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Arrêt
publié le 31 décembre 2020

Extrait de l'arrêt n° 147/2020 du 19 novembre 2020 Numéro du rôle : 6983 En cause : le recours en annulation des articles 2 à 5 de la loi du 21 décembre 2017 « modifiant diverses dispositions en vue d'instaurer une période de sûreté et modifi La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et L. Lavrysen, et des juges J.-P. M(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 147/2020 du 19 novembre 2020 Numéro du rôle : 6983 En cause : le recours en annulation des articles 2 à 5 de la loi du 21 décembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/12/2017 pub. 11/01/2018 numac 2017032186 source service public federal justice Loi modifiant diverses dispositions en vue d'instaurer une période de sécurité et modifiant la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive en ce qui concerne l'arrestation immédiate type loi prom. 21/12/2017 pub. 11/02/2020 numac 2020020167 source service public federal interieur Loi modifiant diverses dispositions en vue d'instaurer une période de sûreté et modifiant la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive en ce qui concerne l'arrestation immédiate. - Traduction allemande type loi prom. 21/12/2017 pub. 29/12/2017 numac 2017014397 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi portant modification de la loi du 21 décembre 2013 relative à diverses dispositions concernant le financement des petites et moyennes entreprises fermer « modifiant diverses dispositions en vue d'instaurer une période de sûreté et modifiant la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive en ce qui concerne l'arrestation immédiate », introduit par l'ASBL « Ligue des Droits de l'Homme » et l'ASBL « Syndicat des Avocats pour la Démocratie ».

La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et L. Lavrysen, et des juges J.-P. Moerman, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques et Y. Kherbache, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 10 juillet 2018 et parvenue au greffe le 12 juillet 2018, un recours en annulation des articles 2 à 5 de la loi du 21 décembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/12/2017 pub. 11/01/2018 numac 2017032186 source service public federal justice Loi modifiant diverses dispositions en vue d'instaurer une période de sécurité et modifiant la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive en ce qui concerne l'arrestation immédiate type loi prom. 21/12/2017 pub. 11/02/2020 numac 2020020167 source service public federal interieur Loi modifiant diverses dispositions en vue d'instaurer une période de sûreté et modifiant la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive en ce qui concerne l'arrestation immédiate. - Traduction allemande type loi prom. 21/12/2017 pub. 29/12/2017 numac 2017014397 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi portant modification de la loi du 21 décembre 2013 relative à diverses dispositions concernant le financement des petites et moyennes entreprises fermer « modifiant diverses dispositions en vue d'instaurer une période de sûreté et modifiant la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive en ce qui concerne l'arrestation immédiate » (publiée au Moniteur belge du 11 janvier 2018, avec erratum au Moniteur belge du 28 juillet 2018) a été introduit par l'ASBL « Ligue des Droits de l'Homme », assistée et représentée par Me D. Ribant, avocat au barreau de Bruxelles, et l'ASBL « Syndicat des Avocats pour la Démocratie », assistée et représentée par Me N. Cohen, avocat au barreau de Bruxelles. (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées B.1.1. Les parties requérantes demandent l'annulation des articles 2 et 3 de la loi du 21 décembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/12/2017 pub. 11/01/2018 numac 2017032186 source service public federal justice Loi modifiant diverses dispositions en vue d'instaurer une période de sécurité et modifiant la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive en ce qui concerne l'arrestation immédiate type loi prom. 21/12/2017 pub. 11/02/2020 numac 2020020167 source service public federal interieur Loi modifiant diverses dispositions en vue d'instaurer une période de sûreté et modifiant la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive en ce qui concerne l'arrestation immédiate. - Traduction allemande type loi prom. 21/12/2017 pub. 29/12/2017 numac 2017014397 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi portant modification de la loi du 21 décembre 2013 relative à diverses dispositions concernant le financement des petites et moyennes entreprises fermer « modifiant diverses dispositions en vue d'instaurer une période de sûreté et modifiant la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive en ce qui concerne l'arrestation immédiate » (ci-après : la loi du 21 décembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/12/2017 pub. 11/01/2018 numac 2017032186 source service public federal justice Loi modifiant diverses dispositions en vue d'instaurer une période de sécurité et modifiant la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive en ce qui concerne l'arrestation immédiate type loi prom. 21/12/2017 pub. 11/02/2020 numac 2020020167 source service public federal interieur Loi modifiant diverses dispositions en vue d'instaurer une période de sûreté et modifiant la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive en ce qui concerne l'arrestation immédiate. - Traduction allemande type loi prom. 21/12/2017 pub. 29/12/2017 numac 2017014397 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi portant modification de la loi du 21 décembre 2013 relative à diverses dispositions concernant le financement des petites et moyennes entreprises fermer).

