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Arrêt
publié le 30 août 2021

Extrait de l'arrêt n° 63/2021 du 22 avril 2021 Numéro du rôle : 7382 En cause : la question préjudicielle concernant les articles 9, § 1 er , alinéa 2, et 11 du décret de la Région flamande du 30 mai 2008 « relatif à l'établisse La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, et des juges J.-P. M(...)

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Extrait de l'arrêt n° 63/2021 du 22 avril 2021 Numéro du rôle : 7382 En cause : la question préjudicielle concernant les articles 9, § 1er, alinéa 2, et 11 du décret de la Région flamande du 30 mai 2008 « relatif à l'établissement, au recouvrement et à la procédure contentieuse des taxes provinciales et communales », posée par la Cour de cassation.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, et des juges J.-P. Moerman, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne et D. Pieters, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président L. Lavrysen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 19 mars 2020, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 20 avril 2020, la Cour de cassation a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 9, § 1er, alinéa 2, et 11 du décret du 30 mai 2008 relatif à l'établissement, au recouvrement et à la procédure contentieuse des taxes provinciales et communales violent-ils les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce que, dans le cadre d'une réclamation introduite par lettre recommandée contre une cotisation à l'impôt fédéral sur les revenus, la date du cachet de la poste figurant sur la preuve d'envoi vaut comme date d'introduction, ce qui, d'une part, procure au contribuable une certitude quant à la date d'introduction et, d'autre part, garantit au contribuable qu'il dispose de la totalité du délai de réclamation pour introduire effectivement une réclamation, alors que, dans le cadre d'une réclamation introduite par lettre recommandée contre une taxe communale ou provinciale, la date de réception par l'autorité compétente vaut comme date d'introduction, ce qui prive le contribuable, d'une part, de toute certitude quant à la date d'introduction et, d'autre part, d'une partie de son délai de réclamation utile ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. La question préjudicielle porte sur le recours administratif que le contribuable ou son représentant peut introduire au moyen d'une réclamation contre une cotisation relative aux taxes provinciales ou communales en Région flamande.

B.1.2. Avant l'entrée en vigueur de l'article 29 du décret-programme du 20 décembre 2019 du budget 2020, les articles 9, § 1er, alinéa 2, et 11 du décret de la Région flamande du 30 mai 2008 « relatif à l'établissement, au recouvrement et à la procédure contentieuse des taxes provinciales et communales » (ci-après : le décret du 30 mai 2008) disposaient : « Art.9. § 1er. [...] La réclamation doit être faite par écrit, signée et motivée, et introduite, sous peine de déchéance, dans un délai de trois mois à compter du troisième jour ouvrable suivant la date d'envoi de la feuille d'imposition [lire : avertissement-extrait de rôle] ou à compter de la notification de l'imposition ou à compter de la date de la perception au comptant. [...]

Art. 11.Sans préjudice des dispositions du présent décret, les dispositions du titre VII, chapitres 1er, 3, 4, 6 à 9bis inclus, du Code des impôts sur les revenus et les articles 126 à 175 inclus de l'arrêté d'exécution de ce Code sont applicables aux taxes provinciales et communales pour autant qu'elles ne concernent pas spécifiquement les impôts sur les revenus ».

B.2. Il est demandé à la Cour si ces dispositions sont compatibles avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, « en ce que, dans le cadre d'une réclamation introduite par lettre recommandée contre une cotisation à l'impôt fédéral sur les revenus, la date du cachet de la poste sur la preuve d'envoi vaut comme date d'introduction, ce qui, d'une part, procure au contribuable une certitude quant à la date d'introduction et, d'autre part, garantit au contribuable qu'il dispose de la totalité du délai de réclamation pour introduire effectivement une réclamation, alors que, dans le cadre d'une réclamation introduite par lettre recommandée contre une taxe communale ou provinciale, la date de réception par l'autorité compétente vaut comme date d'introduction, ce qui prive le contribuable, d'une part, de toute certitude quant à la date d'introduction et, d'autre part, d'une partie de son délai de réclamation utile ».

