la déclaration de politique communautaire, l'un des objectifs qu'il entendait poursuivre, à savoir l'amélioration de la situation sociale des enseignants.
Le présent décret concrétise cette ambition en opérant la révision du régime des congés de maladie ou d'infirmité des enseignants antérieurement régi par le décret du 4 février 1997 fixant le régime des congés et de disponibilité pour maladie et infirmité de certains membres du personnel de l'enseignement. [...] Pour le surplus, la plupart des dispositions anciennement en vigueur ne sont pas modifiées. Tel est le cas, par exemple, des dispositions relatives à la mise en disponibilité pour maladie avec traitement dégressif, la protection du travailleur lorsque le congé pour cause de maladie ou d'infirmité résulte d'un accident du travail, d'un accident survenu sur le chemin du travail ou d'une maladie professionnelle, la protection particulière des membres du personnel souffrant d'une maladie ou d'une infirmité reconnue comme grave et de longue durée et l'assimilation des congés pour cause de maladie ou d'infirmité à des périodes d'activité de service » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 1999-2000, n° 87/1, p. 2).
Lors des travaux préparatoires du même décret, il a également été rappelé que le système d'un quota de jours de congé pour maladie et d'une mise en disponibilité avec traitement dégressif après l'épuisement de ce quota « ne s'applique pas pour [...] les maladies professionnelles et les accidents du travail » (ibid., n° 87/2, p. 2).
B.5.1. Il ressort de ces travaux préparatoires, de la version antérieure de l'article 10 du décret du 5 juillet 2000, citée en B.1.3, et de la jurisprudence citée en B.1.4 qu'avant la modification décrétale attaquée, les jours de congé pour maladie ou infirmité résultant d'un accident du travail étaient accordés aux membres du personnel enseignant visés sans limite de temps et sans impact sur le quota de jours de congé pour maladie ou infirmité visé aux articles 7 à 9 du décret du 5 juillet 2000, que ceux-ci interviennent avant ou après la date de consolidation des lésions. Les membres du personnel enseignant concernés percevaient l'intégralité de leur traitement durant cette période.
B.5.2. En vertu de l'article 10 du décret du 5 juillet 2000, tel qu'il est applicable depuis sa modification par l'article 77 du décret du 19 juillet 2021, seuls les jours de congé pour maladie ou infirmité résultant d'un accident du travail antérieurs à la date de consolidation (« durant la période d'incapacité antérieure à la date de consolidation/durant la période d'incapacité temporaire »), d'une part, et les jours de congé qui sont postérieurs à cette date « pour autant qu'il s'agisse d'une nouvelle incapacité liée à l'incapacité initiale mais intervenue après une reprise du travail », d'autre part, sont accordés sans limite de temps et sans impact sur le quota de jours de congé pour maladie ou infirmité visé aux articles 7 à 9 du décret du 5 juillet 2000. Il en résulte que les jours de congé pour maladie ou infirmité résultant d'un accident du travail postérieurs à la date de consolidation qui ne font pas suite à une reprise de travail sont désormais imputés sur le quota de jours de congé pour maladie ou infirmité visé aux articles 7 à 9 du décret du 5 juillet 2000. Ces jours de congé sont dès lors pris en considération lorsqu'il s'agit d'apprécier si l'agent, ayant épuisé ce quota, se trouve de plein droit en disponibilité et perçoit un traitement d'attente réduit, conformément aux articles 13 et 14 du même décret. B.5.3. Contrairement à ce que le Gouvernement de la Communauté française soutient, l'article 77 du décret du 19 juillet 2021 attaqué ne se limite pas à confirmer une situation préexistante. Cette disposition modifie les conditions d'application de l'ancien article 10 du décret du 5 juillet 2000 et introduit dès lors un nouveau régime de congés et de disponibilité applicable aux membres du personnel enseignant concernés.
En ce qui concerne la différence de traitement entre les membres du personnel enseignant et certains agents fédéraux et régionaux B.6. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.