B.1.2. L'article 2 de la loi du 21 décembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/12/2017 pub. 11/01/2018 numac 2017032186 source service public federal justice Loi modifiant diverses dispositions en vue d'instaurer une période de sécurité et modifiant la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive en ce qui concerne l'arrestation immédiate type loi prom. 21/12/2017 pub. 11/02/2020 numac 2020020167 source service public federal interieur Loi modifiant diverses dispositions en vue d'instaurer une période de sûreté et modifiant la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive en ce qui concerne l'arrestation immédiate. - Traduction allemande type loi prom. 21/12/2017 pub. 29/12/2017 numac 2017014397 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi portant modification de la loi du 21 décembre 2013 relative à diverses dispositions concernant le financement des petites et moyennes entreprises fermer insère entre les alinéas 2 et 3 de l'article 195 du Code d'instruction criminelle, qui concerne la procédure devant les tribunaux correctionnels, les trois alinéas suivants : « Le cas échéant, le jugement de condamnation mentionne si la personne condamnée réunit les conditions déterminées à l'article 25, § 2, d) ou e), ou à l'article 26, § 2, d) ou e), de la loi du 17 mai 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/05/2006 pub. 15/06/2006 numac 2006009456 source service public federal justice Loi relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine (2) fermer relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine.

En cas de condamnation à une peine privative de liberté dont la partie à exécuter s'élève à plus de trois ans et à moins de trente ans pour des faits visés dans le livre II, titres Ier, Ierbis et Ierter, dans l'article 376, alinéa 1er, dans l'article 394, s'ils ont été commis à l'égard d'un ou plusieurs fonctionnaires de police en raison de leur qualité, dans l'article 417ter, alinéa 3, 2°, ou dans l'article 428, § 5, du Code pénal, le jugement peut établir que la libération conditionnelle ou la mise en liberté provisoire en vue d'éloignement du territoire ou en vue de remise ne peut être accordée qu'après que la personne condamnée a subi deux tiers de cette peine.

En cas de condamnation à un emprisonnement correctionnel de trente ans ou plus, le jugement peut établir que la libération conditionnelle ou la mise en liberté provisoire en vue d'éloignement du territoire ou en vue de remise ne peut être accordée qu'après que la personne condamnée a subi plus de quinze ans et maximum vingt-cinq ans de cette peine ».

Le recours en annulation porte sur les deuxième et troisième alinéas précités.

B.1.3. L'article 3 de la loi du 21 décembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/12/2017 pub. 11/01/2018 numac 2017032186 source service public federal justice Loi modifiant diverses dispositions en vue d'instaurer une période de sécurité et modifiant la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive en ce qui concerne l'arrestation immédiate type loi prom. 21/12/2017 pub. 11/02/2020 numac 2020020167 source service public federal interieur Loi modifiant diverses dispositions en vue d'instaurer une période de sûreté et modifiant la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive en ce qui concerne l'arrestation immédiate. - Traduction allemande type loi prom. 21/12/2017 pub. 29/12/2017 numac 2017014397 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi portant modification de la loi du 21 décembre 2013 relative à diverses dispositions concernant le financement des petites et moyennes entreprises fermer complète l'article 344 du Code d'instruction criminelle, qui concerne la procédure devant la cour d'assises, par les deux alinéas suivants : « En cas de condamnation à une peine privative de liberté dont la partie à exécuter s'élève à plus de trois ans et à moins de trente ans, pour des faits visés dans le livre II, titres Ier, Ierbis et Ierter, dans l'article 376, alinéa 1er, dans l'article 394, s'ils ont été commis à l'égard d'un ou plusieurs fonctionnaires de police en raison de leur qualité, dans l'article 417ter, alinéa 3, 2°, ou dans l'article 428, § 5, du Code pénal, l'arrêt peut établir que la libération conditionnelle ou la mise en liberté provisoire en vue d'éloignement du territoire ou en vue de remise ne peut être accordée qu'après que la personne condamnée a subi deux tiers de cette peine.

En cas de condamnation à un emprisonnement correctionnel de trente ans ou plus, une réclusion ou détention de trente ans ou plus ou à une réclusion ou détention à perpétuité, l'arrêt peut établir que la libération conditionnelle ou la mise en liberté provisoire en vue d'éloignement du territoire ou en vue de remise ne peut être accordée qu'après que la personne condamnée a subi plus de quinze ans et maximum vingt-cinq ans de cette peine ».

