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Arrêt
publié le 12 mars 2019

Extrait de l'arrêt n° 134/2018 du 11 octobre 2018 Numéro du rôle : 6718 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 187 du Code d'instruction criminelle et l'article 40 de la loi relative à la police de la circulation routièr La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges L. Lavrysen(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 134/2018 du 11 octobre 2018 Numéro du rôle : 6718 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 187 du Code d'instruction criminelle et l'article 40 de la loi relative à la police de la circulation routière, coordonnée par l'arrêté royal du 16 mars 1968, posées par le Tribunal correctionnel de Louvain.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par jugement du 29 juin 2017 en cause du ministère public contre J. V.O., dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 24 août 2017, le Tribunal correctionnel de Louvain a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1. L'article 187 du Code d'instruction criminelle, qui règle les effets de la signification d'un jugement de condamnation rendu par défaut, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que, par analogie avec l'article 145 du Code d'instruction criminelle, il ne prévoit pas l'obligation de faire aussi au domicile ou à la résidence de l'administrateur la signification d'un jugement par défaut faite à une personne placée sous administration ? 2. L'article 40 de la loi du 16 mars 1968Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/03/1968 pub. 21/10/1998 numac 1998000446 source ministere de l'interieur Loi relative à la police de la circulation routière, coordonnée par l'arrêté royal du 16 mars 1968 portant coordination des lois relatives à la police de la circulation routière . - Traduction allemande Le texte q(...) - la loi du 10 octobre 1967 contenant le Code judiciaire (Moniteur belge du 31 octobre 1967); - (...) fermer relative à la police de la circulation routière viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 6, paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que, d'une part, il ne prévoit pas l'obligation de notifier aussi à l'administrateur la déchéance du droit de conduire notifiée à une personne placée sous administration et en ce que, d'autre part, il ne prévoit pas davantage que lorsque la déchéance du droit de conduire est prononcée par défaut, la personne condamnée par défaut doit être informée, lors de la notification de la déchéance, de la possibilité de faire opposition ? ». (...) III. En droit (...) Quant à la première question préjudicielle et à la première branche de la seconde question préjudicielle B.1. Par la première question préjudicielle, le juge a quo souhaite savoir si l'article 187 du Code d'instruction criminelle est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'il ne prévoit pas dans le cas d'une personne placée sous administration, l'obligation de signifier un jugement par défaut, également à son administrateur, alors qu'en vertu de l'article 145 du Code d'instruction criminelle, la citation devant le tribunal de police doit être faite à la fois à la personne placée sous administration et à son administrateur.

Par la première branche de la seconde question préjudicielle, le juge a quo souhaite savoir si l'article 40 de la loi relative à la police de la circulation routière, coordonnée par l'arrêté royal du 16 mars 1968 (ci-après : la loi relative à la police de la circulation routière), est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'il ne prévoit pas, dans le cas d'une personne placée sous administration, l'obligation de notifier une déchéance du droit de conduire, également à son administrateur.

B.2.1. L'article 187 du Code d'instruction criminelle a été remplacé par l'article 83 de la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice et est applicable au défaut que fait une partie après le 29 février 2016. Etant donné que, dans l'affaire soumise au juge a quo, la personne condamnée a fait défaut le 7 octobre 2015, la disposition ainsi modifiée ne lui est pas applicable.

Avant son remplacement par l'article 83 de la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer, l'article 187 du Code d'instruction criminelle disposait : « Le condamné par défaut pourra faire opposition au jugement dans les [quinze] jours, qui suivent celui de sa signification.

Lorsque la signification du jugement n'a pas été faite à sa personne, le prévenu pourra faire opposition, quant aux condamnations pénales, dans les quinze jours qui suivent celui où il aura connu la signification. S'il en a eu connaissance par la signification d'un mandat d'arrêt européen ou d'une demande d'extradition ou que le délai en cours de quinze jours n'a pas encore expiré au moment de son arrestation à l'étranger, il pourra faire opposition dans les quinze jours qui suivent celui de sa remise ou de sa remise en liberté à l'étranger. S'il n'est pas établi qu'il a eu connaissance de la signification, le prévenu pourra faire opposition jusqu'à l'expiration des délais de prescription de la peine. Il pourra faire opposition, quant aux condamnations civiles, jusqu'à l'exécution du jugement.