L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.7. La différence de traitement critiquée entre, d'une part, les membres du personnel enseignant soumis à l'article 10 du décret du 5 juillet 2000 et, d'autre part, les agents visés par l'arrêté royal du 19 novembre 1998, par l'arrêté royal du 30 mars 2001 et par l'arrêté du Gouvernement wallon du 18 décembre 2003, en ce qui concerne le régime de congés qui leur est applicable en cas d'accident du travail, résulte de l'autonomie accordée aux communautés et aux régions ainsi qu'à l'autorité fédérale par ou en vertu de la Constitution, dans les matières qui relèvent de leurs compétences respectives.
Sans préjudice de l'application éventuelle du principe de proportionnalité dans l'exercice des compétences, cette autonomie serait dénuée de sens si une différence de traitement entre, d'une part, les destinataires de règles communautaires et, d'autre part, les destinataires de règles fédérales et régionales, dans des matières analogues, était jugée contraire en tant que telle au principe d'égalité et de non-discrimination.
En ce qu'il porte sur cette différence de traitement, le moyen unique n'est pas fondé.
En ce qui concerne la différence de traitement entre les membres du personnel enseignant et les agents visés par l'arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 2 juin 2004 B.8. L'article 1er, § 1er, de l'arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 2 juin 2004, précité, dispose : « Le présent arrêté s'applique aux agents des services du Gouvernement de la Communauté française, du Conseil supérieur de l'Audiovisuel et des organismes d'intérêt public relevant du Comité de Secteur XVII. [...] ».
L'article 59 du même arrêté dispose : « § 1er. Sous réserve de l'article 61 et par dérogation à l'article 53, l'agent bénéficie d'un congé accordé sans limite de temps dans les circonstances suivantes : 1° lorsque sa maladie ou son infirmité est provoquée par un accident du travail, par un accident survenu sur le chemin du travail ou par une maladie professionnelle; [...] Sauf pour l'application de l'article 61, les jours de congé accordés dans ces cas ne sont pas pris en considération pour déterminer le nombre de jours de congé que l'agent peut encore obtenir en vertu de l'article 53.
Pour les cas visés à l'alinéa 1er, 1°, les dispositions de l'alinéa précédent restent d'application même après la date de consolidation. [...] ».
L'article 53 du même arrêté dispose : « Pour l'ensemble de sa carrière, l'agent qui, par suite de maladie ou d'infirmité, est empêché d'exercer normalement ses fonctions, bénéficie, à sa demande, de congés pour cause de maladie ou d'infirmité à concurrence de vingt et un jours ouvrables par douze mois d'ancienneté de service.
Toutefois, lors de son entrée en service, l'agent bénéficie d'un crédit de jours de congé pour cause de maladie ou d'infirmité fixé à soixante-trois jours ouvrables couvrant les trente-six premiers mois d'ancienneté de service.
Pour l'agent invalide de guerre, le nombre de jours fixé au premier alinéa est porté à trente-deux et à nonante-cinq au deuxième alinéa.
Le congé pour cause de maladie ou d'infirmité est assimilé à une période d'activité de service ».
L'article 61, alinéa 1er, du même arrêté dispose : « L'agent ne peut être déclaré définitivement inapte pour cause de maladie ou d'infirmité avant qu'il n'ait épuisé la somme de congés à laquelle lui donne droit l'article 53 du présent arrêté ».
B.9.1. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'impose pas qu'un statut juridique identique soit accordé à toute personne qui travaille au sein des services publics. Il appartient à l'autorité compétente de choisir la voie la plus appropriée pour réaliser les missions de service public dont elle est chargée.
B.9.2. La disposition attaquée est applicable aux membres du personnel de l'enseignement, visés à l'article 1er du décret du 5 juillet 2000, alors que l'arrêté du 2 juin 2004 est notamment applicable aux agents des services du Gouvernement de la Communauté française.
Eu égard aux différences objectives entre les deux catégories de membres du personnel et les secteurs dans lesquels ces membres du personnel sont actifs, il est justifié de les soumettre à des statuts différents. Il est admissible que la comparaison détaillée des deux statuts fasse apparaître des différences de traitement, tantôt dans un sens, tantôt dans l'autre. Il ne pourrait être question de discrimination que si la différence de traitement qui découle de l'application de chacun de ces statuts entraînait une limitation disproportionnée des droits des membres du personnel concernés.