B.3.1. Les articles 10 et 11 de la Constitution garantissent le principe d'égalité et de non-discrimination. L'article 172, alinéa 1er, de la Constitution est une application particulière de ce principe en matière fiscale.

B.3.2. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.4.1. Depuis sa modification par l'article 16 de la loi du 25 avril 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/04/2014 pub. 19/08/2014 numac 2014000465 source service public federal interieur Loi visant à corriger plusieurs lois réglant une matière visée à l'article 78 de la Constitution type loi prom. 25/04/2014 pub. 14/05/2014 numac 2014009199 source service public federal justice Loi portant des dispositions diverses en matière de Justice type loi prom. 25/04/2014 pub. 06/06/2014 numac 2014203619 source service public federal securite sociale Loi portant des dispositions diverses en matière de sécurité sociale type loi prom. 25/04/2014 pub. 07/05/2014 numac 2014003194 source service public federal finances et service public federal justice Loi relative au statut et au contrôle des établissements de crédit type loi prom. 25/04/2014 pub. 07/05/2014 numac 2014003195 source service public federal finances Loi portant des dispositions diverses fermer « visant à corriger plusieurs lois réglant une matière visée à l'article 78 de la Constitution » (ci-après : la loi du 25 avril 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/04/2014 pub. 19/08/2014 numac 2014000465 source service public federal interieur Loi visant à corriger plusieurs lois réglant une matière visée à l'article 78 de la Constitution type loi prom. 25/04/2014 pub. 14/05/2014 numac 2014009199 source service public federal justice Loi portant des dispositions diverses en matière de Justice type loi prom. 25/04/2014 pub. 06/06/2014 numac 2014203619 source service public federal securite sociale Loi portant des dispositions diverses en matière de sécurité sociale type loi prom. 25/04/2014 pub. 07/05/2014 numac 2014003194 source service public federal finances et service public federal justice Loi relative au statut et au contrôle des établissements de crédit type loi prom. 25/04/2014 pub. 07/05/2014 numac 2014003195 source service public federal finances Loi portant des dispositions diverses fermer), l'article 371 du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : le CIR 1992), dispose : « Les réclamations doivent être motivées et introduites, sous peine de déchéance, dans un délai de six mois à compter du troisième jour ouvrable qui suit la date d'envoi de l'avertissement-extrait de rôle mentionnant le délai de réclamation, telle qu'elle figure sur ledit avertissement-extrait de rôle, ou qui suit la date de l'avis de cotisation ou de la perception des impôts perçus autrement que par rôle.

Dans le cas visé à l'article 302, alinéa 2, le délai commence à courir à la date à laquelle l'avertissement-extrait de rôle est mis à disposition du contribuable au moyen d'une procédure utilisant des techniques informatiques.

Si la réclamation est introduite par lettre recommandée, la date du cachet de la poste figurant sur la preuve d'envoi vaut comme date d'introduction ».

B.4.2. Cette disposition porte sur le délai dans lequel une réclamation dirigée contre une cotisation à l'impôt sur les revenus doit être introduite.

Aux termes de l'alinéa 3 de cette disposition, si la réclamation est envoyée par lettre recommandée, c'est la date du cachet de la poste figurant sur la preuve d'envoi, et non donc la date à laquelle la lettre recommandée est remise par la poste à l'autorité compétente, qui vaut comme date d'introduction de cette réclamation.

B.5.1. Selon l'article 9, § 1er, alinéa 2, du décret du 30 mai 2008, une réclamation dirigée contre une taxe provinciale ou communale en Région flamande doit être introduite, sous peine de déchéance, dans un délai de trois mois à compter du troisième jour calendrier suivant la date d'envoi de l'avertissement-extrait de rôle ou à compter de la notification de l'imposition ou à compter de la date de la perception au comptant.