La partie civile et la partie civilement responsable ne pourront faire opposition que dans les conditions énoncées à l'alinéa 1.

L'opposition sera signifiée au ministère public, à la partie poursuivante ou aux autres parties en cause.

Si l'opposition n'a pas été signifiée dans les quinze jours qui suivent la signification du jugement, il pourra être procédé à l'exécution des condamnations et, en cas d'appel des parties poursuivantes ou de l'une d'elles, il pourra être procédé au jugement sur l'appel.

La condamnation sera comme non avenue par suite de l'opposition; néanmoins, les frais et dépens causés par l'opposition, y compris le coût de l'expédition et de la signification du jugement, seront laissés à charge de l'opposant, si le défaut lui est imputable ».

B.2.2. L'article 40 de la loi relative à la police de la circulation routière dispose : « Toute déchéance prononcée à titre de peine prend cours le cinquième jour suivant la date de l'avertissement donné au condamné par le ministère public. Les samedis, dimanches et jours fériés légaux ne sont pas compris dans le délai.

Sans préjudice de l'article 49/1, dans le cas où le condamné omet de faire parvenir à temps son permis de conduire ou le titre qui en tient lieu au greffe, la période de déchéance en cours est prolongée de plein droit du délai qui s'est écoulé à partir du cinquième jour suivant l'avertissement visé à l'alinéa 1er et jusqu'à la date effective de remise du permis de conduire ou du titre qui en tient lieu. Les samedis, dimanches et jours fériés légaux ne sont pas compris dans le délai. Si la déchéance est limitée en vertu de l'article 38, § 2bis, la déchéance de plein droit ne peut être prolongée que si la remise du permis de conduire ou du titre qui en tient lieu intervient après la prise en cours effective de la déchéance, et ce, pour un délai égal au nombre de jours de déchéance déjà subis.

Si plusieurs déclarations de déchéance à titre de peine sont prononcées à charge du condamné, le ministère public peut leur faire prendre cours successivement après l'avertissement ».

B.3.1. La loi du 17 mars 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/03/2013 pub. 14/06/2013 numac 2013009163 source service public federal justice Loi réformant les régimes d'incapacité et instaurant un nouveau statut de protection conforme à la dignité humaine type loi prom. 17/03/2013 pub. 19/03/2013 numac 2013009127 source service public federal justice Loi modifiant l'article 344 du Code d'instruction criminelle fermer réformant les régimes d'incapacité et instaurant un nouveau statut de protection conforme à la dignité humaine (ci-après : la loi du 17 mars 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/03/2013 pub. 14/06/2013 numac 2013009163 source service public federal justice Loi réformant les régimes d'incapacité et instaurant un nouveau statut de protection conforme à la dignité humaine type loi prom. 17/03/2013 pub. 19/03/2013 numac 2013009127 source service public federal justice Loi modifiant l'article 344 du Code d'instruction criminelle fermer) a remplacé les statuts de protection judiciaire de personnes majeures existants par un seul statut de protection judiciaire : l'administration (articles 494 à 512 du Code civil). Un régime transitoire a été prévu pour les statuts abrogés (articles 227 à 230 de la loi du 17 mars 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/03/2013 pub. 14/06/2013 numac 2013009163 source service public federal justice Loi réformant les régimes d'incapacité et instaurant un nouveau statut de protection conforme à la dignité humaine type loi prom. 17/03/2013 pub. 19/03/2013 numac 2013009127 source service public federal justice Loi modifiant l'article 344 du Code d'instruction criminelle fermer).