B.10. Le législateur décrétal dispose d'un pouvoir d'appréciation étendu pour déterminer sa politique dans les matières socio-économiques. C'est notamment le cas lorsqu'il s'agit du statut des membres du personnel enseignant, et en particulier du régime relatif aux congés et disponibilités pour maladie ou infirmité résultant d'un accident du travail.
B.11.1. La disposition attaquée a été justifiée comme suit, lors des travaux préparatoires : « Cette modification vise à préciser les conséquences d'une reconnaissance d'un accident du travail, d'un accident sur le chemin du travail ou d'une maladie professionnelle sur le régime des congés de maladie fixé par le décret du 5 juillet 2000 afin [de] clarifier que les périodes d'incapacité de travail suivant immédiatement une consolidation ne sont pas couvertes par la disposition d'immunisation du décompte des jours de congé maladie prévue à l'article 10 de ce décret » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2020-2021, n° 264/1, p.23).
B.11.2. Il ressort des mémoires du Gouvernement de la Communauté française que la modification décrétale attaquée a été apportée à la suite de la jurisprudence citée en B.1.4. Par la disposition attaquée, le législateur décrétal aurait voulu éviter que des absences puissent être retenues « sans limite de temps au-delà de consolidation des lésions [...] tout en conservant le bénéfice d'une rémunération à 100 % cumulée avec la rente d'incapacité obtenue à partir de la date de consolidation ».
B.12.1. Comme l'observe le Gouvernement de la Communauté française, il convient de prendre en compte la loi du 3 juillet 1967Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1967 pub. 24/10/2001 numac 2001000905 source ministere de l'interieur Loi sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public. - Traduction allemande type loi prom. 03/07/1967 pub. 23/03/2018 numac 2018030614 source service public federal interieur Loi sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer « sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public » (ci-après : la loi du 3 juillet 1967Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1967 pub. 24/10/2001 numac 2001000905 source ministere de l'interieur Loi sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public. - Traduction allemande type loi prom. 03/07/1967 pub. 23/03/2018 numac 2018030614 source service public federal interieur Loi sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer). En ce qu'elle règle l'indemnisation des accidents du travail, cette loi a en effet pour but de donner à la victime d'un accident du travail une « réparation appropriée du préjudice subi à la suite d'un accident du travail » (Doc. parl., Chambre, 1964-1965, n° 1023/1, pp. 3-4; Ann. parl., Chambre, 21 mars 1967, p. 30; Doc. parl., Sénat, 1966-1967, n° 242, p. 3).
L'article 3 de la loi du 3 juillet 1967Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1967 pub. 24/10/2001 numac 2001000905 source ministere de l'interieur Loi sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public. - Traduction allemande type loi prom. 03/07/1967 pub. 23/03/2018 numac 2018030614 source service public federal interieur Loi sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer énumère les diverses indemnités qui peuvent être dues : « 1° la victime d'un accident du travail, d'un accident survenu sur le chemin du travail ou d'une maladie a droit : a) à une indemnité pour frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques, hospitaliers, de prothèse et d'orthopédie;b) à une rente en cas d'incapacité de travail permanente;c) à une allocation d'aggravation de l'incapacité permanente de travail après le délai de révision; [...] ».
L'article 3bis, alinéa 1er, dispose : « Sous réserve de l'application d'une disposition légale ou réglementaire plus favorable, les membres du personnel auxquels la présente loi a été rendue applicable bénéficient pendant la période d'incapacité temporaire jusqu'à la date de reprise complète du travail des dispositions prévues en cas d'incapacité temporaire totale par la législation sur les accidents du travail ou par la législation relative à la réparation des dommages résultant des maladies professionnelles ».
