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Arrêt
publié le 28 octobre 2022

Extrait de l'arrêt n° 45/2022 du 17 mars 2022 Numéro du rôle : 7690 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 55 de la loi du 20 décembre 2020 « portant des dispositions diverses temporaires et structurelles en matière de just La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges J.-P. (...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 45/2022 du 17 mars 2022 Numéro du rôle : 7690 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 55 de la loi du 20 décembre 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/12/2020 pub. 24/12/2020 numac 2020016459 source service public federal justice Loi portant des dispositions diverses temporaires et structurelles en matière de justice dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus COVID-19 fermer « portant des dispositions diverses temporaires et structurelles en matière de justice dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus COVID-19 », posée par le Juge de paix du canton d'Ixelles.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges J.-P. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne et S. de Bethune, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président P. Nihoul, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 2 décembre 2021, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 6 décembre 2021, le Juge de paix du canton d'Ixelles a posé la question préjudicielle suivante : « Est-ce que l'article 55 de la Loi du 20 décembre 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/12/2020 pub. 24/12/2020 numac 2020016459 source service public federal justice Loi portant des dispositions diverses temporaires et structurelles en matière de justice dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus COVID-19 fermer portant des dispositions diverses temporaires et structurelles en matière de justice dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus Covid-19 (MB, 24 décembre 2020) viole les articles 10, 11 et 23 de la Constitution Coordonnée de Belgique, dans la mesure où cette disposition ne permet aucun recours contre une décision prise par écrit par les copropriétaires en application de l'article 3 : 87 par. 11 du nouveau Code civil, tandis qu'un tel recours est prévu si ladite décision avait été prise également sans unanimité lors d'une réunion présentielle ? ».

Le 22 décembre 2021, en application de l'article 72, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les juges-rapporteurs M. Pâques et Y. Kherbache ont informé la Cour qu'ils pourraient être amenés à proposer de mettre fin à l'examen de l'affaire par un arrêt rendu sur procédure préliminaire. (...) III. En droit (...) B.1.1. L'article 577-6, § 11, de l'ancien Code civil, tel qu'il est applicable dans l'affaire devant le juge a quo, dont le texte constitue désormais l'article 3.87, § 11, du Code civil, dispose : « Les membres de l'association des copropriétaires peuvent prendre à l'unanimité et par écrit toutes les décisions relevant des compétences de l'assemblée générale, à l'exception de celles qui doivent être passées par acte authentique. Le syndic en dresse le procès-verbal ».

En application de cette disposition, l'adoption d'une décision selon la procédure écrite requiert l'unanimité des membres de l'association des copropriétaires. Contrairement à ce que soutient la partie défenderesse devant le juge a quo, une décision adoptée selon cette procédure écrite est une décision de l'assemblée générale des copropriétaires. D'une part, cela est confirmé par la déclaration du ministre de la Justice selon laquelle l'article 577-6, § 11, de l'ancien Code civil permet « de délibérer par écrit à l'assemblée générale » (Doc. parl., Sénat, 2009-2010, n° 4-1409/10, p. 3). D'autre part, cela résulte de la lecture combinée de l'article 577-6, § 11, de l'ancien Code civil avec les articles 577-6, § 12, et 577-10, § 3, du même Code. L'article 577-6, § 12, de l'ancien Code civil impose notamment que les décisions visées à l'article 577-6, § 11, du même Code soient consignées, « dans les trente jours suivant l'assemblée générale », dans le registre qui est prévu à l'article 577-10, § 3, du même Code, dont le premier alinéa dispose que « les décisions de l'assemblée générale sont consignées dans un registre déposé au siège de l'association des copropriétaires ».