B.3.2. Le législateur a choisi de faire de l'administration provisoire la base du nouveau statut de protection (Doc. parl., Chambre, 2010-2011, DOC 53-1009/001, pp. 11-12), qui n'est plus limité à la gestion de biens, mais élargi à la protection de la personne (ibid., pp. 4-5). Le juge de paix peut donc ordonner une mesure de protection judiciaire des biens ainsi que de la personne du majeur « qui, en raison de son état de santé, est totalement ou partiellement hors d'état d'assumer lui-même, comme il se doit, sans assistance ou autre mesure de protection, fût-ce temporairement, la gestion de ses intérêts patrimoniaux ou non patrimoniaux, [...] si et dans la mesure où la protection de ses intérêts le nécessite » (articles 488/1, alinéa 1er, 492 et 492/1 du Code civil). Pour les personnes majeures qui se trouvent dans un état de prodigalité, le juge de paix peut seulement ordonner une mesure de protection judiciaire des biens (article 488/2 du Code civil). Toute décision ordonnant une mesure de protection, y mettant fin ou la modifiant est insérée par extrait au Moniteur belge et est consignée dans le registre de la population (articles 1249 et 1249/1 du Code judiciaire).

B.4.1. En ce qui concerne les significations et notifications à des personnes qui étaient placées sous administration provisoire, l'ancien article 488bis, k), du Code civil disposait : « Les significations et notifications à faire aux personnes pourvues d'un administrateur provisoire sont faites à ce dernier à son domicile ou à sa résidence ».

Cette disposition reste applicable aux mesures de protection d'administration provisoire déjà prises, jusqu'au moment où, en application des articles 227 à 229, ces mesures seront soumises aux dispositions visées au livre Ier, titre XI, chapitre II/1 (« De l'administration ») du Code civil ou s'éteindront (article 230 de la loi du 17 mars 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/03/2013 pub. 14/06/2013 numac 2013009163 source service public federal justice Loi réformant les régimes d'incapacité et instaurant un nouveau statut de protection conforme à la dignité humaine type loi prom. 17/03/2013 pub. 19/03/2013 numac 2013009127 source service public federal justice Loi modifiant l'article 344 du Code d'instruction criminelle fermer).

B.4.2. Dans le nouveau statut de protection de l'administration, les règles relatives aux significations et aux notifications sont contenues dans l'article 499/12 du Code civil, qui dispose : « Les significations et notifications à faire aux personnes pourvues d'un administrateur sont faites à ces personnes mêmes et au domicile ou à la résidence de l'administrateur, pour autant que la signification ou la notification ait un rapport avec la mission de l'administrateur ».

Il en résulte que les significations et notifications qui ont un rapport avec la mission de l'administrateur doivent être faites à la personne protégée même, ainsi qu'au domicile et à la résidence de l'administrateur.

B.4.3. En outre, les articles 145 et 182 du Code d'instruction criminelle, tels qu'ils ont été modifiés par les articles 148 et 149 de la loi du 17 mars 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/03/2013 pub. 14/06/2013 numac 2013009163 source service public federal justice Loi réformant les régimes d'incapacité et instaurant un nouveau statut de protection conforme à la dignité humaine type loi prom. 17/03/2013 pub. 19/03/2013 numac 2013009127 source service public federal justice Loi modifiant l'article 344 du Code d'instruction criminelle fermer, prévoient que, lorsqu'une personne protégée est citée à comparaître devant le tribunal de police ou devant le tribunal correctionnel, la signification doit se faire à la personne protégée elle-même, ainsi qu'au domicile ou à la résidence de son administrateur.

L'article 145, alinéas 1er et 3, du Code d'instruction criminelle dispose : « Les citations pour contravention ou délit relevant de la compétence du tribunal de police seront faites à la requête du ministère public ou de la partie civile. [...] La signification à faire aux personnes pourvues d'un administrateur est faite à cette personne et au domicile ou à la résidence de l'administrateur ».