L'article 22 de la loi du 10 avril 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1971 pub. 11/06/1998 numac 1998000213 source ministere de l'interieur Loi sur les accidents du travail - Traduction allemande type loi prom. 10/04/1971 pub. 17/10/2014 numac 2014000710 source service public federal interieur Loi sur les accidents du travail type loi prom. 10/04/1971 pub. 23/03/2018 numac 2018030615 source service public federal interieur Loi sur les accidents du travail fermer « sur les accidents du travail » (ci-après : la loi du 10 avril 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1971 pub. 11/06/1998 numac 1998000213 source ministere de l'interieur Loi sur les accidents du travail - Traduction allemande type loi prom. 10/04/1971 pub. 17/10/2014 numac 2014000710 source service public federal interieur Loi sur les accidents du travail type loi prom. 10/04/1971 pub. 23/03/2018 numac 2018030615 source service public federal interieur Loi sur les accidents du travail fermer) dispose à cet égard : « Lorsque l'accident a été la cause d'une incapacité temporaire et totale de travail, la victime a droit, à partir du jour qui suit celui du début de l'incapacité de travail, à une indemnité journalière égale à 90 p.c. de la rémunération quotidienne moyenne.
L'indemnité afférente à la journée au cours de laquelle l'accident survient ou au cours de laquelle l'incapacité de travail débute est égale à la rémunération quotidienne normale diminuée de la rémunération éventuellement proméritée par la victime ».
Les articles 4 à 7 de la loi du 3 juillet 1967Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1967 pub. 24/10/2001 numac 2001000905 source ministere de l'interieur Loi sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public. - Traduction allemande type loi prom. 03/07/1967 pub. 23/03/2018 numac 2018030614 source service public federal interieur Loi sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer établissent les règles applicables aux rentes en cas d'incapacité de travail permanente.
L'article 4, § 1er, dispose : « La rente pour incapacité de travail permanente est établie sur la base de la rémunération annuelle à laquelle la victime a droit au moment de l'accident ou de la constatation de la maladie professionnelle. Elle est proportionnelle au pourcentage d'incapacité de travail reconnue à la victime. [...] ».
L'article 5 prévoit que, sans préjudice de l'application des articles 6 et 7 de la loi, la rente en cas d'incapacité permanente de travail et l'allocation d'aggravation de l'incapacité permanente de travail peuvent être cumulées avec la rémunération et avec la pension de retraite allouées en vertu des dispositions légales et réglementaires propres aux pouvoirs publics.
L'article 6 dispose : « § 1er. Aussi longtemps que la victime conserve l'exercice de fonctions, la rente visée à l'article 3, alinéa 1er, 1°, b, et l'allocation visée à l'article 3, 1°, alinéa 1er, 1°, c, ne peuvent dépasser 25 % de la rémunération sur la base de laquelle la rente a été établie. § 2. Lorsque la victime est reconnue inapte à l'exercice de ses fonctions mais qu'elle peut en exercer d'autres qui sont compatibles avec son état de santé, elle peut être réaffectée, selon les modalités et dans les limites fixées par son statut, à un emploi correspondant à de telles fonctions.
Lorsque la victime est réaffectée, elle conserve le bénéfice du régime pécuniaire dont elle jouissait lors de l'accident ou de la constatation de la maladie professionnelle. § 3. Si l'incapacité de travail permanente reconnue à la victime s'aggrave au point qu'elle ne puisse plus exercer temporairement son nouvel emploi, elle a droit pendant cette période d'absence à l'indemnisation prévue à l'article 3bis ».
B.12.2. Conformément à l'article 3bis de la loi du 3 juillet 1967Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1967 pub. 24/10/2001 numac 2001000905 source ministere de l'interieur Loi sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public. - Traduction allemande type loi prom. 03/07/1967 pub. 23/03/2018 numac 2018030614 source service public federal interieur Loi sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer, un travailleur du secteur public qui a été victime d'un accident du travail peut bénéficier, pendant toute la période de son incapacité de travail temporaire, fût-elle totale ou partielle, des indemnités d'incapacité de travail temporaire totale prévues par la législation sur les accidents du travail dans le secteur privé « sous réserve de l'application d'une disposition légale ou réglementaire plus favorable » (voy. également Cass., 10 octobre 2005, C.05.0074.N, ECLI:BE:CASS:2005:ARR.20051010.4).