B.1.4. Les parties requérantes demandent également l'annulation des articles 4 et 5 de la loi du 21 décembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/12/2017 pub. 11/01/2018 numac 2017032186 source service public federal justice Loi modifiant diverses dispositions en vue d'instaurer une période de sécurité et modifiant la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive en ce qui concerne l'arrestation immédiate type loi prom. 21/12/2017 pub. 11/02/2020 numac 2020020167 source service public federal interieur Loi modifiant diverses dispositions en vue d'instaurer une période de sûreté et modifiant la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive en ce qui concerne l'arrestation immédiate. - Traduction allemande type loi prom. 21/12/2017 pub. 29/12/2017 numac 2017014397 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi portant modification de la loi du 21 décembre 2013 relative à diverses dispositions concernant le financement des petites et moyennes entreprises fermer, car elle découlerait nécessairement de l'annulation des articles 2 et 3 de la même loi. Les articles 4 et 5 de la loi du 21 décembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/12/2017 pub. 11/01/2018 numac 2017032186 source service public federal justice Loi modifiant diverses dispositions en vue d'instaurer une période de sécurité et modifiant la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive en ce qui concerne l'arrestation immédiate type loi prom. 21/12/2017 pub. 11/02/2020 numac 2020020167 source service public federal interieur Loi modifiant diverses dispositions en vue d'instaurer une période de sûreté et modifiant la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive en ce qui concerne l'arrestation immédiate. - Traduction allemande type loi prom. 21/12/2017 pub. 29/12/2017 numac 2017014397 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi portant modification de la loi du 21 décembre 2013 relative à diverses dispositions concernant le financement des petites et moyennes entreprises fermer modifient respectivement les articles 25, § 2, et 26, § 2, de la loi du 17 mai 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/05/2006 pub. 15/06/2006 numac 2006009456 source service public federal justice Loi relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine (2) fermer « relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine » (ci-après : la loi du 17 mai 2006) en conséquence de la modification des articles 195 et 344 du Code d'instruction criminelle apportée par les articles 2 et 3 attaqués.Les articles 4 et 5 de la loi du 21 décembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/12/2017 pub. 11/01/2018 numac 2017032186 source service public federal justice Loi modifiant diverses dispositions en vue d'instaurer une période de sécurité et modifiant la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive en ce qui concerne l'arrestation immédiate type loi prom. 21/12/2017 pub. 11/02/2020 numac 2020020167 source service public federal interieur Loi modifiant diverses dispositions en vue d'instaurer une période de sûreté et modifiant la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive en ce qui concerne l'arrestation immédiate. - Traduction allemande type loi prom. 21/12/2017 pub. 29/12/2017 numac 2017014397 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi portant modification de la loi du 21 décembre 2013 relative à diverses dispositions concernant le financement des petites et moyennes entreprises fermer sont donc en effet liés aux dispositions attaquées.

B.2. L'exposé des motifs indique que les dispositions attaquées donnent au juge pénal, « conformément à l'accord de gouvernement, la possibilité de fixer en cas de plusieurs condamnations une période de sûreté, c'est-à-dire une date d'admissibilité pour la procédure de libération conditionnelle postérieure à celle prévue par la loi du 17 mai 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/05/2006 pub. 15/06/2006 numac 2006009456 source service public federal justice Loi relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine (2) fermer » (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-2731/001, p. 5). La date prévue par les articles 25, § 2, et 26, § 2, de cette loi est fixée à un tiers de la peine, sauf en cas de récidive. Il est encore précisé que la limite des deux tiers de la peine fixée par les dispositions attaquées constitue un maximum, de sorte que « le juge du fond peut aussi, de manière facultative, fixer une fraction plus petite, par exemple un demi ou trois cinquième » (ibid., p. 6).

Quant au premier moyen B.3. Les parties requérantes prennent un premier moyen de la violation, par les articles 2 et 3 de la loi du 21 décembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/12/2017 pub. 11/01/2018 numac 2017032186 source service public federal justice Loi modifiant diverses dispositions en vue d'instaurer une période de sécurité et modifiant la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive en ce qui concerne l'arrestation immédiate type loi prom. 21/12/2017 pub. 11/02/2020 numac 2020020167 source service public federal interieur Loi modifiant diverses dispositions en vue d'instaurer une période de sûreté et modifiant la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive en ce qui concerne l'arrestation immédiate. - Traduction allemande type loi prom. 21/12/2017 pub. 29/12/2017 numac 2017014397 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi portant modification de la loi du 21 décembre 2013 relative à diverses dispositions concernant le financement des petites et moyennes entreprises fermer, des articles 13 et 14 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 157, alinéa 4, de la Constitution. Elles estiment que les dispositions constitutionnelles précitées sont violées en ce que les dispositions attaquées attribuent dans certains cas au juge pénal la compétence de prononcer une période de sûreté, qui a une incidence directe sur la date d'admissibilité à la libération conditionnelle ou à la mise en liberté provisoire en vue de l'éloignement du territoire ou en vue de la remise à un autre Etat. Pour les parties requérantes, il reviendrait au tribunal de l'application des peines, et à lui seul, en vertu des dispositions constitutionnelles précitées, de décider l'octroi ou le refus de ces mesures puisqu'elles doivent être liées aux possibilités de réinsertion de la personne condamnée et à l'attitude de celle-ci durant l'exécution de la peine.