Selon l'article 11 du même décret, les dispositions du titre VII, chapitres 1er, 3, 4, 6 à 9bis, du CIR 1992 et les articles 126 à 175 de l'arrêté d'exécution de ce Code sont applicables aux taxes provinciales et communales pour autant qu'ils ne concernent pas spécifiquement les impôts sur les revenus et qu'ils ne portent pas atteinte aux dispositions du décret du 30 mai 2008.

B.5.2. L'article 371 du CIR 1992 fait partie du chapitre 7 du titre VII de ce Code.

B.6. Par sa décision de renvoi, la juridiction a quo a jugé que « les dispositions législatives mentionnées au titre VII, chapitres 1er, 3, 4, 6 à 9bis inclus, du Code des impôts sur les revenus, parmi lesquelles l'article 371 du CIR 1992, et les articles 126 à 175 inclus de l'arrêté d'exécution de ce Code ne s'appliquent qu'en tant que droit supplétif en ce qui concerne la procédure relative aux taxes locales, pour autant qu'ils ne concernent pas spécifiquement les impôts sur les revenus et qu'ils ne portent en aucun cas atteinte aux matières qui sont réglées par les dispositions spécifiques du décret du 30 mai 2008 ».

Cette juridiction a également jugé qu'une réclamation est « introduite » au sens de l'article 9, § 1er, alinéa 2, du décret du 30 mai 2008 à la date où elle parvient à l'autorité compétente et que l'article 371 du CIR 1992 ne peut s'y appliquer : « La disposition décrétale particulière précitée en matière de taxes provinciales et communales prévoit une procédure contentieuse qui déroge clairement au régime relatif à la procédure contentieuse en matière d'impôts sur les revenus et ce, tant en ce qui concerne le délai de réclamation qu'en ce qui concerne la date limite d'introduction de la réclamation par lettre recommandée. Il s'ensuit que l'article 371 du CIR 1992 n'est pas applicable dans le cas d'une réclamation dirigée contre une taxe provinciale ou communale ».

B.7. Il découle de ce qui précède que, lorsqu'une réclamation est envoyée par lettre recommandée, la date à laquelle cette réclamation doit être réputée avoir été introduite diffère selon que la réclamation porte sur une cotisation à l'impôt fédéral sur les revenus ou sur des taxes communales ou provinciales en Région flamande.

B.8.1. La ville de Beringen allègue que la question préjudicielle n'appelle pas de réponse parce que la réponse à cette question ne serait pas utile à la solution du litige pendant devant la juridiction a quo.

Au moment de l'envoi de l'avertissement-extrait de rôle en cause dans cette affaire, plus précisément le 30 juin 2014, il n'y avait, selon elle, aucune différence de traitement entre les contribuables qui introduisent une réclamation par lettre recommandée selon que cette réclamation porte sur une cotisation à l'impôt sur les revenus ou sur des taxes provinciales ou communales. Dès lors que l'article 371, alinéa 3, du CIR 1992 n'est entré en vigueur que le 29 août 2014 - soit le dixième jour après la publication de la loi du 25 avril 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/04/2014 pub. 19/08/2014 numac 2014000465 source service public federal interieur Loi visant à corriger plusieurs lois réglant une matière visée à l'article 78 de la Constitution type loi prom. 25/04/2014 pub. 14/05/2014 numac 2014009199 source service public federal justice Loi portant des dispositions diverses en matière de Justice type loi prom. 25/04/2014 pub. 06/06/2014 numac 2014203619 source service public federal securite sociale Loi portant des dispositions diverses en matière de sécurité sociale type loi prom. 25/04/2014 pub. 07/05/2014 numac 2014003194 source service public federal finances et service public federal justice Loi relative au statut et au contrôle des établissements de crédit type loi prom. 25/04/2014 pub. 07/05/2014 numac 2014003195 source service public federal finances Loi portant des dispositions diverses fermer précitée au Moniteur belge -, le CIR 1992 prévoyait, selon la ville de Beringen, au moment où l'avertissement-extrait de rôle concerné a été envoyé, des règles qui, en ce qui concerne l'expiration du délai de réclamation, ne diffèrent pas de celles que prévoient les dispositions en cause, telles qu'elles sont interprétées par la juridiction a quo.

