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Arrêt
publié le 18 mai 2021

Extrait de l'arrêt n° 154/2020 du 19 novembre 2020 Numéro du rôle : 7329 En cause : le recours en annulation des articles 91 à 98 et 101 de la loi du 5 mai 2019 « portant dispositions diverses en matière d'informatisation de la Justice, de mo La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, et des juges T. Merc(...)

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Extrait de l'arrêt n° 154/2020 du 19 novembre 2020 Numéro du rôle : 7329 En cause : le recours en annulation des articles 91 à 98 et 101 de la loi du 5 mai 2019Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/05/2019 pub. 19/06/2019 numac 2019041200 source service public federal justice Loi portant dispositions diverses en matière d'information de la Justice, de modernisation du statut des juges consulaires et relativement à la banque des actes notariés fermer « portant dispositions diverses en matière d'informatisation de la Justice, de modernisation du statut des juges consulaires et relativement à la banque des actes notariés », introduit par Pascal Malumgré et Geert Lambrechts.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, et des juges T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, J. Moerman et M. Pâques, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président L. Lavrysen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 17 décembre 2019 et parvenue au greffe le 18 décembre 2019, un recours en annulation des articles 91 à 98 et 101 de la loi du 5 mai 2019Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/05/2019 pub. 19/06/2019 numac 2019041200 source service public federal justice Loi portant dispositions diverses en matière d'information de la Justice, de modernisation du statut des juges consulaires et relativement à la banque des actes notariés fermer « portant dispositions diverses en matière d'informatisation de la Justice, de modernisation du statut des juges consulaires et relativement à la banque des actes notariés » (publiée au Moniteur belge du 19 juin 2019) a été introduit par Pascal Malumgré et Geert Lambrechts, assistés et représentés par Me P. Vande Casteele, avocat au barreau d'Anvers. (...) II. En droit (...) Quant à l'objet du recours B.1.1. Le Conseil des ministres fait valoir que le recours n'est que partiellement recevable, en ce que certaines des dispositions attaquées de la loi du 5 mai 2019Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/05/2019 pub. 19/06/2019 numac 2019041200 source service public federal justice Loi portant dispositions diverses en matière d'information de la Justice, de modernisation du statut des juges consulaires et relativement à la banque des actes notariés fermer « portant dispositions diverses en matière d'informatisation de la Justice, de modernisation du statut des juges consulaires et relativement à la banque des actes notariés » (ci-après : la loi du 5 mai 2019Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/05/2019 pub. 19/06/2019 numac 2019041200 source service public federal justice Loi portant dispositions diverses en matière d'information de la Justice, de modernisation du statut des juges consulaires et relativement à la banque des actes notariés fermer) ne font l'objet d'aucun grief.

B.1.2. Pour satisfaire aux exigences de l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les moyens de la requête doivent faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées ainsi que les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions.

La Cour examine le moyen dans la mesure où il satisfait aux exigences précitées.

B.1.3. Il peut être déduit de la requête et des mémoires que les parties requérantes dirigent uniquement leurs griefs contre, d'une part, la suppression de l'incompatibilité de la fonction d'avocat avec celle de juge consulaire (article 101 de la loi du 5 mai 2019Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/05/2019 pub. 19/06/2019 numac 2019041200 source service public federal justice Loi portant dispositions diverses en matière d'information de la Justice, de modernisation du statut des juges consulaires et relativement à la banque des actes notariés fermer) et, d'autre part, l'article 92 de la loi du 5 mai 2019Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/05/2019 pub. 19/06/2019 numac 2019041200 source service public federal justice Loi portant dispositions diverses en matière d'information de la Justice, de modernisation du statut des juges consulaires et relativement à la banque des actes notariés fermer, en ce que cette disposition n'exige pas que les avocats qui sont nommés en qualité de juge consulaire réussissent l'examen d'aptitude professionnelle prévu pour les magistrats effectifs.

B.1.4. La Cour n'examine donc pas les autres dispositions.

A supposer que la Cour juge le moyen fondé, ces dispositions pourraient toutefois être annulées s'il s'avérait qu'elles sont indissociablement liées aux autres dispositions jugées inconstitutionnelles.