B.4.1. L'article 13 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être distrait, contre son gré, du juge que la loi lui assigne ».

Cette disposition garantit le droit d'accès au juge compétent.

L'article 14 de la Constitution dispose : « Nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu'en vertu de la loi ».

Cette disposition implique que chacun puisse évaluer préalablement, au moment où il adopte un comportement, de manière satisfaisante la conséquence pénale de ce comportement.

B.4.2. L'exposé du premier moyen ne fait pas apparaître en quoi l'article 14 de la Constitution serait violé par les dispositions attaquées. En ce qu'il est pris de la violation de cette disposition constitutionnelle, le premier moyen est irrecevable.

B.5.1. L'article 157, alinéa 4, de la Constitution, dispose : « Il y a des tribunaux de l'application des peines dans les lieux déterminés par la loi. Elle règle leur organisation, leurs attributions, le mode de nomination de leurs membres et la durée des fonctions de ces derniers ».

B.5.2. La note explicative relative à la révision de l'article 157 de la Constitution du 17 décembre 2002 précise que les tribunaux de l'application des peines doivent à l'avenir « décider de tous les aspects et modalités de l'application des peines, y compris la libération conditionnelle » (Doc. parl., Sénat, 2000-2001, n° 2-697/1, p. 3).Il ressort également de cette note que le Constituant a voulu que ces tribunaux comportent en leur sein, « à côté du magistrat-président, deux experts ayant [...] une connaissance de terrain suffisante quant aux possibilités et aux limites du système pénitentiaire en ce qui concerne la situation sociale, les possibilités de traitement ... » (ibid.), la pluridisciplinarité constituant « un enrichissement énorme et une garantie supplémentaire pour la protection de la société, la réinsertion et la réintégration optimale du condamné » (ibid., p. 4).

B.5.3. En vertu des articles 50 à 58 de la loi du 17 mai 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/05/2006 pub. 15/06/2006 numac 2006009456 source service public federal justice Loi relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine (2) fermer, il revient au tribunal de l'application des peines d'accorder ou de refuser les mesures de libération conditionnelle et de mise en liberté provisoire en vue de l'éloignement du territoire ou de la remise à un autre Etat.

B.6. Dans son avis rendu sur l'avant-projet qui a donné lieu à la loi attaquée, la section de législation du Conseil d'Etat a observé à ce sujet : « Une durée minimale fixée par la loi, en fonction de la gravité de l'infraction, doit être considérée comme un élément de la gravité de la peine. Bien que pareille durée minimale soit déterminante pour le moment à partir duquel le tribunal de l'application des peines peut prendre sa décision concernant la libération conditionnelle, elle ne concerne elle-même aucune décision relative à l'exécution de la peine. [...] 6. La ' période de sûreté ', en tant que durée minimale de la privation effective de liberté, peut être considérée comme un élément de la gravité de la peine.En effet, le juge peut l'imposer en vue d'une sanction adéquate, répondant à la gravité de l'infraction, de l'attitude et de la personnalité de l'auteur au moment des faits et du danger que celui-ci est réputé représenter pour la société. La protection de la société également est toujours prise en considération comme l'un des objectifs de la peine » (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-2731/001, p. 31).

La section de législation du Conseil d'Etat a précisé ensuite que, dans l'hypothèse où le juge pénal serait habilité à statuer également sur la réinsertion du condamné après que celui-ci a subi un certain nombre d'années de sa peine, le législateur lui attribuerait une mission qui incombe à l'équipe pluridisciplinaire du tribunal de l'application des peines en vertu de l'article 157, alinéa 4, de la Constitution (ibid.).

B.7.1. S'il est exact que la période de sûreté ne constitue pas une nouvelle peine, elle est néanmoins prononcée par le juge pénal au moment de la fixation de la peine, eu égard à la gravité des faits et à la personnalité de leur auteur. En ce qu'elle allonge la durée de la peine privative de liberté qui doit être subie avant que la personne condamnée puisse solliciter une mesure de libération conditionnelle ou de remise en liberté en vue de l'éloignement du territoire ou de la remise à un autre Etat, elle a pour effet d'aggraver la peine infligée. Par ailleurs, en la prononçant, le juge pénal ne saurait tenir compte des possibilités de réinsertion de l'intéressé ou de son comportement au cours de l'exécution de la peine puisqu'elle intervient avant le début de celle-ci. La période de sûreté constitue dès lors une mesure qui est à la disposition du juge pénal pour lui permettre de sanctionner adéquatement l'auteur de l'infraction commise. En la prononçant, le juge ne porte aucune appréciation sur les possibilités de réinsertion du condamné ou sur le danger qu'il représentera pour la société à l'avenir.