L'indemnité d'incapacité de travail temporaire prend fin à la date à laquelle la victime reprend complètement le travail, ou à la date de la consolidation des séquelles de l'accident. A partir de cette dernière date, la victime a droit à une rente pour incapacité de travail définitive, visée à l'article 3, alinéa 1er, 1°, b), de la loi du 3 juillet 1967Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1967 pub. 24/10/2001 numac 2001000905 source ministere de l'interieur Loi sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public. - Traduction allemande type loi prom. 03/07/1967 pub. 23/03/2018 numac 2018030614 source service public federal interieur Loi sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer.
B.12.3. L'indemnisation en cas d'incapacité temporaire vise à compenser la perte de rémunération subie par le travailleur à la suite de l'accident du travail ou de l'accident survenu sur le chemin du travail dont il a été victime.
B.12.4. La rente pour incapacité permanente de travail tend par contre à réparer le dommage que la victime de l'accident du travail subit en raison notamment de la diminution de sa valeur économique sur le marché général de l'emploi (Cass., 24 mars 1986, RG 5052, ECLI:BE:CASS:1986:ARR.19860324.7; Cass., 12 décembre 1988, RG 8421, ECLI:BE:CASS:1988:ARR.19881212.12; Cass., 1er juin 1993, RG 6367, ECLI:BE:CASS:1993:ARR.19930601.7; Cass., 17 mars 1997, S.95.0144.F, ECLI:BE:CASS:1997:ARR.19970317.6).
Cette rente constitue un « mode de réparation propre du dommage provoqué par l'accident » et son paiement est indépendant du paiement de la rémunération de la victime de cet accident (Doc. parl., Chambre, 1964-1965, n° 1023/1, p. 5; Doc. parl., Chambre, 1966-1967, n° 339/6, p. 7;Doc. parl., Sénat, 1966-1967, n° 242, pp. 6-7). La victime d'un accident du travail peut donc en principe percevoir à la fois sa rémunération et la rente pour incapacité permanente de travail due en application de l'article 3, alinéa 1er, 1°, b), de la loi du 3 juillet 1967Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1967 pub. 24/10/2001 numac 2001000905 source ministere de l'interieur Loi sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public. - Traduction allemande type loi prom. 03/07/1967 pub. 23/03/2018 numac 2018030614 source service public federal interieur Loi sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer (article 5 de cette loi).
B.13. La disposition attaquée est en lien avec la distinction ainsi établie dans la législation relative aux accidents du travail entre l'incapacité de travail temporaire et l'incapacité de travail permanente.
Ainsi qu'il est mentionné en B.1.2, le congé pour maladie ou infirmité est assimilé à des périodes de service actif et le membre du personnel reçoit durant ce congé l'intégralité de son traitement. En accordant pareil congé sans limite de temps durant la période d'incapacité de travail temporaire, la disposition attaquée permet, tant que les lésions évoluent, de compenser la perte de rémunération que subit le membre du personnel par suite de l'accident du travail. Au cours de l'incapacité de travail temporaire, le membre du personnel concerné n'a en principe pas droit à une autre indemnité couvrant le dommage en ce qui concerne la perte de capacité de gain qui résulte de l'accident du travail.
L'incapacité de travail temporaire prend fin à la date à laquelle la victime reprend complètement le travail, ou à la date de la consolidation des séquelles de l'accident. A partir de cette dernière date, l'incapacité peut être considérée comme présentant un caractère suffisamment certain et permanent, et l'intéressé a droit à une rente pour incapacité de travail permanente. Le législateur décrétal a pu choisir de ne pas octroyer également - sans limite de temps - un traitement intégral au membre du personnel qui bénéficie déjà d'une rente pour incapacité de travail permanente et qui ne peut pas reprendre le travail ou ne peut le faire que partiellement, eu égard aux coûts qu'impliquerait pour l'employeur public un tel cumul d'indemnités. Le membre du personnel percevrait ainsi des indemnités qui, cumulées, peuvent être plus élevées que son traitement avant l'accident du travail, même s'il ne travaille pas durant l'incapacité de travail permanente. Comme l'observe le Gouvernement de la Communauté française, il peut en outre être admis que la possibilité de percevoir à la fois une rente pour incapacité de travail permanente et un traitement intégral n'inciterait pas les membres du personnel concernés à reprendre le travail dès que leur état de santé le permet.