Quant aux dispositions attaquées B.2.1. Le recours est dirigé contre diverses dispositions du chapitre 1er du titre 9 de la loi du 5 mai 2019Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/05/2019 pub. 19/06/2019 numac 2019041200 source service public federal justice Loi portant dispositions diverses en matière d'information de la Justice, de modernisation du statut des juges consulaires et relativement à la banque des actes notariés fermer. Dans le prolongement de la réforme du droit des entreprises, et plus spécifiquement de la transformation des tribunaux de commerce en tribunaux de l'entreprise, il est procédé, dans ce titre, à une réforme du statut du juge consulaire. Les articles 91 à 93 de la loi attaquée adaptent les conditions et la procédure de nomination inscrites aux articles 203 à 205 du Code judiciaire, qu'ils remplacent par ce qui suit : «

Art. 203.Les juges consulaires sont nommés par le Roi sur la proposition conjointe des ministres ayant la Justice, les Affaires économiques et les Classes moyennes dans leurs attributions.

Ils sont nommés dans un tribunal de l'entreprise pour un premier terme de trois ans renouvelable chaque fois pour cinq ans.

Les juges consulaires nommés au tribunal de l'entreprise francophone de Bruxelles sont nommés à titre subsidiaire au tribunal de l'entreprise du Brabant wallon et les juges consulaires nommés au tribunal de l'entreprise du Brabant wallon sont nommés à titre subsidiaire au tribunal de l'entreprise francophone de Bruxelles. Les juges consulaires nommés au tribunal de l'entreprise néerlandophone de Bruxelles sont nommés à titre subsidiaire au tribunal de l'entreprise de Louvain et les juges consulaires nommés au tribunal de l'entreprise de Louvain sont nommés à titre subsidiaire au tribunal de l'entreprise néerlandophone de Bruxelles. La désignation d'un juge consulaire en dehors du tribunal de l'entreprise dans lequel il est nommé à titre principal, est réglée de commun accord entre les chefs de corps concernés, après avoir entendu l'intéressé. La décision commune précise les modalités de la désignation. L'ordonnance de désignation indique les motifs pour lesquels il est nécessaire de faire appel à un juge consulaire nommé à titre principal dans un autre tribunal de l'entreprise et précise les modalités de la désignation. La désignation vaut pour une période maximale d'un an renouvelable. Le consentement du juge consulaire désigné n'est pas requis. En cas de refus des chefs de corps ou en l'absence d'accord sur les modalités de la désignation, le premier président de la cour d'appel de Bruxelles décide sur avis motivé des chefs de corps concernés par la désignation.

Pour être nommé juge consulaire, le candidat doit être âgé de trente ans accomplis et posséder au moins dix ans d'expérience professionnelle utile attestant d'une connaissance pratique des questions en matière d'entreprises.

Art. 204.§ 1er. En vue de pourvoir à la vacance des postes de juges consulaires les présidents des tribunaux de l'entreprise communiquent au ministre qui a la Justice dans ses attributions, avant le 1er octobre de chaque année, le nombre d'emplois vacants ainsi que les profils auxquels doivent répondre les candidats juges consulaires. Les présidents veillent à une représentation équilibrée des divers profils en fonction des besoins du tribunal.

Au plus tard dans les soixante jours de la réception du nombre des emplois vacants et des profils, le ministre qui a la Justice dans ses attributions lance un appel aux candidats dans le Moniteur belge. § 2. Les candidats à ces fonctions peuvent poser eux-mêmes leur candidature ou être présentés par des organisations ou fédérations professionnelles ou interprofessionnelles représentatives, y inclut un ordre, institut de titulaires de professions libérales ou autre association professionnelle ou interprofessionnelle représentative de l'industrie ou du secteur associatif.

Par dérogation à l'article 287sexies, chaque candidature ou présentation doit, à peine de déchéance, être adressée au ministre qui la Justice dans ses attributions dans un délai de trente jours à compter de la publication de la vacance d'emploi au Moniteur belge.