Au surplus, les dispositions attaquées ont été insérées par le législateur dans les articles 195 et 344 du Code d'instruction criminelle, qui concernent la fixation de la peine et la motivation de celle-ci, respectivement par le tribunal correctionnel et par la cour d'assises, ce qui permet de penser qu'il a considéré qu'il s'agissait d'un élément de la peine.

B.7.2. Il découle de ce qui précède que la période de sûreté, fixée par le juge qui prononce la peine, fait partie intégrante de celle-ci et que, même si elle a une incidence directe sur l'exécution de la peine, elle ne constitue pas une mesure relevant de son application.

En permettant au juge pénal de la prononcer, le législateur ne porte pas atteinte aux compétences que le Constituant a voulu confier aux tribunaux de l'application des peines. Les articles 13 et 157, alinéa 4, de la Constitution ne sont donc pas violés.

B.8. Le premier moyen n'est pas fondé.

Quant au deuxième moyen B.9. Les parties requérantes prennent un deuxième moyen de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution par les articles 2 et 3 de la loi du 21 décembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/12/2017 pub. 11/01/2018 numac 2017032186 source service public federal justice Loi modifiant diverses dispositions en vue d'instaurer une période de sécurité et modifiant la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive en ce qui concerne l'arrestation immédiate type loi prom. 21/12/2017 pub. 11/02/2020 numac 2020020167 source service public federal interieur Loi modifiant diverses dispositions en vue d'instaurer une période de sûreté et modifiant la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive en ce qui concerne l'arrestation immédiate. - Traduction allemande type loi prom. 21/12/2017 pub. 29/12/2017 numac 2017014397 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi portant modification de la loi du 21 décembre 2013 relative à diverses dispositions concernant le financement des petites et moyennes entreprises fermer. Elles estiment que le principe d'égalité et de non-discrimination est violé en ce que les dispositions attaquées instaureraient une différence de traitement discriminatoire entre, d'une part, les condamnés qui peuvent obtenir une libération conditionnelle ou une mise en liberté provisoire en vue de l'éloignement du territoire ou en vue de la remise à un autre Etat aux seuils visés par la loi du 17 mai 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/05/2006 pub. 15/06/2006 numac 2006009456 source service public federal justice Loi relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine (2) fermer et, d'autre part, les condamnés visés par les dispositions attaquées qui peuvent se voir imposer une période de sûreté reportant le moment d'une libération conditionnelle ou d'une libération provisoire au-delà de ces seuils.

B.10. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.11.1. En vertu de l'article 25, § 2, de la loi du 17 mai 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/05/2006 pub. 15/06/2006 numac 2006009456 source service public federal justice Loi relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine (2) fermer, la date d'admissibilité à la libération conditionnelle pour tout condamné à une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la partie à exécuter s'élève à plus de trois ans, est fixée à un tiers de ces peines.

En vertu de l'article 26, § 2, de la même loi, la date d'admissibilité à la mise en liberté provisoire en vue de l'éloignement du territoire ou de la remise à un autre Etat pour tout condamné à une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la partie à exécuter s'élève à plus de trois ans, est fixée à un tiers de ces peines.

En vertu des mêmes dispositions, la partie de la peine à exécuter avant l'octroi de la libération conditionnelle ou de la mise en liberté provisoire est portée, en cas de récidive, aux deux tiers de la peine, avec un maximum de 14 ans.

B.11.2. Les dispositions attaquées créent une différence de traitement entre les condamnés à qui elles s'appliquent et les autres condamnés en ce qu'elles permettent au juge pénal, au moment où il fixe la peine, d'allonger significativement, voire de doubler, la durée de la peine privative de liberté qui doit être subie avant qu'une libération conditionnelle ou une mise en liberté provisoire puisse être octroyée par le tribunal de l'application des peines.

B.12. L'exposé des motifs relatif aux dispositions attaquées permet de comprendre que l'intention du législateur était d'augmenter la sévérité des sanctions encourues par les auteurs de certaines infractions « d'une extrême gravité » (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-2731/001, p. 4) en donnant au juge pénal la possibilité d'aggraver les peines pour ces infractions en prononçant une période de sûreté. Il entendait ainsi répondre au « climat actuel » et à « l'opinion publique » qui « veulent moins de clémence vis-à-vis des personnes condamnées » (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-2731/003, p. 12).

Par ailleurs, les discussions en commission de la Justice font apparaître que le législateur cherchait également à permettre au juge de prononcer une peine plus courte tout en s'assurant qu'une partie importante de celle-ci serait effectivement subie. C'est ainsi qu'une députée a fait valoir que « l'instauration d'une période de sûreté serait préférable à l'allongement de la peine » car « la réglementation actuelle alimente en effet un cercle vicieux : le juge prononce des peines plus lourdes afin de s'assurer qu'une partie de la peine sera réellement exécutée » (ibid., p. 11). Dans le même sens, le ministre de la Justice a évoqué le fait que la loi en projet pourrait entraîner « la prononciation de peines moins importantes » (ibid., p. 12).