L'article 182, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle dispose : « Le tribunal sera saisi, en matière correctionnelle, de la connaissance des délits de sa compétence, soit par le renvoi qui lui en sera fait d'après les articles 130 et 160 ci-dessus, soit par la citation donnée directement à l'inculpé et aux personnes civilement responsables du délit par la partie civile, et, dans tous les cas, par le procureur du Roi, soit par la convocation de l'inculpé par procès-verbal, conformément à l'article 216quater, soit par la convocation aux fins de comparution immédiate, conformément à l'article 216quinquies. La citation à faire aux personnes pourvues d'un administrateur est également faite au domicile ou à la résidence de celui-ci. Les parties peuvent également comparaître volontairement et sur un simple avertissement sans qu'il soit besoin de citation ».

B.4.4. Il ressort des travaux préparatoires que la double signification systématique de la citation à comparaître devant le tribunal de police ou devant le tribunal correctionnel était jugée souhaitable, afin que l'administrateur puisse être informé à temps d'une affaire pénale concernant la personne protégée, eu égard aux lourdes conséquences qu'une condamnation peut avoir pour le patrimoine de cette dernière (Doc. parl., Chambre, 2011-2012, DOC 53-1009/005, pp. 125-126; Doc. parl., Chambre, 2011-2012, DOC 53-1009/010, pp. 85-86).

Il a également été souligné que les règles relatives à la signification et à la notification dans le cadre spécifique de l'administration, telles qu'elles sont contenues dans le Code civil, ne s'appliquent qu'en matière civile, et non en matière pénale (Doc. parl., Chambre, 2011-2012, DOC 53-1009/010, p. 86). C'est également l'interprétation sur laquelle se base le juge a quo.

B.5. Le juge a quo demande à la Cour si le droit à un procès équitable est violé en ce qu'aucune obligation analogue de double signification ou notification tant à la personne protégée qu'à son administrateur n'est prévue, que ce soit lors de la signification d'un jugement rendu par défaut ou lors de la notification d'une déchéance du droit de conduire à une personne pourvue d'un administrateur.

B.6. Afin de garantir le droit à un procès équitable et les droits de la défense d'une personne protégée placée sous administration, conformément à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, il y a lieu de tenir compte du fait qu'en raison de son état de santé, cette personne est totalement ou partiellement hors d'état de gérer correctement elle-même, sans mesure de protection judiciaire, ses intérêts patrimoniaux ou non patrimoniaux, ou du fait que cette personne se trouve dans un état de prodigalité (voir, en ce sens : CEDH, 30 janvier 2011, Vaudelle c. France, §§ 50-53). Des garanties spéciales de procédure peuvent dès lors s'imposer pour garantir les intérêts de personnes protégées, a fortiori lorsque le droit à la liberté est en cause (ibid., § § 60-61). De plus, une condamnation peut avoir des répercussions financières importantes sur le patrimoine de la personne protégée (ibid., § 63). Le législateur doit donc à tout le moins prévoir des garanties procédurales supplémentaires, qui permettent à la personne protégée d'être informée d'une manière détaillée de la nature et de la cause de l'accusation portée contre elle (ibid., § 65).

B.7.1. La citation de la personne protégée à comparaître devant le tribunal de police ou devant le tribunal correctionnel doit être signifiée à la personne protégée et au domicile ou à la résidence de son administrateur, conformément aux articles 145 et 182 du Code d'instruction criminelle. Une décision prise valablement par défaut suppose que le défaillant a été régulièrement cité à comparaître (Cass., 11 septembre 1990, Pas., 1991, I, n° 15; Cass., 1er octobre 1997, Pas, 1997, I, n° 935).

B.7.2. L'administration n'inclut pas la représentation de la personne protégée comme défenderesse à l'action publique, l'article 185 du Code d'instruction criminelle réservant cette représentation à l'avocat (Cass., 11 mai 2005, Pas., 2005, n° 273; Cass., 13 décembre 2011, Pas., 2011, n° 682). Une condamnation pénale peut toutefois avoir des répercussions sur le patrimoine de la personne protégée.

