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Arrêt
publié le 01 septembre 2015

Extrait de l'arrêt n° 103/2015 du 16 juillet 2015 Numéros du rôle : 5912, 5959, 5960, 5962, 5965, 5968, 6017, 6018 et 6020 En cause : les recours en annulation partielle de la loi du 20 janvier 2014 portant réforme de la compétence, de la pro La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et J. Spreutels, et des juges E. De (...)

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Extrait de l'arrêt n° 103/2015 du 16 juillet 2015 Numéros du rôle : 5912, 5959, 5960, 5962, 5965, 5968, 6017, 6018 et 6020 En cause : les recours en annulation partielle de la loi du 20 janvier 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/01/2014 pub. 03/02/2014 numac 2014000082 source service public federal interieur Loi portant réforme de la compétence, de la procédure et de l'organisation du Conseil d'Etat fermer portant réforme de la compétence, de la procédure et de l'organisation du Conseil d'Etat, introduits par H.B. et autres, par l'ASBL « Groupe d'Etude et de Réforme de la Fonction administrative » (GERFA) et Catherine Van Nypelseer, par l'ASBL « Aktiekomitee Red de Voorkempen » et autres, par Pierre Goblet et autres, par l'Ordre des barreaux francophones et germanophone, par l'ASBL « Inter-Environnement Wallonie » et autres, par l'« Orde van Vlaamse balies » et Edgar Boydens, et par Wim Raeymaekers.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et J. Spreutels, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 28 mai 2014 et parvenue au greffe le 30 mai 2014, un recours en annulation de l'article 13 de la loi du 20 janvier 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/01/2014 pub. 03/02/2014 numac 2014000082 source service public federal interieur Loi portant réforme de la compétence, de la procédure et de l'organisation du Conseil d'Etat fermer portant réforme de la compétence, de la procédure et de l'organisation du Conseil d'Etat (insertion d'un chapitre V dans le titre V et rétablissement de l'article 38 des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, concernant la boucle administrative), publiée au Moniteur belge du 3 février 2014, erratum au Moniteur belge du 13 février 2014, a été introduit par H.B., A.M., M.A., P.D., F.B., l'ASBL « Ademloos », l'ASBL « Straatego » et l'ASBL « Aktiekomitee Red de Voorkempen », assistés et représentés par Me P. Vande Casteele, avocat au barreau d'Anvers. b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 12 juillet 2014 et parvenue au greffe le 14 juillet 2014, un recours en annulation des articles 6, 8 et 11 de la loi du 20 janvier 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/01/2014 pub. 03/02/2014 numac 2014000082 source service public federal interieur Loi portant réforme de la compétence, de la procédure et de l'organisation du Conseil d'Etat fermer portant réforme de la compétence, de la procédure et de l'organisation du Conseil d'Etat (publiée au Moniteur belge du 3 février 2014,, erratum au Moniteur belge du 13 février 2014), a été introduit par H.B., A.M., M.A., G.B., P.V., l'ASBL « Ademloos », l'ASBL « Straatego » et l'ASBL « Aktiekomitee Red de Voorkempen », assistés et représentés par Me P. Vande Casteele. c. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 17 juillet 2014 et parvenue au greffe le 18 juillet 2014, un recours en annulation des articles 11 et 13 de la même loi a été introduit par l'ASBL « Groupe d'Etude et de Réforme de la Fonction administrative » (GERFA) et Catherine Van Nypelseer. d. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 18 juillet 2014 et parvenue au greffe le 22 juillet 2014, un recours en annulation des articles 6, 8, 10, 2°, 11 et 13 de la même loi a été introduit par l'ASBL « Aktiekomitee Red de Voorkempen », l'ASBL « Ademloos », l'ASBL « Straatego », H.B., L.P., M.A., D.M., L.M. et P.M., assistés et représentés par Me P. Vande Casteele. e. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 25 juillet 2014 et parvenue au greffe le 28 juillet 2014, un recours en annulation des articles 7, 3° et 5°, 10, 2° et 7°, 11 et 13 de la même loi a été introduit par Pierre Goblet, Yvette Van den Eynde, Philippe Delaunoy, Jean Rossitto et Raoul Godar. f. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 28 juillet 2014 et parvenue au greffe le 29 juillet 2014, un recours en annulation de l'article 13 de la même loi a été introduit par l'Ordre des barreaux francophones et germanophone, assisté et représenté par Me J.-F. Cartuyvels, avocat au barreau de Marche-en-Famenne. g. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 1er août 2014 et parvenue au greffe le 4 août 2014, un recours en annulation des articles 2, 3°, 3, 6, 11 et 13 de la même loi a été introduit par l'ASBL « Inter-Environnement Wallonie », l'ASBL « Inter-Environnement Bruxelles », l'ASBL « Bond Beter Leefmilieu Vlaanderen », l'ASBL « Greenpeace Belgium », l'ASBL « Bruxelles Nature », l'ASBL « Ligue des Droits de l'Homme » et l'ASBl « Liga voor Mensenrechten », assistées et représentées par Me J.Sambon, avocat au barreau de Bruxelles. h. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 1er août 2014 et parvenue au greffe le 4 août 2014, un recours en annulation de l'article 13 de la même loi a été introduit par l'« Orde van Vlaamse balies » et Edgar Boydens, assistés et représentés par Me S.Verbist, avocat au barreau d'Anvers. i. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 4 août 2014 et parvenue au greffe le 5 août 2014, un recours en annulation de l'article 11 de la même loi a été introduit par Wim Raeymaekers. Ces affaires, inscrites sous les numéros 5912, 5959, 5960, 5962, 5965, 5968, 6017, 6018 et 6020 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) Quant à la loi attaquée B.1. La loi du 20 janvier 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/01/2014 pub. 03/02/2014 numac 2014000082 source service public federal interieur Loi portant réforme de la compétence, de la procédure et de l'organisation du Conseil d'Etat fermer portant réforme de la compétence, de la procédure et de l'organisation du Conseil d'Etat tend à optimiser le fonctionnement du Conseil d'Etat (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2277/1, p. 2). Les parties requérantes demandent l'annulation des articles 2, 3°, 3, 6, 7, 3° et 5°, 10, 2° et 7°, 11 et 13 de la loi précitée.