B.13.1. La différence de traitement précitée repose sur deux critères.

Le premier critère combine la durée de la partie de la peine privative de liberté à exécuter et la qualification juridique de l'infraction commise. Le second critère est déduit de la durée de la peine privative de liberté prononcée, quelle que soit la qualification juridique des faits. Ces critères sont objectifs. La Cour doit examiner s'ils sont pertinents par rapport à l'objectif poursuivi par le législateur.

B.13.2. Dans le premier cas, les personnes visées par les dispositions attaquées sont celles qui sont condamnées à une peine privative de liberté dont la partie à exécuter est comprise entre 3 et 30 ans pour une infraction contre la sûreté de l'Etat (livre II, titre 1er, articles 101 à 136, du Code pénal), une violation grave du droit international humanitaire (livre II, titre 1erbis, articles 136bis à 136octies, du Code pénal), une infraction terroriste (livre II, titre 1erter, articles 137 à 141ter, du Code pénal), un viol ou un attentat à la pudeur ayant causé la mort sans intention de la donner (article 376, alinéa 1er, du Code pénal), l'assassinat d'un policier en raison de cette qualité (article 394 du Code pénal), la torture ayant entraîné la mort sans intention de la donner (article 417ter, alinéa 3, 2°, du Code pénal), l'enlèvement ou la détention d'un mineur ou d'une personne vulnérable ayant entraîné la mort sans intention de la donner (article 428, § 5, du Code pénal).

Dans le second cas, les personnes visées par les dispositions attaquées sont celles qui sont condamnées à une peine privative de liberté de plus de trente ans ou à perpétuité.

B.14. En réponse aux observations de la section de législation du Conseil d'Etat relatives aux infractions retenues dans l'avant-projet de loi qui lui avait été soumis, le législateur a étendu la liste des infractions concernées et a souligné par ailleurs que la possibilité pour le juge du fond d'instaurer une période de sûreté en cas de condamnation à une peine privative de liberté supérieure à trente ans ou à perpétuité, quelle que soit la nature des faits, « offre en partie une réponse face à la discrimination constatée par le Conseil d'Etat » (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-2731/001, p. 7).

En ce qui concerne plus particulièrement les infractions commises à l'encontre de policiers et de mineurs, l'exposé des motifs indique : « Durant leurs interventions, les officiers de police peuvent entrer physiquement en contact avec des suspects et étant donné leur âge, les mineurs doivent recevoir une protection particulière » (ibid., p. 8).

B.15. La politique répressive, qui englobe l'appréciation de la gravité d'un manquement et la sévérité avec laquelle il peut être puni, y compris les possibilités d'individualisation de la peine et les effets et actions qui y sont attachés, relève du pouvoir d'appréciation du législateur. Il peut aussi se montrer sévère dans des matières où les infractions peuvent porter gravement atteinte aux droits fondamentaux des individus et aux intérêts de la collectivité.

B.16.1. Le critère de la durée de la peine privative de liberté prononcée, fixée à trente ans ou plus ou à la perpétuité, est pertinent pour atteindre l'objectif consistant à permettre au juge pénal d'aggraver la sévérité de la peine à l'égard des personnes coupables d'avoir commis des infractions parmi les plus graves.

B.16.2. En retenant, dans le cas des condamnations à des peines privatives de liberté dont la partie à exécuter se situe entre 3 et 30 ans, la qualification juridique des faits commis, le législateur a établi la différence de traitement attaquée sur des critères qui sont également pertinents par rapport aux objectifs rappelés en B.12. Sans qu'il soit nécessaire, dans le cadre de l'examen du moyen, de comparer les infractions citées par les dispositions attaquées avec toutes les autres infractions visées par le Code pénal et par les lois particulières, il peut être admis que les infractions qui peuvent donner lieu au prononcé par le juge pénal d'une période de sûreté figurent parmi les plus graves. A cet égard, il y a lieu de relever que si la sévérité de la peine fixée par la loi est assurément un indicateur prééminent de la gravité de l'infraction concernée, le législateur a pu prendre en considération d'autres éléments pour établir la liste des infractions susceptibles de donner lieu à la prononciation par le juge pénal d'une période de sûreté.

Compte tenu du pouvoir d'appréciation important dont il dispose dans l'appréciation de la gravité des infractions et dans la détermination des sanctions à infliger à leurs auteurs, le législateur pouvait, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, permettre au juge pénal de prononcer une période de sûreté lorsqu'il condamne l'auteur d'une infraction citée par les dispositions attaquées à une peine privative de liberté dont la période à exécuter se situe entre 3 et 30 ans.