L'appel aux candidats publié dans le Moniteur belge mentionne, la manière dont les candidatures et les présentations doivent, à peine de déchéance, être introduites ainsi que les pièces justificatives à y joindre. Les pièces justificatives concernant les études et l'expérience professionnelle ne doivent toutefois plus être réclamées au candidat si elles ont déjà été remises à l'occasion d'une candidature antérieure et que cette candidature a été déclarée recevable.

Dans un délai de soixante jours après la publication de la vacance d'emploi au Moniteur belge, le ministre qui a la Justice dans ses attributions demande, pour les candidatures qu'il a déclarées recevables au regard des conditions visées à l'alinéa 2, un avis écrit motivé au procureur général près le ressort où doit avoir lieu la nomination et au président du tribunal de l'entreprise au moyen d'un formulaire type établi par lui.

Le procureur général transmet cet avis par voie électronique dans les trente jours à compter de la demande d'avis visée à l'alinéa 3 au ministre qui a la Justice dans ses attributions et en transmet dans le même temps une copie au président du tribunal de l'entreprise de la vacance d'emploi qui fait l'objet de la candidature. Pour les candidatures qui semblent nécessiter une enquête plus circonstanciée, le délai de trente jours est prolongé jusqu'à quarante-cinq jours à condition que le procureur général porte cette prolongation à la connaissance du ministre qui a la Justice dans ses attributions et du président du tribunal de l'entreprise dans les trente jours de la demande d'avis, par voie électronique. En l'absence d'avis dans le délai de trente jours ou dans le délai prolongé de quarante-cinq jours ou à défaut d'utilisation du formulaire type, l'avis est réputé favorable.

Les présidents des tribunaux de l'entreprise transmettent leur avis par voie électronique dans les soixante jours à compter de la demande d'avis visée à l'alinéa 3 au ministre qui a la Justice dans ses attributions.

Les juges consulaires sont nommés le 1er juin. La nomination est publiée au Moniteur belge. § 3. Les juges consulaires ne peuvent siéger que s'ils ont préalablement suivi la formation initiale à l'Institut de formation judiciaire. Cette formation comprend une formation relative à la déontologie et une formation concernant la procédure. Ils ne peuvent siéger comme juge-commissaire dans une faillite, comme juge délégué dans une réorganisation judiciaire ou dans des chambres des entreprises en difficulté que s'ils ont suivi à cet effet une formation spécialisée à l'Institut de formation judiciaire.

Art. 205.§ 1er. La nomination de juge consulaire peut être renouvelée pour cinq ans à l'issue de chaque terme, après avis du président du tribunal de l'entreprise et du procureur général près le ressort où doit avoir lieu la nomination.

Avant le 1er septembre précédant l'année civile où sa fonction prend fin, le juge consulaire adresse par voie électronique une demande de renouvellement de sa nomination au ministre qui a la Justice dans ses attributions et en transmet en même temps une copie au président du tribunal de l'entreprise. § 2. Au moment où, conformément à l'article 204, § 2, alinéa 3, le ministre qui a la Justice dans ses attributions demande leur avis au procureur général et au président du tribunal de l'entreprise dans les procédures de nomination, il leur demande un avis écrit motivé au moyen d'un formulaire type établi par lui relatif aux demandes de renouvellement.

Les avis lui sont transmis dans les délais figurant à l'article 204, § 2, alinéas 4 et 5.

Les renouvellements des nominations des juges consulaires sont publiés avec les nominations visées à l'article 204, § 2, alinéa 6 ».

B.2.2. Il ressort des travaux préparatoires que le législateur a voulu rendre plus strictes les conditions de nomination et l'évaluation du juge consulaire : « Les nouveaux articles 203 à 205 du Code judiciaire contiennent les nouvelles conditions et procédures de nomination.

Là où les juges consulaires étaient nommés pour une période de cinq ans renouvelable, les juges consulaires seront désormais nommés pour un premier terme de trois ans renouvelable chaque fois pour cinq ans.

Cela permet au président d'évaluer plus rapidement ses juges non professionnels après une nomination. S'ils ne donnent pas satisfaction, leur nomination prendra également fin après trois ans.