Les dispositions attaquées visent principalement à doter le Conseil d'Etat de certains instruments ou à rationaliser des instruments déjà existants, afin d'augmenter l'efficacité du contentieux administratif.

Elles concernent plusieurs aspects de la réforme : la boucle administrative, la suspension du délai de recours, le mandat ad litem, la perte d'intérêt, l'intérêt au moyen, le maintien des effets, la prolongation du délai, le droit de rôle et l'indemnité de procédure.

Quant à la recevabilité B.2.1. Le Conseil des ministres conteste la recevabilité des recours en annulation et des requêtes en intervention. Les exceptions soulevées concernent tant l'intérêt que la capacité d'ester en justice.

B.2.2. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.

En vertu de la même loi spéciale, toute personne justifiant d'un intérêt peut adresser à la Cour, dans un mémoire, ses observations concernant tout recours en annulation sur lequel celle-ci est appelée à statuer. Justifie d'un tel intérêt la personne qui montre que sa situation peut être directement affectée par l'arrêt que la Cour rendra à propos de ce recours.

B.2.3. La plupart des parties requérantes ont déjà introduit des recours en annulation devant le Conseil d'Etat par le passé et le feront probablement encore à l'avenir. Elles justifient dès lors de l'intérêt requis.

B.2.4. Contrairement à ce que soutient le Conseil des ministres, l'Ordre des barreaux francophones et germanophone, partie requérante dans l'affaire n° 5968, et l'« Orde van Vlaamse balies », partie requérante dans l'affaire n° 6018, justifient de l'intérêt requis.