B.17.1. Contrairement à ce qu'affirment les parties requérantes, il ne se déduit pas de la circonstance que la libération conditionnelle n'est pas octroyée automatiquement dès que le tiers de la peine privative de liberté a été subi que les dispositions attaquées ne seraient pas nécessaires pour atteindre le but poursuivi par le législateur et qu'elles ne seraient, partant, pas proportionnées à celui-ci. Comme il est dit en B.7.2, la période de sûreté est un élément aggravant la peine et qui fait partie intégrante de celle-ci.

Elle se distingue des mesures qui peuvent être prises par le tribunal de l'application des peines en ce qu'elle remplit une fonction d'individualisation de la peine, décidée par le juge pénal compte tenu de la gravité des faits et de l'attitude et de la personnalité de leur auteur et qu'elle n'a pas pour objet de participer à la réinsertion du condamné. Le pouvoir d'appréciation qui revient au tribunal de l'application des peines lorsqu'il refuse une mesure de libération conditionnelle ne saurait dès lors concourir à la réalisation des divers objectifs, remplis par les sanctions pénales, que le législateur entend poursuivre par l'adoption des dispositions attaquées.

B.17.2. Enfin, dès lors que les mesures attaquées ne concernent qu'un nombre limité d'infractions parmi les plus graves, que le juge pénal n'est pas obligé d'imposer une période de sûreté et qu'il peut, s'il décide de le faire, en déterminer la durée sans excéder, selon le cas, les deux tiers de la peine ou 25 ans, de sorte qu'aucun prévenu ne peut se voir condamner à une peine incompressible, les dispositions attaquées n'ont pas d'effets disproportionnés.

B.18. Le deuxième moyen n'est pas fondé.

Quant au troisième moyen B.19. Les parties requérantes prennent un troisième moyen de la violation, par les articles 2 et 3 de la loi du 21 décembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/12/2017 pub. 11/01/2018 numac 2017032186 source service public federal justice Loi modifiant diverses dispositions en vue d'instaurer une période de sécurité et modifiant la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive en ce qui concerne l'arrestation immédiate type loi prom. 21/12/2017 pub. 11/02/2020 numac 2020020167 source service public federal interieur Loi modifiant diverses dispositions en vue d'instaurer une période de sûreté et modifiant la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive en ce qui concerne l'arrestation immédiate. - Traduction allemande type loi prom. 21/12/2017 pub. 29/12/2017 numac 2017014397 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi portant modification de la loi du 21 décembre 2013 relative à diverses dispositions concernant le financement des petites et moyennes entreprises fermer, des articles 10, 11 et 14 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 5, paragraphe 1, et 7, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, avec l'article 15, paragraphe 1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et avec le principe général de la non-rétroactivité de la loi pénale. Elles font grief au législateur de ne pas avoir assorti les dispositions attaquées d'une disposition transitoire garantissant la non-rétroactivité de la période de sûreté, ce qui porterait atteinte au principe de la non-rétroactivité de la loi pénale (première branche) et constituerait une discrimination contraire au principe d'égalité et de non-discrimination (seconde branche).

B.20.1. L'article 5, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : a) s'il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent; [...] ».

L'article 7, paragraphe 1, de la même Convention dispose : « Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international. De même il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise ».

L'article 15, paragraphe 1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose : « Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui ne constituaient pas un acte délictueux d'après le droit national ou international au moment où elles ont été commises. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise. Si, postérieurement à cette infraction, la loi prévoit l'application d'une peine plus légère, le délinquant doit en bénéficier ».

B.20.2. Il résulte notamment des dispositions conventionnelles précitées que le prévenu ne saurait se voir infliger, du chef d'une infraction, une peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise.

B.21.1. La Cour européenne des droits de l'homme établit une distinction entre une mesure constituant en substance une « peine » et une mesure relative à « l'exécution » ou à « l'application » de la peine. Il résulte de cette jurisprudence que « lorsque la nature et le but d'une mesure concernent la remise d'une peine ou un changement dans le système de libération conditionnelle, cette mesure ne fait pas partie intégrante de la ' peine ' au sens de l'article 7 » (CEDH, grande chambre, 21 octobre 2013, Del Rio Prada c. Espagne, § 83). La Cour reconnaît toutefois que « la distinction entre une mesure constituant une ' peine ' et une mesure relative à ' l'exécution ' d'une peine n'était pas toujours nette en pratique » (ibid., § 85).