En revanche, s'ils donnent satisfaction, leur nomination peut être renouvelée chaque fois pour cinq ans. Les nominations ont désormais lieu le 1er juin de chaque année de sorte que les nouveaux magistrats non professionnels puissent être opérationnels au début de l'année judiciaire.

Les conditions de nomination sont quelque peu renforcées. La condition d'âge reste maintenue à 30 ans mais dorénavant, une expérience de 10 ans est requise au lieu de cinq ans et il faudra pouvoir justifier d'une expérience professionnelle attestant d'une connaissance pratique des questions en matière d'entreprises. L'énumération imposée par l'article 205 du Code judiciaire est par conséquent abandonnée. Le tribunal de l'entreprise possède une large compétence qui requiert une expérience pratique plus vaste de ses juges non professionnels que celle imposée aux ' anciens ' juges consulaires. Il est de la responsabilité du président du tribunal de l'entreprise de contrôler et de vérifier les qualifications et capacités des candidats juges consulaires afin qu'il puisse pourvoir suffisamment à tous les profils dont son tribunal a besoin pour fonctionner de manière optimale » (Doc. parl., Chambre, 2018-2019, DOC 54-3549/001, pp. 68-69).

B.3.1. La réforme du statut du juge consulaire comporte également la suppression de l'incompatibilité entre la profession d'avocat et la fonction de juge consulaire. L'article 101 de la loi attaquée complète l'article 437 du Code judiciaire par un troisième alinéa : « La profession d'avocat est compatible avec la fonction de juge consulaire ».

B.3.2. Il ressort des travaux préparatoires que le législateur a voulu permettre la désignation de juges non professionnels qui exercent des activités de professions libérales, dès lors que celles-ci relèvent désormais de la compétence des tribunaux de l'entreprise : « La modification est la conséquence directe de l'élargissement de compétence du tribunal de l'entreprise et de la nécessité de disposer au sein de ce tribunal de l'entreprise d'un éventail plus large de profils de juges non professionnels. Il n'est en effet pas exclu que le président du tribunal de l'entreprise estime que son tribunal a besoin de profils de juges non professionnels très spécifiques qui aux termes des dispositions anciennes du Code judiciaire présentaient une incompatibilité ou qu'il trouvera parmi les fonctions de notaire ou d'huissier de justice ou dans la profession d'avocat. Là où traditionnellement ces fonctions et professions étaient exclues car incompatibles, ce n'est plus le cas au nouveau tribunal de l'entreprise, compétent notamment pour les professions libérales. Si pour un candidat juge consulaire, par exemple, le président du tribunal de l'entreprise estime que sa fonction de notaire est nécessaire comme profil spécifique, l'incompatibilité ne s'applique pas à ce notaire. Il va de soi que les avocats, notaires ou huissiers de justice ne sont pas habilités à siéger dans une affaire s'ils sont déjà intervenus en cette qualité ou y ont un intérêt » (ibid., p. 71).

B.3.3. Dans son avis, le Conseil d'Etat a observé que la suppression de l'incompatibilité « risque [...] de se heurter à l'exigence d'impartialité objective dans le cas d'avocats qui agissent également devant le tribunal de l'entreprise en qualité de curateur par exemple.

En outre, la question se pose de savoir s'il ne faudrait pas prévoir à tout le moins que les avocats ne peuvent pas agir en qualité de juge consulaire dans l'arrondissement ou la division où ils sont inscrits au barreau » (Conseil d'Etat, avis n° 64.219/1-2 du 8 novembre 2018, pp. 25-26).

Le délégué du Gouvernement a répondu à ces observations en ces termes : « 1) Etant donné que les avocats seront des entreprises à partir du 1er novembre, eux aussi doivent être représentés dans le corps des juges consulaires. Le propre du statut de juge consulaire est que l'on attend de ce juge qu'il ait un certain degré d'expertise dans le domaine de l'affaire examinée, si bien que les situations dans lesquelles le parcours professionnel du juge consulaire est similaire à celui des parties impliquées ne se limitent pas à la profession d'avocat. Il convient par ailleurs de relativiser le risque de partialité apparente en tenant compte du fait que, contrairement au juge suppléant, le juge consulaire ne siège qu'en présence d'un juge professionnel. Du reste, il va de soi que les juges consulaires restent soumis aux règles déontologiques concernées relatives aux conflits d'intérêts. 2) A la lumière de la modification proposée de l'article 87 du Code judiciaire, il semble toutefois opportun de spécifier que, lorsqu'un avocat est également mandataire de justice, par exemple lorsqu'il est curateur, il ne peut pas siéger comme juge consulaire dans l'arrondissement ou la division où il est inscrit au barreau » (ibid.).