B.7.3. La circonstance que la mission de l'administrateur n'inclut pas la représentation de la personne protégée comme défenderesse à l'action publique et le principe général de droit de la personnalité de la peine ne sauraient toutefois justifier la signification de la seule citation de la personne protégée à comparaître devant le tribunal de police ou devant le tribunal correctionnel, et non du jugement rendu par défaut contre cette personne. Cette dernière pourrait en effet être condamnée sans que son administrateur soit au courant et sans que ce dernier ait pu pallier les répercussions de la condamnation sur le patrimoine de la personne protégée, qui peuvent être considérables.

Les garanties procédurales qui assurent à la personne protégée le droit à un procès équitable font donc défaut.

B.7.4. Il ressort de ce qui précède que l'article 187 du Code d'instruction criminelle, tel qu'il était d'application avant sa modification par la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer, n'est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'il ne prévoit pas l'obligation de signifier aussi à l'administration un jugement rendu par défaut à l'encontre d'une personne protégée.

Etant donné que la lacune constatée réside dans le texte soumis à la Cour, il appartient au juge a quo, lorsqu'il statue sur la recevabilité de l'opposition, de mettre fin à l'inconstitutionnalité constatée par la Cour, ce constat étant exprimé en des termes suffisamment clairs et complets pour permettre d'appliquer la disposition en cause dans le respect des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. En effet, tant le délai extraordinaire que le délai ordinaire d'opposition ne courent point en l'absence d'une signification régulière (Cass., 9 mars 2016, P.15.1679.F).

B.8.1. Le juge a quo demande en outre si le droit à un procès équitable est violé en ce que la notification de la déchéance du droit de conduire à une personne placée sous administration ne doit pas être faite également à l'administrateur.

B.8.2. La notification d'une déchéance du droit de conduire relève de l'exécution des peines. Si le jugement rendu par défaut à l'encontre de la personne protégée est signifié à l'administrateur, ce dernier peut prendre connaissance de la condamnation à une déchéance du droit de conduire et les garanties procédurales sont suffisantes pour protéger les intérêts de la personne placée sous administration.

B.9. La première question préjudicielle appelle une réponse affirmative. La première branche de la seconde question préjudicielle appelle une réponse négative.

Quant à la seconde branche de la seconde question préjudicielle B.10.1. Dans la seconde branche de la seconde question préjudicielle, le juge a quo demande à la Cour si l'article 40 de la loi sur la circulation routière est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'il ne prévoit pas que la personne condamnée par défaut doit être informée, lors de la notification d'une déchéance du droit de conduire, de la possibilité de faire opposition.

B.10.2. L'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme comprend un droit d'accès au juge compétent. Ce droit est également consacré par l'article 13 de la Constitution et doit être garanti à chacun dans le respect des articles 10 et 11 de la Constitution.

B.11.1. Selon l'article 185 du Code d'instruction criminelle, le prévenu doit comparaître en personne ou par un avocat. Si un prévenu est condamné par défaut, celui-ci peut obtenir qu'une juridiction statue à nouveau en fait comme en droit après l'avoir entendu, sauf s'il a renoncé à son droit de comparaître et de se défendre ou s'il a l'intention de se soustraire à la justice (CEDH, 24 mai 2007, Da Luz Domingues Ferreira c. Belgique, § 54; 1er mars 2011, Faniel c.

Belgique, § 26).

B.11.2. En vertu de l'article 187, alinéas 1er et 3, du Code d'instruction criminelle, le condamné, la partie civilement responsable et la partie civile ont quinze jours pour faire opposition à un jugement pénal prononcé par défaut. Ce délai court à compter de la signification régulière de la décision rendue par défaut.

Toutefois, l'alinéa 2 du même article prévoit un délai supplémentaire au seul bénéfice du prévenu condamné auquel la signification du jugement n'a pas été faite à sa personne, alors que la partie civile et la partie civilement responsable ne disposent que du délai ordinaire d'opposition prévu à l'alinéa 1er.