L'article 495 du Code judiciaire leur permet de prendre des initiatives visant à défendre les intérêts des avocats et des justiciables. Sur la base de cet article, elles peuvent attaquer la disposition qui prévoit la possibilité, pour la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat, d'appliquer la boucle administrative.

B.2.5. Dès lors que, dans chacune des affaires jointes, au moins une des parties requérantes justifie d'un intérêt à l'annulation des articles attaqués et que leur recours est recevable, la Cour n'est pas tenue d'examiner la recevabilité des recours introduits par les autres parties requérantes.

B.2.6. Etant donné que les parties intervenantes n'ajoutent pas d'arguments essentiels aux griefs formulés par les parties requérantes qu'elles soutiennent, il n'y a pas lieu non plus d'examiner la recevabilité de leur intervention.

B.3.1. Le Conseil des ministres conteste la recevabilité de la plupart des moyens, en ce que ceux-ci ne seraient pas suffisamment détaillés.

Il fait en outre valoir à plusieurs reprises qu'un moyen serait irrecevable parce que la Cour n'est pas compétente pour procéder à un contrôle direct au regard de dispositions conventionnelles, de certains articles de la Constitution et de principes généraux.

B.3.2. La Cour est compétente pour contrôler des actes de nature législative au regard des règles répartitrices de compétence entre l'Etat fédéral, les communautés et les régions ainsi qu'au regard des articles du titre II (« Des Belges et de leurs droits ») et des articles 143, § 1er, 170, 172 et 191 de la Constitution.

Tous les moyens sont pris de la violation d'une ou plusieurs règles dont la Cour garantit le respect. Dans la mesure où les parties requérantes invoquent en outre des dispositions conventionnelles, d'autres articles de la Constitution et des principes généraux, la Cour ne prend ceux-ci en considération qu'en tant que les parties requérantes dénoncent la violation des règles précitées, combinées avec les dispositions et principes visés. Dans cette mesure, les moyens sont recevables.

B.3.3. Pour satisfaire aux exigences de l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les moyens de la requête doivent non seulement faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées, mais aussi les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions.

La Cour examine les moyens dans la mesure où ils satisfont aux exigences précitées.

B.3.4. Enfin, dans la mesure où le Conseil des ministres conteste l'intérêt des parties requérantes à certains moyens, il suffit de rappeler que, lorsque les parties requérantes ont intérêt à l'annulation des dispositions attaquées, elles ne doivent pas, en outre, justifier d'un intérêt à chacun des moyens.

B.4. Les exceptions sont rejetées.

Quant à la boucle administrative (article 13 de la loi attaquée) B.5. Les parties requérantes dans les affaires nos 5912, 5960, 5965, 5968, 6017 et 6018 demandent l'annulation de l'article 13 de la loi attaquée. Elles font valoir que cette disposition viole les articles 10, 11, 13, 23 et 32 de la Constitution, combinés ou non avec d'autres dispositions constitutionnelles, avec des principes généraux de droit et avec des dispositions de droit international.

Les griefs formulés contre la disposition attaquée étant étroitement liés, il convient d'examiner les moyens conjointement.

B.6. La section du contentieux administratif du Conseil d'Etat statue par voie d'arrêts sur les recours en annulation pour violation des formes soit substantielles, soit prescrites à peine de nullité, excès ou détournement de pouvoir, formés contre des actes et règlements (article 14, § 1er, alinéa 1er, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat).

La section du contentieux administratif annule en règle un acte administratif attaqué lorsque celui-ci est irrégulier. Tel n'est toutefois pas le cas lorsque l'irrégularité n'était pas susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise, lorsqu'elle n'a privé les intéressés d'aucune garantie ou n'a pas eu pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte (article 14, § 1er, alinéa 2, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat).

B.7. L'article 13, attaqué, insère, dans le titre V des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, un chapitre V intitulé « De la boucle administrative », comprenant l'article 38, rétabli dans la rédaction suivante : « § 1er. En cas de recours en annulation visé à l'article 14, § 1er, la section du contentieux administratif peut charger la partie adverse, par voie d'arrêt interlocutoire, de corriger ou de faire corriger un vice dans l'acte ou le règlement attaqué.