La section de législation a observé que cette dernière suggestion pouvait être retenue.

B.3.4. Il ressort des travaux préparatoires que le législateur a aussi concrétisé cette proposition : « Suite à l'avis du Conseil d'Etat à propos de l'article 93 de l'avant-projet, les possibilités de cumuler certaines fonctions sont limitées. Il est précisé dans la loi que par exemple un avocat qui est nommé juge consulaire et désigné également comme mandataire de justice, par exemple comme curateur, ne peut exercer la fonction de juge consulaire dans l'arrondissement ou la division du tribunal de l'entreprise dans lequel ou laquelle il est désigné mandataire de justice. La référence à 'l'arrondissement ou la division dans lequel ou laquelle l'intéressé est inscrit au barreau' est remplacée par une référence à 'l'arrondissement ou la division dans lequel ou laquelle l'intéressé est désigné comme mandataire de justice' » (Doc. parl., Chambre, 2018-2019, DOC 54-3549/001, p. 71).

B.3.5. En conséquence, l'article 96, 3°, de la loi attaquée complète l'article 300 du Code judiciaire par l'alinéa suivant : « Les juges consulaires sont soumis aux mêmes incompatibilités que les magistrats effectifs, à l'exception de l'exercice des activités professionnelles admises à titre d'expérience pour être nommé juge consulaire. Nul ne peut à la fois exercer les fonctions de juge consulaire et de mandataire de justice dans l'arrondissement ou la division du tribunal de l'entreprise dans lequel ou laquelle il est désigné mandataire de justice ».

Quant au fond B.4.1. Les parties requérantes prennent un moyen unique de la violation, par les dispositions attaquées, des articles 10, 11, 12 et 13 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 40, 144, 145, 151 et 157 de la Constitution, avec les articles 5, 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec les articles 9 et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, avec le droit d'accès à un juge et avec les principes de l'impartialité et de l'indépendance du juge.

Elles font valoir que la possibilité, pour un avocat, de siéger en tant que juge consulaire viole le droit d'accès à un juge indépendant et impartial. Les parties requérantes contestent par ailleurs le fait que les avocats qui sont nommés en qualité de juge consulaire soient dispensés de l'examen d'aptitude professionnelle prévu pour les magistrats effectifs. Ceci créerait une discrimination entre les justiciables, en ce qu'ils doivent se soumettre pareillement à des décisions de magistrats qui ne présenteraient pourtant pas un même niveau de « compétence et d'aptitude ».

B.4.2. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.4.3. L'article 12 de la Constitution dispose : « La liberté individuelle est garantie.

Nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi, et dans la forme qu'elle prescrit.

Hors le cas de flagrant délit, nul ne peut être arrêté qu'en vertu d'une ordonnance motivée du juge qui doit être signifiée au plus tard dans les quarante-huit heures de la privation de liberté et ne peut emporter qu'une mise en détention préventive ».

Cette disposition constitutionnelle doit être lue en combinaison avec l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, également invoqués, qui garantissent des droits et libertés analogues.

B.4.4. L'article 13 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être distrait, contre son gré, du juge que la loi lui assigne ».

Le droit d'accès au juge serait vidé de tout contenu s'il n'était pas satisfait aux exigences du procès équitable, garanti par l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, par l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et par un principe général de droit. Par conséquent, lors d'un contrôle au regard de l'article 13 de la Constitution, il convient de tenir compte de ces garanties.

Aux termes de l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, « toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale [...] ».