Il n'est pas non plus déraisonnable d'accorder tout de même un congé illimité pour maladie ou infirmité après la date de consolidation, pour autant qu'il s'agisse d'une nouvelle incapacité de travail liée à l'incapacité de travail initiale, mais qui se produit après une reprise du travail. Dans cette situation, après la consolidation, les lésions du membre du personnel concerné se sont en effet aggravées au point que celui-ci ne pourra plus exercer son emploi, à tout le moins temporairement. Le législateur décrétal a pu considérer qu'un tel membre du personnel doit être traité de la même manière qu'un membre du personnel en incapacité de travail temporaire (voy. en ce sens également l'article 6, § 3, de la loi du 3 juillet 1967Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1967 pub. 24/10/2001 numac 2001000905 source ministere de l'interieur Loi sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public. - Traduction allemande type loi prom. 03/07/1967 pub. 23/03/2018 numac 2018030614 source service public federal interieur Loi sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer).
B.14. Enfin, la circonstance que le congé pour maladie ou infirmité n'est pas accordé sans limite de temps durant l'incapacité de travail permanente ne produit pas des effets disproportionnés.
Certes, il s'ensuit que le membre du personnel concerné ne recevra plus son traitement intégral sans limite de temps. Dès que ce membre du personnel aura épuisé son congé pour maladie ou infirmité, celui-ci se trouvera toutefois en disponibilité et recevra, en plus de la rente octroyée pour incapacité de travail permanente, un traitement d'attente égal à 80 % du dernier traitement d'activité pendant les douze premiers mois de disponibilité, 70 % de ce traitement pendant les douze mois suivants et 60 % de ce traitement au delà de ces 24 premiers mois (articles 13 et 14 du décret du 5 juillet 2000). Le membre du personnel en disponibilité a en outre droit à un traitement d'attente égal au montant de son traitement d'activité si l'affection dont il souffre est reconnue comme maladie ou infirmité grave et de longue durée (article 15 du même décret). Il conserve également ses titres à une nomination à une fonction de promotion, à une nomination à une fonction de sélection et à l'avancement de traitement (article 16 du même décret).
Par ailleurs, la disposition attaquée ne porte pas atteinte à l'article 10, alinéa 2, du décret du 5 juillet 2000, qui prévoit que le congé accordé sans limite de temps en vertu de l'alinéa 1er de cet article n'est pas pris en considération dans le calcul du nombre de jours de congé dont bénéficie le membre du personnel en vertu des articles 7 à 9 du même décret. La disposition attaquée n'empêche pas non plus que le membre du personnel épuise le nombre de jours de congé restants après la date de consolidation et perçoive tout de même, durant cette partie de l'incapacité de travail permanente, un traitement intégral, en plus de la rente pour incapacité de travail permanente qui lui est octroyée.
La disposition attaquée a par ailleurs pour conséquence que les membres du personnel enseignant visés dans le décret du 5 juillet 2000, tant qu'ils sont en incapacité de travail temporaire, conservent un traitement intégral. Ils peuvent donc, même durant l'incapacité de travail temporaire, se trouver dans une situation plus favorable que les membres du personnel qui, conformément à l'article 3bis de la loi du 3 juillet 1967Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1967 pub. 24/10/2001 numac 2001000905 source ministere de l'interieur Loi sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public. - Traduction allemande type loi prom. 03/07/1967 pub. 23/03/2018 numac 2018030614 source service public federal interieur Loi sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer, « bénéficient pendant la période d'incapacité temporaire jusqu'à la date de reprise complète du travail, des dispositions prévues en cas d'incapacité temporaire totale par la législation sur les accidents du travail ou par la législation relative à la réparation des dommages résultant des maladies professionnelles ». En effet, les membres du personnel cités en dernier lieu ont « droit, à partir du jour du début de l'incapacité, à une indemnité journalière égale à 90 % du salaire quotidien moyen » (article 22 de la loi du 10 avril 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1971 pub. 11/06/1998 numac 1998000213 source ministere de l'interieur Loi sur les accidents du travail - Traduction allemande type loi prom. 10/04/1971 pub. 17/10/2014 numac 2014000710 source service public federal interieur Loi sur les accidents du travail type loi prom. 10/04/1971 pub. 23/03/2018 numac 2018030615 source service public federal interieur Loi sur les accidents du travail fermer).