B.8.2. C'est en règle à la juridiction a quo qu'il appartient d'apprécier si la réponse à la question préjudicielle est utile à la solution du litige. Ce n'est que lorsque tel n'est manifestement pas le cas que la Cour peut décider que la question n'appelle pas de réponse.

B.8.3. Dès lors que la règle contenue dans l'article 371, alinéa 3, du CIR 1992 est en principe applicable non seulement aux situations qui sont nées après son entrée en vigueur, le 29 août 2014, mais aussi aux effets des situations nées sous le régime de la loi antérieure qui se produisent ou qui persistent après l'entrée en vigueur de cette disposition, pour autant qu'il ne soit pas porté atteinte à des droits irrévocablement fixés (Cass., 26 mai 2005, C.04.0215.F) et dès lors que le délai de réclamation qui fait l'objet de la contestation dans l'affaire pendante devant la juridiction a quo n'avait pas encore expiré au moment de l'entrée en vigueur de l'article 371, alinéa 3, du CIR 1992, la réponse à la question préjudicielle n'est manifestement pas inutile à la solution du litige pendant devant cette juridiction.

B.9.1. Le Gouvernement flamand allègue que la question préjudicielle repose sur une interprétation manifestement erronée des dispositions en cause. Il estime que ces dispositions doivent être interprétées en ce sens que l'article 371, alinéa 3, du CIR 1992 est applicable à la procédure relative à la réclamation dirigée contre une taxe provinciale ou communale.

B.9.2. Il appartient en règle au juge a quo d'interpréter les dispositions qu'il applique. Toutefois, lorsque des dispositions sont soumises à la Cour dans une interprétation qui est manifestement erronée, celle-ci n'en examine pas la constitutionnalité.

B.9.3. Selon l'article 11 du décret du 30 mai 2008, les dispositions du CIR 1992 qu'il mentionne, parmi lesquelles l'article 371, sont applicables aux taxes provinciales et communales, pour autant qu'elles ne concernent pas spécifiquement les impôts sur les revenus et qu'elles ne portent pas atteinte aux dispositions du décret du 30 mai 2008.

Comme il est dit en B.6, la juridiction a quo a jugé que l'article 371 du CIR 1992 n'est pas applicable dans le cas d'une réclamation dirigée contre une taxe provinciale ou communale parce que l'article 9, § 1er, alinéa 2, du décret du 30 mai 2008 déroge au régime relatif à la procédure de réclamation en matière d'impôts sur les revenus. Eu égard au fait que les dispositions mentionnées dans l'article 11 du décret du 30 mai 2008 s'appliquent uniquement aux taxes provinciales et communales, pour autant qu'elles ne portent pas atteinte aux dispositions du décret du 30 mai 2008, l'interprétation que la juridiction a quo confère aux dispositions en cause n'est pas manifestement erronée.

B.10.1. La différence de traitement entre les contribuables qui est définie en B.7 découle, d'une part, des règles relatives au délai d'introduction d'une réclamation dirigée contre une taxe communale ou provinciale en Région flamande, contenues dans le décret du 30 mai 2008, et, d'autre part, des règles relatives au délai d'introduction d'une réclamation dirigée contre une cotisation à l'impôt fédéral sur les revenus, contenues dans l'article 371 du CIR 1992.

B.10.2. Une telle différence de traitement résulte de l'autonomie accordée aux régions et à l'autorité fédérale par ou en vertu de la Constitution, dans les matières qui relèvent de leurs compétences respectives.