B.4.5. L'article 151, § 1er, alinéa 1er, de la Constitution dispose : « Les juges sont indépendants dans l'exercice de leurs compétences juridictionnelles. [...] ».

Les principes de l'indépendance et de l'impartialité du juge sont également garantis par l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et par l'article 14, paragraphe 1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui sont également invoqués.

B.4.6. L'article 40 de la Constitution dispose : « Le pouvoir judiciaire est exercé par les cours et tribunaux.

Les arrêts et jugements sont exécutés au nom du Roi ».

L'article 144 de la Constitution dispose : « Les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux.

Toutefois, la loi peut, selon les modalités qu'elle détermine, habiliter le Conseil d'Etat ou les juridictions administratives fédérales à statuer sur les effets civils de leurs décisions ».

L'article 145 de la Constitution dispose : « Les contestations qui ont pour objet des droits politiques sont du ressort des tribunaux, sauf les exceptions établies par la loi ».

L'article 157 de la Constitution dispose : « Il y a des juridictions militaires lorsque l'état de guerre visé à l'article 167, § 1er, alinéa 2, est constaté. La loi règle l'organisation des juridictions militaires, leurs attributions, les droits et obligations des membres de ces juridictions, et la durée de leurs fonctions.

Il y a des tribunaux de commerce dans les lieux déterminés par la loi.

Elle règle leur organisation, leurs attributions, le mode de nomination de leurs membres, et la durée des fonctions de ces derniers.

La loi règle aussi l'organisation des juridictions du travail, leurs attributions, le mode de nomination de leurs membres et la durée des fonctions de ces derniers.

Il y a des tribunaux de l'application des peines dans les lieux déterminés par la loi. Elle règle leur organisation, leurs attributions, le mode de nomination de leurs membres et la durée des fonctions de ces derniers ».

B.5. Les parties requérantes n'exposent pas en quoi les dispositions attaquées violeraient les articles 12, 40, 144, 145 et 157 de la Constitution, les articles 5 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme ou l'article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

En ce qu'il est pris d'une violation de ces dispositions, le moyen unique n'est pas recevable.

Quant au droit d'accès à un juge indépendant et impartial B.6.1. Dans la première branche de leur moyen unique, les parties requérantes soutiennent que la possibilité, pour un avocat, de siéger en tant que juge consulaire viole le droit d'accès à un juge indépendant et impartial.

B.6.2. Il est d'une importance fondamentale, dans un Etat de droit démocratique, que les cours et tribunaux bénéficient de la confiance du public et des parties au procès (CEDH, 26 février 1993, Padovani c.

Italie, § 27). A cette fin, l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme exige que les juridictions auxquelles cette disposition s'applique soient impartiales (CEDH, grande chambre, 29 mars 2001, D.N. c. Suisse, § 42).

Cette impartialité doit s'apprécier de deux manières. L'impartialité subjective, qui se présume jusqu'à preuve du contraire, exige que dans une affaire sur laquelle il doit statuer, le juge n'ait ni de parti pris ni de préjugés et qu'il n'ait pas d'intérêt à l'issue de celle-ci. L'impartialité objective exige qu'il y ait suffisamment de garanties pour exclure également des appréhensions justifiées sur ces points (CEDH, 1er octobre 1982, Piersack c. Belgique, § 30; 16 décembre 2003, Grieves c. Royaume-Uni, § 69).

B.6.3. En ce qui concerne l'impartialité objective, il y a lieu de vérifier si, indépendamment du comportement des juges, il existe des faits démontrables faisant naître un doute au sujet de cette impartialité. A cet égard, même une apparence de partialité peut revêtir de l'importance (CEDH, 6 juin 2000, Morel c. France, § 42).

S'il faut examiner si un juge a suscité, dans un cas concret, de telles appréhensions, le point de vue du justiciable est pris en compte mais ne joue pas un rôle décisif. Ce qui est par contre déterminant, c'est de savoir si les appréhensions de l'intéressé peuvent passer pour objectivement justifiées (CEDH, 21 décembre 2000, Wettstein c. Suisse, § 44).

B.6.4. Le cumul, même occasionnel, d'une fonction judiciaire et de la profession d'avocat doit être évité autant que possible.