Le recours à cette boucle administrative est subordonné à la faculté, offerte aux parties, de faire valoir leurs observations sur son utilisation.

L'arrêt interlocutoire fixe les modalités de la correction ainsi que le délai dans lequel elle doit intervenir. Ce délai peut être prolongé à la demande de la partie adverse. Si la correction requiert un nouvel acte ou un nouveau règlement, l'objet du recours est étendu à cet acte ou ce règlement.

La correction ne peut porter que sur les vices relevés dans l'arrêt interlocutoire. La correction de ces vices ne peut avoir une incidence sur le contenu de l'acte ou du règlement. § 2. La boucle administrative ne peut être appliquée lorsque : 1° le vice n'est pas susceptible d'être corrigé dans un délai de trois mois, sauf à démontrer qu'il peut l'être dans un délai raisonnable;2° le pouvoir de décision propre de la partie adverse n'est pas suffisant pour corriger le vice;3° la partie adverse refuse expressément l'application de la procédure;4° la correction du vice ne peut mettre définitivement fin à la procédure en cours. § 3. Lorsque l'application de la boucle administrative n'est proposée que dans l'arrêt interlocutoire, les parties disposent d'un délai de quinze jours à partir de la notification de cet arrêt pour communiquer leur point de vue sur l'application de celle-ci.

La section du contentieux administratif statue ensuite sur l'application de la boucle administrative, conformément au paragraphe 1er. § 4. Dès que la partie adverse a exécuté l'arrêt interlocutoire visé au paragraphe 1er, elle en informe immédiatement le Conseil d'Etat par écrit et précise la manière dont le vice a été corrigé. Si le Conseil d'Etat n'a pas reçu de notification dans les quinze jours suivant l'expiration du délai de réparation fixé par voie d'arrêt interlocutoire, l'acte ou le règlement attaqué est annulé.

Les autres parties peuvent, dans un délai de quinze jours à compter du moment où la section du contentieux administratif leur notifie la manière dont le vice a été corrigé, faire valoir leurs observations sur ce point.

Si la section du contentieux administratif constate que le vice n'a pas été complètement corrigé ou que la correction est entachée de nouveaux vices, l'acte ou le règlement corrigé, ou, le cas échéant, le nouvel acte ou le nouveau règlement, est annulé.

Si le vice a été complètement corrigé, la boucle administrative opère avec effets rétroactifs et le recours est rejeté ».

B.8. La disposition précitée prévoit la possibilité d'appliquer ce qu'on appelle la « boucle administrative », notion par laquelle il faut entendre la possibilité de « charger la partie adverse, par voie d'arrêt interlocutoire, de corriger ou de faire corriger un vice dans l'acte ou le règlement attaqué ».

Dans les travaux préparatoires, l'introduction de cette possibilité a été justifiée comme suit : « Le Conseil d'Etat est désormais compétent pour proposer à la partie adverse, dans le cadre d'un litige dont il est saisi, de recourir à la possibilité de corriger, en cours de procédure, une irrégularité constatée afin d'éviter une annulation. Il résulte du fait que cette compétence tend à corriger une décision que le recours à la boucle administrative ne peut avoir pour effet de modifier la portée de la décision après sa correction. Cette position correspond ainsi à celle adoptée par la Communauté flamande dans son décret du 6 juillet 2012 modifiant diverses dispositions du Code flamand de l'aménagement du territoire en ce qui concerne le Conseil pour les contestations des autorisations » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2277/1, p. 28).

Si l'application de la boucle administrative conduit à la correction complète de l'irrégularité constatée, cette correction s'applique rétroactivement et le Conseil d'Etat rejette le recours.

B.9. La boucle administrative, telle qu'elle est réglée par la disposition attaquée, ne peut être appliquée que lorsque certaines conditions sont remplies.

B.10.1. Il faut d'abord que l'irrégularité de l'acte administratif attaqué puisse être corrigée. Tel n'est pas le cas, par exemple, lorsque l'administration qui est partie à la cause n'est pas compétente pour corriger le vice.