Lorsque le jugement n'a pas été signifié à sa personne, le prévenu condamné peut faire opposition, en ce qui concerne la condamnation pénale, dans les quinze jours qui suivent celui où il a eu connaissance de la signification. S'il n'est pas établi qu'il a eu connaissance de la signification, le prévenu peut encore faire opposition jusqu'à l'expiration des délais de prescription de la peine. En ce qui concerne les condamnations civiles, il peut faire opposition jusqu'à l'exécution du jugement.

Tant ce délai extraordinaire que le délai ordinaire d'opposition ne courent point en l'absence d'une signification régulière (Cass., 9 mars 2016, P.15.1679.F).

B.12. Le droit de former opposition à un jugement par défaut peut certes se prêter à des exigences procédurales en ce qui concerne l'utilisation de voies de recours, mais ces exigences ne peuvent empêcher le prévenu de se prévaloir d'une voie de recours disponible (CEDH, 28 octobre 1998, Pérez de Rada Cavanilles c. Espagne, § § 44-45; 24 mai 2007, Da Luz Domingues Ferreira c. Belgique, § 57; 1er mars 2011, Faniel c. Belgique, § 26). Les règles relatives aux délais à respecter pour former un recours visent à assurer une bonne administration de la justice et le respect, en particulier, du principe de la sécurité juridique (CEDH, 28 octobre 1998, Pérez de Rada Cavanilles c. Espagne, § 45).

Afin de garantir la possibilité d'opposition et le droit d'accès au juge, il importe non seulement que les règles concernant les possibilités des voies de recours et les délais soient posées avec clarté, mais qu'elles soient aussi portées à la connaissance des justiciables de la manière la plus explicite possible, afin que ceux-ci puissent en faire usage conformément à la loi. Une personne condamnée par défaut doit être immédiatement informée de manière fiable et officielle, lors de la signification du jugement de condamnation, des possibilités de recours, des délais d'introduction et des formalités à respecter (CEDH, 24 mai 2007, Da Luz Domingues Ferreira c. Belgique, §§ 58-59; 29 juin 2010, Hakimi c. Belgique, § § 35-36; 1er mars 2011, Faniel c. Belgique, § 30).

B.13.1. A la suite de l'arrêt Hakimi c. Belgique, précité, la Cour de cassation a jugé ce qui suit : « Lorsque la signification de l'arrêt rendu par défaut ne mentionne pas le droit de faire opposition et le délai imparti pour l'exercice de ce droit, une opposition faite hors délai ne peut être déclarée irrecevable pour cause de tardiveté, à peine de priver le condamné du droit d'accès à un tribunal.

Décidant le contraire, l'arrêt du 9 mars 2007 viole l'article 6.1 de la CEDH dans l'interprétation que la Cour européenne lui a donnée par son arrêt du 29 juin 2010 » (Cass. 23 février 2011, Pas., 2011, n° 161).

B.13.2. Par un arrêt du 9 mars 2016 (P.15.1679.F), la Cour de cassation a jugé : « La disposition visée au moyen accorde au prévenu défaillant un délai supplémentaire qui lui permet de former opposition dans les quinze jours qui suivent celui où il a connu la signification de la décision rendue par défaut à sa charge.

Tant ce délai extraordinaire que le délai ordinaire d'opposition ne courent point en l'absence d'une signification régulière. L'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales impose, à cet égard, que la signification mentionne le droit de former opposition ainsi que le délai imparti pour l'exercer.

La connaissance de la signification que requiert la disposition visée au moyen n'est, quant à elle, subordonnée à aucune formalité particulière. Elle est laissée à l'appréciation du juge. Au moment où le prévenu défaillant prend connaissance de la signification, aucune disposition légale n'impose qu'il soit à nouveau informé de la possibilité et des modalités de l'opposition figurant dans l'acte de signification.

Le jugement considère que ces informations devaient être données à la défenderesse lorsque la mise à exécution de la déchéance du droit de conduire à laquelle elle avait été condamnée lui a été notifiée, sans que, pour en prendre connaissance, elle ait dû attendre d'aller chercher la copie de l'exploit de signification du jugement rendu par défaut.