En effet, il n'est pas inimaginable que la présence d'avocats dans des organes juridictionnels puisse conduire à une confusion des fonctions du juge et de l'avocat et à une confusion d'intérêts pouvant susciter des doutes quant à l'indépendance et à l'impartialité de la juridiction, bien que ce dernier risque soit considérablement atténué par le contrôle exercé par la Cour de cassation sur la jurisprudence.

Par ailleurs, il faut éviter autant que possible que les avocats qui sont opposés dans tel dossier se rencontrent dans tel autre dossier comme avocat et juge.

B.6.5. Toutefois, l'impartialité objective n'est pas compromise par le seul fait qu'un avocat fasse partie d'une juridiction. En effet, il faut toujours examiner concrètement la question de savoir si une des parties au procès peut invoquer une crainte légitime de partialité, compte tenu de tous les éléments propres au dossier et des autres garanties procédurales.

B.7.1. En vertu de l'article 437, alinéa 1er, 1°, du Code judiciaire, la profession d'avocat est incompatible avec celle de magistrat effectif. Inversement, en vertu de l'article 293 du Code judiciaire, les fonctions de l'ordre judiciaire sont incompatibles avec la profession d'avocat.

Exceptionnellement, le législateur autorise néanmoins un cumul occasionnel d'une fonction judiciaire et de la profession d'avocat.

Ainsi, l'article 322 du Code judiciaire fixe les conditions auxquelles un avocat peut être désigné pour remplacer un juge ou assesseur empêché. Par son arrêt n° 53/2017 du 11 mai 2017, la Cour a rejeté un recours en annulation de l'alinéa 4 de cette disposition, tel qu'il avait été remplacé par l'article 97 de la loi du 4 mai 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/2016 pub. 13/05/2016 numac 2016009201 source service public federal justice Loi relative à l'internement et à diverses dispositions en matière de Justice fermer « relative à l'internement et à diverses dispositions en matière de justice ».

Par son arrêt n° 7/2020 du 16 janvier 2020, la Cour a rejeté un recours en annulation partielle de la loi du 23 mars 2019Documents pertinents retrouvés type loi prom. 23/03/2019 pub. 29/03/2019 numac 2019030329 source service public federal justice Loi modifiant le Code judiciaire en vue d'améliorer le fonctionnement de l'ordre judiciaire et du Conseil supérieur de la Justice fermer « modifiant le Code judiciaire en vue d'améliorer le fonctionnement de l'ordre judiciaire et du Conseil supérieur de la Justice », en ce que cette loi portait sur le statut des juges suppléants. La Cour a jugé que les dispositions qui étaient attaquées dans les affaires ayant abouti aux arrêts précités étaient justifiées par des motifs de bonne administration de la justice et qu'elles étaient entourées de garanties procédurales suffisantes excluant toute crainte justifiée de partialité.

B.7.2. Contrairement aux affaires mentionnées en B.7.1, l'affaire présentement examinée concerne la possibilité de faire appel à des avocats non pas en qualité de juge suppléant, mais bien en qualité de juge consulaire dans les tribunaux de l'entreprise. Les parties requérantes font valoir que, contrairement aux dispositions précitées, le régime attaqué viole la Constitution, en ce que le recours à des avocats en qualité de juge consulaire ne serait pas occasionnel et serait entouré de garanties insuffisantes.

Dans les affaires précitées, la désignation d'avocats était fondée sur la nécessité de pouvoir faire appel à des personnes ayant suffisamment d'expertise juridique pour endosser le rôle de juge suppléant lorsqu'une telle mesure est nécessaire pour garantir une bonne administration de la justice, les avocats entrant en considération en raison de leur expertise juridique mais en dépit de leur activité professionnelle. Ce n'est par contre pas en dépit, mais précisément en raison de leur expérience professionnelle que des avocats sont désignés en qualité de juge consulaire. Il n'est dès lors fait appel à eux que dans les affaires pour lesquelles le président du tribunal de l'entreprise estime que leur expérience professionnelle spécifique est requise (Doc. parl., Chambre, 2018-2019, DOC 54-3549/001, p. 71).