En outre, la correction doit pouvoir avoir lieu dans un délai raisonnable - en principe trois mois. Cette condition tend à « éviter que l'application de la boucle administrative ne prolonge excessivement la durée de la procédure devant le Conseil d'Etat » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2277/1, p. 28).

B.10.2. Il faut ensuite que l'administration donne son accord. La volonté explicite de l'administration compétente de collaborer à la correction de l'irrégularité est une condition sine qua non du succès de la boucle administrative. La procédure ne saurait être appliquée utilement « si la partie adverse n'est pas disposée à apporter sa collaboration » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2277/1, p. 28).

B.10.3. Il faut encore que la correction de l'irrégularité puisse conduire au règlement définitif du litige. Cette condition n'est pas remplie si « la procédure devant le Conseil d'Etat a permis de constater encore d'autres vices qui ne se prêtent pas à l'application de la boucle administrative » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2277/1, p. 28). Dans pareil cas, il faut tout d'abord examiner « si d'autres moyens ne sont pas fondés », ce qui requiert donc « que tous les moyens soient examinés » (ibid., p. 29).

B.10.4. Enfin, la correction de l'irrégularité doit avoir pour effet, non seulement que l'acte administratif attaqué ne soit plus irrégulier, mais aussi que le contenu de l'acte administratif reste inchangé. L'article 38 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, tel qu'il a été rétabli par l'article 13 attaqué, prévoit expressément que la correction des vices ne peut avoir aucune incidence sur le contenu de l'acte ou du règlement.

A cet égard, il est précisé ce qui suit dans les travaux préparatoires : « Le respect de ces conditions, en particulier la première, combinée avec la circonstance que le recours à la boucle administrative ne peut avoir pour effet de modifier la portée de la décision après sa correction, implique que les irrégularités à corriger ne peuvent être intervenues qu'en fin de procédure administrative. Ces irrégularités sont donc, en somme, de minime importance. Les exemples de l'étude d'incidences ou de l'audition cités dans les questions ci-dessus ne paraissent pas pertinents, même si le premier a donné lieu à l'annulation du permis d'urbanisme dans la célèbre affaire dite ' du tram de Wijnegem ', laquelle est précisément à l'origine de l'introduction de la boucle administrative dans la procédure au Conseil d'Etat. Dans ces deux cas, en effet, il s'agit de formalités qui sont de nature à modifier la décision litigieuse, si l'autorité accepte de tenir compte de ces formalités. L'étude d'incidences est, en outre, impossible à refaire en si peu de temps. Concernant les motifs de la décision, la boucle ne peut aboutir à en créer de nouveaux. L'on peut, néanmoins, imaginer le cas d'une motivation par référence dont la pièce contenant la motivation, tout en figurant au dossier administratif, n'aurait pas été portée à la connaissance de la partie requérante, préalablement à ou en même temps que l'acte lui-même. La motivation formelle inexistante de l'acte pourrait aussi être rectifiée selon le mécanisme de la boucle, s'il s'agit uniquement de formuler dans l'acte les motifs qui se trouvent énoncés dans le dossier administratif. On peut encore imaginer des problèmes liés à la signature absente ou illisible d'un acte » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2277/1, p. 29).

B.11.1. Les parties requérantes soutiennent que la disposition attaquée porte une atteinte discriminatoire au principe de l'indépendance et de l'impartialité du juge.

B.11.2. Les principes de l'indépendance du juge et de la séparation des pouvoirs constituent des caractéristiques fondamentales de l'Etat de droit.

B.11.3. Le contrôle juridictionnel qu'exerce le Conseil d'Etat constitue un contrôle de la légalité externe et interne, qui ne va pas jusqu'à l'autoriser à substituer son appréciation au pouvoir d'appréciation discrétionnaire de l'administration. En effet, dans le cadre de son contrôle, le juge ne peut pas se placer sur le plan de l'opportunité, ce qui serait inconciliable avec les principes qui régissent les rapports entre l'administration et les juridictions.