B.1.2. L'article 55 de la loi du 20 décembre 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/12/2020 pub. 24/12/2020 numac 2020016459 source service public federal justice Loi portant des dispositions diverses temporaires et structurelles en matière de justice dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus COVID-19 fermer « portant des dispositions diverses temporaires et structurelles en matière de justice dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus COVID-19 » (ci-après : la loi du 20 décembre 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/12/2020 pub. 24/12/2020 numac 2020016459 source service public federal justice Loi portant des dispositions diverses temporaires et structurelles en matière de justice dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus COVID-19 fermer), qui fait partie de la section 2 (« Assouplissement temporaire de l'exigence d'unanimité ») du chapitre 19 (« Mesures à l'égard de l'assemblée générale des copropriétaires ») de cette loi, dispose : « La décision d'une association des copropriétaires qui est prise pendant la période visée à l'article 56 selon la procédure visée à l'article 577-6, § 11, de l'ancien Code civil, peut être valablement prise lorsque plus de la moitié des membres de l'association des copropriétaires participe au vote et à condition qu'ils possèdent au moins la moitié des quotes-parts dans les parties communes. Les décisions de l'association des copropriétaires sont prises à la majorité requise par la loi pour chaque point individuel de l'ordre du jour des décisions de l'assemblée générale des votes des copropriétaires.

Les bulletins de vote reçus par le syndic par voie postale ou électronique dans les trois semaines ou, en cas d'urgence et pour autant que cela soit indiqué dans la convocation, dans les huit jours après la date d'envoi de la convocation sont valables. Outre les informations visées à l'article 577-6, § 10, alinéa 1er, de l'ancien Code civil, le syndic indique également dans le procès-verbal les noms des copropriétaires dont les bulletins de vote ont été pris en compte ».

Les travaux préparatoires de la disposition en cause exposent : « L'article 577-6, § 11, de l'ancien Code civil permet à l'association des copropriétaires de prendre, sous des conditions strictes, dont l'unanimité des voix de l'ensemble de ses membres, toutes les décisions relevant des compétences de l'assemblée générale. Cette exigence d'unanimité est si stricte qu'en pratique, il est pratiquement impossible de prendre des décisions écrites en utilisant cette option, même pas en temps de crise. L'assouplissement temporaire de l'exigence d'unanimité vise à faciliter la procédure écrite pendant la durée de la période prévue à l'article 49 [lire : l'article 56].

Cela se justifiera en particulier si une décision urgente est nécessaire ou qu'un cinquième des copropriétaires souhaite tenir une assemblée, sans que les mesures de sécurité soient levées et que l'assemblée générale, en l'absence de possibilité d'organiser une vidéoconférence, ne puisse raisonnablement se tenir physiquement.

En ce qui concerne l'exigence de participation, le quorum d'une (première) assemblée physique est repris mutatis mutandis (voir art. 577-6, § 5, alinéa 2, de l'ancien Code civil). Par ailleurs, il n'y a pas de raison, ni de justification raisonnable, de déroger au droit commun sur la question de la majorité à atteindre, laquelle peut varier en fonction du point à l'ordre du jour. Cela évite également des complications par rapport à l'application du principe ' qui paie décide ', sur la base duquel certaines décisions ne peuvent être prises que par les propriétaires concernés (art. 577-6, § 6, alinéa 2, de l'ancien Code civil).

Dans le régime de droit commun de l'article 577-6, § 11, de l'ancien Code civil, selon lequel une décision écrite requiert l'unanimité des copropriétaires, aucune règle de procédure n'est évidemment requise : (uniquement) si tous les copropriétaires votent pour et que ce n'est qu'à partir de ce moment que la proposition est adoptée. Il en va autrement si une règle de majorité est introduite, alors qu'il convient d'éviter autant que possible les contestations sur la validité du déroulement de la procédure. Il est donc indiqué d'imposer un délai dans lequel les bulletins de vote doivent être renvoyés, le délai de convocation ordinaire (article 577/-6, § 3, alinéa 4, de l'ancien Code civil) pris comme point de départ devant être augmenté d'une semaine. En cas d'urgence, un délai minimum de huit jours s'applique, à compter de la date de l'envoi de la convocation.