Ainsi, le tribunal n'a pas légalement justifié la décision selon laquelle, bien que formée plus de quinze jours après la date à laquelle la demanderesse a eu connaissance de la signification du jugement rendu par défaut, l'opposition est recevable ».

B.14.1. Le juge qui doit se prononcer sur la recevabilité de l'opposition apprécie souverainement si et à quelle date l'intéressé a eu connaissance de la signification (Cass., 3 janvier 1989, Pas. 1989,n° 256).

En cas de contestation, ce n'est pas au prévenu qu'il appartient de prouver l'absence de prise de connaissance. C'est au contraire au ministère public ou à la partie civile qu'il appartient d'établir le moment de la prise de connaissance de la signification lorsqu'ils veulent soulever la tardiveté de l'opposition (Cass., 19 décembre 1972, Pas. 1973, I, p. 396).

B.14.2. Lorsque la signification d'un jugement par défaut n'a pu être faite à la personne, la prise de connaissance ultérieure de cette signification par la personne condamnée par défaut est une question de fait qui n'est liée à aucune formalité. Cette prise de connaissance fait néanmoins débuter le délai extraordinaire d'opposition.

B.14.3. Certes, il est impossible d'exiger de manière générale qu'au moment de la prise de connaissance de la signification d'un jugement rendu par défaut, le condamné soit toujours informé de la possibilité de faire opposition et des délais et formalités à respecter. Cette prise de connaissance peut en effet dépendre d'un événement purement fortuit et factuel, comme une communication par un tiers ou un contrôle de police sur la route. Toutefois, la situation est différente lorsque, après la signification du jugement rendu par défaut, il faut procéder à une notification formelle à la personne condamnée en ce qui concerne l'exécution de ce jugement, comme c'est le cas pour une notification de la déchéance du droit de conduire conformément à l'article 40 de la loi sur la circulation routière.

B.14.4. Comme il est dit en B.12, le droit à un procès équitable exige non seulement que les possibilités et délais pour exercer des voies de recours soient posés avec clarté, mais aussi qu'ils soient portés à la connaissance du justiciable de la manière la plus explicite possible.

Le délai extraordinaire pour faire opposition revêt une grande importance lorsque le jugement rendu par défaut n'est pas signifié à la personne et que ce délai est par ailleurs bref. Au cours du délai extraordinaire d'opposition, la condamnation est en outre exécutoire.

B.14.5. La peine de la déchéance du droit de conduire peut avoir de lourdes conséquences, en particulier pour les personnes qui ont absolument besoin d'un véhicule pour acquérir des revenus professionnels. Si, dans le cas d'une condamnation par défaut, les possibilités et délais d'exercice de voies de recours ne sont pas portés à la connaissance du condamné lors de la notification de la déchéance, la possibilité de faire opposition peut être gravement hypothéquée, alors que la communication de ces informations supplémentaires ne représente pas une charge disproportionnée pour l'autorité.

B.15. Ainsi, en ne prévoyant pas que, lors de la notification de la déchéance du droit de conduire prononcée dans le cadre d'une procédure par défaut, il y a lieu d'indiquer les voies de recours ouvertes contre un jugement rendu par défaut, les délais pour les exercer et les formalités à respecter, l'article 40 de la loi relative à la police de la circulation routière n'est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : 1. L'article 187 du Code d'instruction criminelle, tel qu'il était d'application avant son remplacement par l'article 83 de la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice, viole les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'il ne prévoit pas l'obligation de signifier un jugement rendu par défaut à l'encontre d'une personne placée sous administration à cette personne et au domicile ou à la résidence de l'administrateur.2. L'article 40 de la loi relative à la police de la circulation routière, coordonnée par l'arrêté royal du 16 mars 1968, viole les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'il ne prévoit pas l'obligation de mentionner, lors de la notification de la déchéance du droit de conduire prononcée dans le cadre d'une procédure par défaut, les voies de droit ouvertes contre un jugement rendu par défaut, les délais pour les exercer et les formalités à respecter. Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 11 octobre 2018.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, A. Alen

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