Il n'appartient pas au juge mais à l'administration de déterminer le contenu d'une décision discrétionnaire, plus précisément comme suite à la réparation de l'irrégularité. L'organe administratif accordant l'autorisation peut décider de ne pas recourir à la possibilité d'appliquer la boucle administrative, notamment lorsqu'il estime que la réparation de l'irrégularité est susceptible d'avoir une incidence sur le contenu de la décision attaquée.

B.11.4. En permettant au Conseil d'Etat, lorsque celui-ci propose l'application de la boucle administrative, de faire connaître son point de vue sur l'issue du litige, qui pourtant doit mener à la même décision, la disposition attaquée porte une atteinte discriminatoire au principe de l'indépendance et de l'impartialité du juge.

B.12.1. Les parties requérantes soutiennent que la disposition attaquée porte une atteinte discriminatoire aux droits de la défense, au droit à la contradiction et au droit d'accès au juge.

B.12.2. En vertu de la disposition attaquée, le Conseil d'Etat peut, par un arrêt interlocutoire, charger l'organe administratif concerné d'appliquer la boucle administrative.

B.12.3. Lorsqu'une juridiction apporte un élément qui vise à influencer l'issue du litige, comme en l'espèce la mission d'appliquer la boucle administrative, le droit à la contradiction implique qu'un débat doit avoir lieu à ce sujet entre les parties (voy., mutatis mutandis, CEDH, 16 février 2006, Prikyan et Angelova c. Bulgarie, § 42; 5 septembre 2013, Cepek c. République tchèque, § 45).

Contrairement à l'article 4.8.4 du Code flamand de l'aménagement du territoire, annulé par l'arrêt n° 74/2014, la disposition attaquée garantit le droit à la contradiction.

B.12.4. L'application de la boucle administrative peut toutefois avoir des conséquences pour les personnes intéressées qui n'ont pas introduit de recours contre la décision ou ne sont pas intervenues à la cause. Contrairement à l'article 4.8.4 du Code flamand de l'aménagement du territoire, annulé par l'arrêt n° 74/2014, la disposition attaquée ne prévoit pas la condition selon laquelle l'application de la boucle administrative ne peut préjudicier de manière disproportionnée les personnes intéressées, qu'elles soient parties ou non à la cause.

Le droit d'accès au juge constitue un principe général de droit qui doit être garanti à chacun dans le respect des articles 10 et 11 de la Constitution. Une décision prise en application de la boucle administrative ne peut pas être exclue du droit d'accès au juge. La limitation de ce droit, pour une catégorie d'intéressés, n'est pas proportionnée à l'objectif poursuivi par le législateur, qui consiste en substance à rationaliser et à accélérer le contentieux administratif.

B.12.5. En ne prévoyant pas la possibilité d'introduire un recours contre la décision prise en application de la boucle administrative, après la notification ou la publication de cette décision, la disposition attaquée porte une atteinte discriminatoire au droit d'accès au juge.

B.13.1. Les parties requérantes soutiennent qu'il est porté une atteinte discriminatoire à l'obligation de motivation formelle, garantie par la loi du 29 juillet 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/07/1991 pub. 18/12/2007 numac 2007001008 source service public federal interieur Loi relative à la motivation formelle des actes administratifs. - Traduction allemande fermer relative à la motivation formelle des actes administratifs.

B.13.2. Les articles 1er à 3 de la loi du 29 juillet 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/07/1991 pub. 18/12/2007 numac 2007001008 source service public federal interieur Loi relative à la motivation formelle des actes administratifs. - Traduction allemande fermer disposent : «

Article 1.Pour l'application de la présente loi, il y a lieu d'entendre par : - Acte administratif : L'acte juridique unilatéral de portée individuelle émanant d'une autorité administrative et qui a pour but de produire des effets juridiques à l'égard d'un ou de plusieurs administrés ou d'une autre autorité administrative; - Autorité administrative : Les autorités administratives au sens de l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat; - Administré : Toute personne physique ou morale dans ses rapports avec les autorités administratives.