B.15. La différence de traitement critiquée par les parties requérantes entre les membres du personnel enseignant visés dans le décret du 5 juillet 2000 et les membres du personnel visés dans l'arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 2 juin 2004 est donc raisonnablement justifiée. En ce qu'il porte sur cette différence de traitement, le moyen unique n'est pas fondé.
En ce qui concerne le droit à des conditions de travail et à une rémunération équitables B.16.1. L'article 23 de la Constitution dispose que chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine. A cette fin, les différents législateurs garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels et ils déterminent les conditions de leur exercice. Ces droits comprennent notamment le droit, invoqué par les parties requérantes, à des conditions de travail et à une rémunération équitables (article 23, alinéa 3, 1° ). L'article 23 de la Constitution ne précise pas ce qu'impliquent ces droits dont seul le principe est exprimé, chaque législateur étant chargé de les garantir, conformément à l'alinéa 2 de cet article, en tenant compte des obligations correspondantes.
B.16.2. L'article 23 de la Constitution contient une obligation de standstill qui interdit au législateur compétent de réduire significativement, sans justification raisonnable, le degré de protection offert par la législation applicable.
B.16.3. Comme il est dit en B.10, en matière socio-économique, le législateur décrétal dispose d'un large pouvoir d'appréciation en vue de déterminer les mesures à adopter pour tendre vers les objectifs qu'il s'est fixés.
B.16.4. L'obligation de standstill ne peut toutefois s'entendre comme imposant à chaque législateur, dans le cadre de ses compétences, de ne pas toucher aux modalités des conditions de travail et de la rémunération prévues par la loi. Elle leur interdit d'adopter des mesures qui marqueraient, sans justification raisonnable, un recul significatif des droits garantis par l'article 23, alinéa 3, 1°, de la Constitution, mais elle ne les prive pas du pouvoir d'apprécier la manière dont ces droits sont le plus adéquatement assurés.
B.17. Sans qu'il soit nécessaire d'établir si la disposition attaquée occasionne un recul significatif du degré de protection du droit à des conditions de travail et à une rémunération équitables, il peut être constaté que ce recul est en tout état de cause raisonnablement justifié, ainsi qu'il ressort de ce qui est dit en B.13 et B.14.
En ce qu'il est pris de la violation de l'article 23 de la Constitution, le moyen unique n'est pas fondé.
En ce qui concerne le principe de la non-rétroactivité B.18.1. Conformément à l'article 124 du décret du 19 juillet 2021, la disposition attaquée est entrée en vigueur le dixième jour suivant la publication au Moniteur belge, soit le 9 septembre 2021. Elle ne produit ses effets que pour l'avenir. Contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes, cette disposition n'a donc pas d'effet rétroactif. La circonstance que la disposition attaquée est également applicable aux membres du personnel à l'égard desquels la consolidation a eu lieu avant le 9 septembre 2021 n'aboutit pas à une autre conclusion.
B.18.2. En ce qu'il est allégué dans le moyen unique que la disposition attaquée est rétroactive, sans que cette rétroactivité soit nécessaire pour réaliser un objectif d'intérêt général, le moyen repose sur une prémisse erronée et il n'est pas fondé.
Par ces motifs, la Cour rejette le recours.
Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 19 octobre 2023.
Le greffier, Le président f.f., F. Meersschaut T. Giet