Sans préjudice de l'application éventuelle du principe de proportionnalité dans l'exercice des compétences, cette autonomie serait dépourvue de signification si le seul fait qu'il existe une différence de traitement entre, d'une part, les destinataires de règles fédérales et, d'autre part, les destinataires de règles régionales dans des matières analogues était jugé contraire au principe d'égalité et de non-discrimination.

B.11. En ce que la question préjudicielle devrait être interprétée en ce sens qu'il est demandé à la Cour si la différence de traitement entre, d'une part, les destinataires de règles fédérales et, d'autre part, les destinataires de règles régionales est compatible avec les articles 10, 11 et 172, alinéa 1er, de la Constitution, cette question préjudicielle appellerait une réponse négative.

B.12. La question préjudicielle peut toutefois aussi être interprétée en ce sens qu'il est demandé à la Cour si les dispositions en cause sont compatibles avec les articles 10, 11 et 172, alinéa 1er, de la Constitution, lus en combinaison avec les principes généraux de la sécurité juridique et des droits de la défense. En effet, dans cette question, il est insisté sur l'existence ou non d'une certitude quant à la date d'introduction de la réclamation et sur le fait que le contribuable dispose ou non de la totalité du délai de réclamation.

Dans cette interprétation, la question posée à la Cour n'appelle pas à comparer, d'une part, les destinataires de règles régionales et, d'autre part, les destinataires de règles fédérales, mais bien à comparer la catégorie des personnes qui seraient privées des garanties fondamentales de la sécurité juridique et des droits de la défense, qui s'appliquent dans toutes les procédures, avec la catégorie des personnes pour lesquelles ces garanties s'appliquent sans restriction.

Il ressort des mémoires déposés auprès de la Cour par les parties qu'en ce qui concerne les principes généraux de la sécurité juridique et des droits de la défense, elles ont pu présenter une défense utile.

B.13. Aux termes de l'article 10 du décret du 30 mai 2008, contre la décision prise par l'autorité compétente ou à défaut d'une décision dans les délais visés à l'article 9, § 5, un recours peut être introduit auprès du tribunal de première instance dans le ressort duquel la taxe a été établie et les articles 1385decies et 1385undecies du Code judiciaire sont applicables.

Selon l'article 1385undecies du Code judiciaire, l'action concernant les litiges relatifs à l'application d'une loi fiscale n'est admise que si le demandeur a introduit préalablement le recours administratif organisé par ou en vertu de la loi.

B.14.1. Dans l'interprétation que la juridiction a quo confère aux dispositions en cause, celles-ci, lues en combinaison avec l'article 10 du décret du 30 mai 2008 et avec l'article 1385undecies du Code judiciaire, ont pour effet que le contribuable, lorsqu'il remet sa réclamation aux services postaux pour envoi recommandé dans le délai visé à l'article 9, § 1er, alinéa 2, du décret du 30 mai 2008 et que la réclamation ne parvient à l'autorité compétente qu'après l'expiration de ce délai, est privé non seulement d'un examen de sa réclamation par l'autorité administrative compétente, mais également de la faculté d'introduire un recours juridictionnel recevable concernant les taxes provinciales ou communales qu'il conteste.

B.14.2. Comme la Cour l'a jugé par son arrêt n° 95/2020 du 25 juin 2020, une réglementation en vertu de laquelle une réclamation introduite par lettre recommandée n'est recevable que si elle parvient à l'autorité compétente avant l'expiration du délai de réclamation a par ailleurs pour effet que le contribuable est privé d'une partie de ce délai, puisqu'il doit envoyer sa réclamation plusieurs jours avant le jour de l'expiration du délai pour être certain qu'elle parvienne à l'autorité compétente dans ce délai. Une telle réglementation affecte la sécurité juridique du contribuable, dès lors que celui-ci n'est pas en mesure d'anticiper d'éventuels retards causés par les services postaux.