Art. 2.Les actes administratifs des autorités administratives visées à l'article premier doivent faire l'objet d'une motivation formelle.

Art. 3.La motivation exigée consiste en l'indication, dans l'acte, des considérations de droit et de fait servant de fondement à la décision.

Elle doit être adéquate ».

B.13.3. Ces dispositions généralisent l'obligation de motiver formellement les actes administratifs de portée individuelle. La motivation formelle des actes concernés est un droit de l'administré, auquel est ainsi offerte une garantie supplémentaire contre les actes administratifs de portée individuelle qui seraient arbitraires.

B.13.4. En ce qu'elle autorise l'organe administratif concerné à fournir, après l'application de la boucle administrative, la motivation requise d'un acte administratif individuel qui n'était pas formellement motivé, la disposition attaquée porte atteinte au droit, que la loi du 29 juillet 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/07/1991 pub. 18/12/2007 numac 2007001008 source service public federal interieur Loi relative à la motivation formelle des actes administratifs. - Traduction allemande fermer garantit au destinataire de l'acte mais aussi à tout tiers intéressé, de prendre immédiatement connaissance des motifs qui justifient la décision, du fait de leur mention dans l'acte même. Le droit à la motivation formelle permet de renforcer le contrôle juridictionnel sur les actes administratifs à portée individuelle et le respect du principe de l'égalité des armes dans le cadre du contentieux administratif.

L'obligation de motivation formelle, qui doit permettre à l'administré d'apprécier s'il y a lieu d'introduire les recours dont il dispose, manquerait son objectif si cet administré ne parvient à connaître les motifs qui justifient la décision qu'après qu'il a introduit un recours.

Par ailleurs, l'article 6, paragraphe 9, de la Convention d'Aarhus sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, signée le 25 juin 1998, exige que l'acte administratif en cause, pour autant qu'il relève du champ d'application de la Convention, soit communiqué au public « assorti des motifs et considérations sur lesquels ladite décision est fondée ».

B.14. Il découle de ce qui précède qu'il convient d'annuler la disposition attaquée.

Etant donné que les autres griefs contenus dans les moyens ne peuvent mener à une annulation plus étendue, il n'y a pas lieu de les examiner.

B.15. Eu égard à l'approbation que mérite le souci du législateur d'aboutir à un règlement efficace et définitif des litiges, la question s'est posée de savoir si les effets de l'article 13 attaqué ne devaient pas être maintenus pendant une période déterminée, afin de ne pas compromettre la sécurité juridique et de permettre au législateur d'adopter de nouvelles règles qui ne soulèvent pas les griefs de constitutionnalité précités.

Dès lors qu'il n'existe pas de nécessité impérieuse, pour le Conseil d'Etat, de pouvoir continuer à appliquer la boucle administrative dans l'attente de l'intervention du législateur, il n'y a pas lieu de maintenir les effets de la disposition attaquée.

Quant à la suspension du délai de recours (article 7, 3°, de la loi attaquée) B.16. Les parties requérantes dans l'affaire n° 5965 demandent l'annulation de l'article 7, 3°, de la loi attaquée. Elles font valoir que cette disposition viole l'article 23 de la Constitution, combiné ou non avec la Convention d'Aarhus, avec des directives européennes et avec le principe de proportionnalité.

B.17. L'article 7, 3°, de la loi attaquée tend à aligner la procédure de réclamation auprès d'un médiateur sur la procédure devant le Conseil d'Etat. Cet article insère, entre les alinéas 2 et 3 de l'article 19 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, l'alinéa suivant : « Lorsqu'une réclamation est introduite contre un acte ou un règlement susceptible de recours au sens de l'article 14, § 1er, auprès d'une personne investie de la fonction de médiateur par une loi, un décret ou une ordonnance, dans l'un des délais de prescription visés à l'alinéa 2, ce délai est suspendu pour l'auteur de cette réclamation.