L'intervention d'avocats en qualité de juge s'inscrit dans la logique du système de juges consulaires au sein des tribunaux de l'entreprise et est justifiée par l'élargissement de la compétence de ces tribunaux aux litiges relatifs aux professions libérales. En outre, la suppression de l'incompatibilité des fonctions d'avocat et de juge consulaire va de pair avec les garanties requises en ce qui concerne l'indépendance et l'impartialité.

B.7.3. Il ressort des travaux préparatoires mentionnés en B.3.2 et en B.3.3 que, par la loi attaquée, le législateur a voulu prévoir des garanties procédurales complémentaires quant au recrutement et au fonctionnement des juges consulaires, en général, et aux avocats qui interviennent en cette qualité, en particulier, afin de moderniser le statut des juges consulaires et de tenir compte des recommandations formulées par le Conseil d'Etat. Tout d'abord, les juges consulaires sont soumis aux mêmes incompatibilités que les magistrats effectifs, à l'exception de l'exercice d'activités professionnelles admises comme expérience pour être nommé juge consulaire. A la suite de l'avis du Conseil d'Etat, une incompatibilité supplémentaire a été prévue, selon laquelle nul ne peut à la fois exercer la fonction de juge consulaire et celle de mandataire de justice dans l'arrondissement ou la division du tribunal de l'entreprise dans lequel ou laquelle il est désigné comme mandataire de justice. En ce qui concerne le recrutement et le fonctionnement des juges consulaires, comme il est dit en B.2.2, les conditions ont été rendues plus strictes, et une formation en matière de déontologie et de procédure est exigée.

B.7.4. De plus, le législateur a renforcé le contrôle du président du tribunal de l'entreprise quant à la désignation et au fonctionnement du juge consulaire. Dans ce cadre, le président doit tenir compte du fait qu'un avocat qui a été désigné en qualité de juge consulaire ne peut siéger dans une affaire dans laquelle intervient un avocat qui est son adversaire dans une autre affaire.

B.8. Eu égard à ce qui précède, le cumul de la profession d'avocat et de la fonction de juge consulaire est justifié par l'objectif qui consiste à assurer la présence de juges consulaires ayant l'expérience professionnelle requise et est entouré de garanties procédurales suffisantes qui excluent toute crainte justifiée de partialité.

Il convient encore d'observer que toute partie peut introduire une demande de récusation fondée sur les articles 828 et suivants du Code judiciaire. Enfin, l'article 831 du Code judiciaire prévoit également que tout juge qui sait cause de récusation en sa personne est tenu de s'abstenir, ce qui est le cas lorsqu'il existe une confusion d'intérêts.

Sous réserve de l'interprétation mentionnée en B.7.4, le moyen unique, en sa première branche, n'est pas fondé.

En ce qui concerne l'aptitude professionnelle requise B.9.1. Dans la seconde branche de leur moyen unique, les parties requérantes contestent le fait que les avocats qui sont nommés en qualité de juge consulaire sont dispensés de l'examen d'aptitude professionnelle prévu pour les magistrats effectifs. Il naîtrait ainsi une discrimination entre les justiciables, en ce qu'ils doivent se soumettre pareillement à des décisions de magistrats qui ne justifieraient pourtant pas d'un même niveau de « compétence et d'aptitude ».

B.9.2. Comme il est dit en B.7.2, la possibilité de désigner des avocats en qualité de juge consulaire s'inscrit dans le système de juges consulaires, lesquels sont désignés en raison de leur expérience professionnelle spécifique, qui représente une plus-value pour les affaires qui doivent être traitées. Il n'est dès lors pas sans justification raisonnable que les avocats qui sont désignés en qualité de juge consulaire, tout comme les personnes appartenant à d'autres groupes professionnels qui exercent cette fonction sur la base de leur expérience professionnelle, ne soient pas soumis aux mêmes exigences que les magistrats effectifs.

B.9.3. Le moyen unique, en sa seconde branche, n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour sous réserve de l'interprétation mentionnée en B.7.4, rejette le recours.

Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 19 novembre 2020.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, L. Lavrysen

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