Dans l'affaire M. c. Allemagne du 17 décembre 2009, la Cour a considéré que la prolongation de la détention de sûreté du requérant par les tribunaux de l'exécution des peines, en vertu d'une loi entrée en vigueur après que le requérant avait commis l'infraction, devait s'analyser en une peine supplémentaire prononcée contre lui rétroactivement. Dans l'affaire Vinter e.a. c. Royaume-Uni du 17 janvier 2012, elle a observé « qu'il ne paraît faire aucun doute que la fixation d'une période minimale d'emprisonnement pour une réclusion à perpétuité relève de l'infliction de la peine et bénéficie donc de la protection de l'article 7 » ( § 109). La Cour « n'exclut donc pas que des mesures prises par le législateur, des autorités administratives ou des juridictions après le prononcé d'une peine définitive ou pendant l'exécution de celle-ci puissent conduire à une redéfinition ou à une modification de la portée de la ' peine ' infligée par le juge qui l'a prononcée » (CEDH, grande chambre, 21 octobre 2013, Del Rio Prada c. Espagne, § 89). En pareil cas, les mesures en question doivent tomber sous le coup de l'interdiction de la rétroactivité des peines consacrée par l'article 7, paragraphe 1, de la Convention car, « s'il en allait différemment, les Etats seraient libres d'adopter - par exemple en modifiant la loi ou en réinterprétant des règles établies - des mesures qui redéfiniraient rétroactivement et au détriment du condamné la portée de la peine infligée, alors même que celui-ci ne pouvait le prévoir au moment de la commission de l'infraction ou du prononcé de la peine » (ibid.).

B.21.2. La Cour de cassation a pour sa part jugé, à propos de la mesure du sursis : « Fixé par le juge, le sursis est une modalité d'exécution de la peine qui fait partie intégrante de celle-ci. La possibilité ou l'impossibilité légale d'en obtenir le bénéfice doit être prévisible au moment de l'infraction » (Cass., 13 mai 2015, P.15.0217.F).

B.22. La question de l'application immédiate des dispositions attaquées, en d'autres termes de la possibilité pour le juge pénal d'assortir d'une période de sûreté des condamnations prononcées dès l'entrée en vigueur des dispositions attaquées pour des faits commis avant leur entrée en vigueur, a été débattue en commission de la Justice de la Chambre.

Lors de ces discussions, certains députés ont exprimé le point de vue selon lequel la période de sûreté s'inscrivant dans le cadre de la fixation de la peine, elle « s'applique dès lors seulement aux nouvelles infractions commises après l'entrée en vigueur de la loi en projet » et elle « ne peut pas être appliquée avec effet rétroactif » (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-2731/003, pp. 16 et 17). Le ministre de la Justice a pour sa part estimé qu'il s'agissait d'une « loi de procédure d'application immédiate » (ibid., p. 16) et a affirmé : « La loi pénale peut être appliquée rétroactivement en cas d'instauration d'une période de sûreté » (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-2731/005, p. 7) et « la loi sera appliquée aux futures condamnations » (ibid., p. 9). Le ministre a encore exprimé l'avis que, « pour interdire la rétroactivité, il faudrait une disposition de loi spécifique l'interdisant » et que « sur base des principes généraux, il y a rétroactivité » (ibid., p. 13).

B.23.1. La période de sûreté n'est pas une nouvelle peine. Néanmoins, comme il est dit en B.7.2, la période de sûreté, fixée par le juge qui prononce la peine, fait partie intégrante de celle-ci. Même si elle a une incidence directe sur l'exécution de la peine, elle ne constitue pas une mesure relevant de son application. Il ressort de la jurisprudence citée en B.21 que le principe de la non-rétroactivité de la loi pénale est applicable aux dispositions de cette nature qui aggravent la situation du condamné en alourdissant la peine infligée.

B.23.2. En principe, les nouvelles dispositions pénales plus sévères ne doivent pas nécessairement être accompagnées d'une disposition transitoire excluant explicitement leur application aux faits commis avant leur entrée en vigueur, puisque les juridictions doivent, en vertu de l'article 2 du Code pénal, appliquer le principe de la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère.

B.23.3. En l'espèce, les déclarations précitées du ministre en commission de la Justice de la Chambre ne peuvent se confondre avec le texte clair de la loi qui ne règle aucune application des dispositions attaquées à des personnes condamnées, après son entrée en vigueur, pour des faits commis avant son entrée en vigueur, si bien que les principes rappelés en B.23.2 sont pleinement applicables.

Au demeurant, une application des dispositions attaquées à des faits antérieurs à leur entrée en vigueur devrait, le cas échéant, être dénoncée à la Cour de cassation selon la procédure établie à l'article 441 du Code d'instruction criminelle.

Sous réserve de cette interprétation, le troisième moyen, en sa première branche, n'est pas fondé.

B.24. La seconde branche du troisième moyen critique la distinction fondée sur l'interprétation des dispositions attaquées selon laquelle celles-ci ont un effet rétroactif. L'examen de la première branche permet de conclure que cette interprétation est erronée. Il s'ensuit qu'en ce qu'il repose sur une prémisse erronée, le troisième moyen, en sa seconde branche, n'est pas davantage fondé.

Par ces motifs, la Cour, sous réserve de l'interprétation mentionnée en B.23.3, rejette le recours.

Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 19 novembre 2020.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, F. Daoût

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