Afin de permettre un contrôle a posteriori sur la validité de la prise de décision écrite et du vote, le syndic doit inscrire au procès-verbal, outre la majorité atteinte et le nom des copropriétaires qui ont voté contre ou qui se sont abstenus, ce qui est prévu dans le droit commun (art. 577-6, § 10, de l'ancien Code civil), le nom des copropriétaires dont le bulletin de vote est arrivé dans les temps et a donc été pris en considération » (Doc. parl., Chambre, 2020-2021, DOC 55-1668/001, pp. 34-35).

Du 1er octobre 2020 au 30 septembre 2021, la disposition en cause a ainsi permis que l'assemblée générale des copropriétaires recoure à la procédure écrite en l'absence d'unanimité, pour autant que plus de la moitié des membres de l'association des copropriétaires participe au vote et qu'ils possèdent au moins la moitié des quotes-parts dans les parties communes (quorum de participation) et moyennant l'application de « la majorité requise par la loi pour chaque point individuel de l'ordre du jour des décisions de l'assemblée générale des votes des copropriétaires » (quorum de vote).

B.2. Le juge a quo interroge la Cour sur la compatibilité de l'article 55 de la loi du 20 décembre 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/12/2020 pub. 24/12/2020 numac 2020016459 source service public federal justice Loi portant des dispositions diverses temporaires et structurelles en matière de justice dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus COVID-19 fermer avec les articles 10, 11 et 23 de la Constitution, dans l'interprétation selon laquelle aucun recours n'est ouvert contre une décision qui a été adoptée à la majorité selon la procédure écrite prévue par la disposition en cause, qui se réfère à l'article 577-6, § 11, de l'ancien Code civil.

B.3. Il appartient en règle au juge a quo d'interpréter les dispositions qu'il applique, sous réserve d'une lecture manifestement erronée de la disposition en cause.

B.4. Avant son abrogation le 1er septembre 2021 par l'article 29, 1°, de la loi du 4 février 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/02/2020 pub. 17/03/2020 numac 2020020347 source service public federal justice Loi portant le livre 3 « Les biens » du Code civil fermer « portant le livre 3 ' Les biens ' du Code civil », l'article 577-9, § 2, de l'ancien Code civil disposait : « Tout copropriétaire peut demander au juge d'annuler ou de réformer une décision irrégulière, frauduleuse ou abusive de l'assemblée générale si elle lui cause un préjudice personnel.

Cette action doit être intentée dans un délai de quatre mois, à compter de la date à laquelle l'assemblée générale a eu lieu ».

Cette disposition est désormais reproduite à l'article 3.92, § 3, du Code civil, entré en vigueur le 1er septembre 2021.

Le recours, prévu à l'article 577-9, § 2, de l'ancien Code civil ou à l'article 3.92, § 3, du Code civil, peut être exercé contre la décision de l'assemblée générale des copropriétaires qui est adoptée à la majorité selon la procédure écrite prévue par la disposition en cause, qui se réfère à l'article 577-6, § 11, de l'ancien Code civil.

Ce recours doit être introduit dans un délai de quatre mois à compter de la date à laquelle l'assemblée générale a eu lieu, c'est-à-dire à compter de l'expiration du délai dont les copropriétaires disposent pour faire parvenir leur vote. Au demeurant, les travaux préparatoires de la disposition en cause, cités en B.1.2, confirment que la décision qui est adoptée à la majorité selon la procédure écrite en application de la disposition en cause, qui se réfère à l'article 577-6, § 11, de l'ancien Code civil, peut faire l'objet d'un contrôle a posteriori.

B.5. Il résulte de ce qui précède que la question préjudicielle repose sur une interprétation manifestement erronée de la disposition en cause.

B.6. La question préjudicielle n'appelle pas de réponse.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : La question préjudicielle n'appelle pas de réponse.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 17 mars 2022.

Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux P. Nihoul

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