B.15. Dans l'interprétation précitée, les dispositions en cause produisent des effets disproportionnés pour la catégorie de personnes concernée, et elles font naître une différence de traitement non raisonnablement justifiée entre cette catégorie de personnes et la catégorie de personnes à laquelle les garanties des principes de la sécurité juridique et des droits de la défense s'appliquent sans restriction. Dans cette interprétation, les dispositions en cause ne sont pas compatibles avec les articles 10, 11 et 172, alinéa 1er, de la Constitution, lus en combinaison avec les principes généraux de la sécurité juridique et des droits de la défense.

B.16. Comme allégué par le Gouvernement flamand, les dispositions en cause peuvent toutefois aussi recevoir une autre interprétation.

B.17.1. Selon l'article 11 du décret du 30 mai 2008, les dispositions du CIR 1992 mentionnées dans cet article, parmi lesquelles l'article 371, s'appliquent aux taxes provinciales et aux taxes communales, pour autant qu'elles ne concernent pas spécifiquement les impôts sur les revenus et qu'elles ne portent pas atteinte aux dispositions du décret du 30 mai 2008.

Selon l'article 371, alinéa 3, du CIR 1992, la date du cachet de la poste figurant sur la preuve d'envoi vaut comme date d'introduction lorsque la réclamation est envoyée par lettre recommandée. Cette disposition ne concerne pas spécifiquement les impôts sur les revenus.

B.17.2. L'article 9, § 1er, alinéa 2, du décret du 30 mai 2008 prévoit qu'une réclamation dirigée contre une taxe provinciale ou communale doit être introduite, sous peine de déchéance, dans un délai de trois mois à compter du jour défini dans cet article.

Cette disposition ne précise pas de quelle manière la réclamation doit être transmise à l'autorité compétente, ni à quel moment la réclamation doit être considérée comme « introduite », selon la façon dont elle a été transmise à l'autorité.

B.17.3. L'article 9, § 1er, alinéa 2, du décret du 30 mai 2008 peut donc être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à l'application de l'article 371, alinéa 3, du CIR 1992, en vertu de l'article 11 de ce décret, pour déterminer le moment auquel une réclamation transmise par lettre recommandée doit être considérée comme introduite.

Cette interprétation a pour effet que la date du cachet de la poste figurant sur la preuve d'envoi doit être considérée comme étant la date d'introduction d'une réclamation dirigée contre une taxe provinciale ou communale en Région flamande, lorsque cette réclamation est transmise par envoi recommandé.

B.18. Dans l'interprétation mentionnée en B.17.3, les dispositions en cause sont compatibles avec les articles 10, 11 et 172, alinéa 1er, de la Constitution, lus en combinaison avec les principes généraux de la sécurité juridique et des droits de la défense.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - L'article 9, § 1er, alinéa 2, du décret de la Région flamande du 30 mai 2008 « relatif à l'établissement, au recouvrement et à la procédure contentieuse des taxes provinciales et communales » et l'article 11 de ce décret, tel qu'il était rédigé avant son remplacement par l'article 29 du décret-programme du 20 décembre 2019 du budget 2020, violent les articles 10, 11 et 172, alinéa 1er, de la Constitution, lus en combinaison avec les principes généraux de la sécurité juridique et des droits de la défense, dans l'interprétation selon laquelle, dans le cadre d'une réclamation dirigée contre une taxe communale ou provinciale transmise par lettre recommandée, c'est la date de réception de cette réclamation par l'autorité compétente qui vaut comme date d'introduction. - Les mêmes dispositions ne violent pas les articles 10, 11 et 172, alinéa 1er, de la Constitution, lus en combinaison avec les principes généraux de la sécurité juridique et des droits de la défense, dans l'interprétation selon laquelle, dans le cadre d'une réclamation dirigée contre une taxe communale ou provinciale transmise par lettre recommandée, c'est la date du cachet de la poste figurant sur la preuve d'envoi qui vaut comme date d'introduction.

Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 22 avril 2021.

Le greffier, F. Meersschaut Le président L. Lavrysen

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