La partie non écoulée de ce délai prend cours soit au moment où le réclamant est informé de la décision de ne pas traiter ou de rejeter sa réclamation, soit à l'expiration d'un délai de quatre mois qui prend cours à compter de l'introduction de la réclamation, si la décision n'est pas intervenue plus tôt. Dans ce dernier cas, le réclamant le justifie par une attestation du médiateur concerné ».

B.18. Il ressort des travaux préparatoires que la mesure vise à « permettre d'assurer un équilibre entre la volonté de donner à la médiation toute sa chance d'aboutir, tout en veillant à ne pas prolonger le délai de recours de manière inutilement longue. Le requérant bénéficiera donc toujours d'un délai de soixante jours pour introduire son recours au Conseil d'Etat, qu'il ait ou non décidé d'avoir recours à la médiation » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2277/1, pp. 17-18).

B.19. L'article 9 de la Convention d'Aarhus dispose : « 1. Chaque Partie veille, dans le cadre de sa législation nationale, à ce que toute personne qui estime que la demande d'informations qu'elle a présentée en application de l'article 4 a été ignorée, rejetée abusivement, en totalité ou en partie, ou insuffisamment prise en compte ou qu'elle n'a pas été traitée conformément aux dispositions de cet article, ait la possibilité de former un recours devant une instance judiciaire ou un autre organe indépendant et impartial établi par la loi.

Dans les cas où une Partie prévoit un tel recours devant une instance judiciaire, elle veille à ce que la personne concernée ait également accès à une procédure rapide établie par la loi qui soit gratuite ou peu onéreuse, en vue du réexamen de la demande par une autorité publique ou de son examen par un organe indépendant et impartial autre qu'une instance judiciaire.

Les décisions finales prises au titre du présent paragraphe 1 s'imposent à l'autorité publique qui détient les informations. Les motifs qui les justifient sont indiqués par écrit, tout au moins lorsque l'accès à l'information est refusé au titre du présent paragraphe. 2. Chaque Partie veille, dans le cadre de sa législation nationale, à ce que les membres du public concerné a) ayant un intérêt suffisant pour agir ou, sinon, b) faisant valoir une atteinte à un droit, lorsque le code de procédure administrative d'une Partie pose une telle condition, puissent former un recours devant une instance judiciaire et/ou un autre organe indépendant et impartial établi par loi pour contester la légalité, quant au fond et à la procédure, de toute décision, tout acte ou toute omission tombant sous le coup des dispositions de l'article 6 et, si le droit interne le prévoit et sans préjudice du paragraphe 3 ci-après, des autres dispositions pertinentes de la présente Convention. Ce qui constitue un intérêt suffisant et une atteinte à un droit est déterminé selon les dispositions du droit interne et conformément à l'objectif consistant à accorder au public concerné un large accès à la justice dans le cadre de la présente Convention. A cet effet, l'intérêt qu'a toute organisation non gouvernementale répondant aux conditions visées au paragraphe 5 de l'article 2 est réputé suffisant au sens de l'alinéa a) ci-dessus. Ces organisations sont également réputées avoir des droits auxquels il pourrait être porté atteinte au sens de l'alinéa b) ci-dessus.

Les dispositions du présent paragraphe 2 n'excluent pas la possibilité de former un recours préliminaire devant une autorité administrative et ne dispensent pas de l'obligation d'épuiser les voies de recours administratif avant d'engager une procédure judiciaire lorsqu'une telle obligation est prévue en droit interne. 3. En outre, et sans préjudice des procédures de recours visées aux paragraphes 1 et 2 ci-dessus, chaque Partie veille à ce que les membres du public qui répondent aux critères éventuels prévus par son droit interne puissent engager des procédures administratives ou judiciaires pour contester les actes ou omissions de particuliers ou d'autorités publiques allant à l'encontre des dispositions du droit national de l'environnement.4. En outre, et sans préjudice du paragraphe 1, les procédures visées aux paragraphes 1, 2 et 3 ci-dessus doivent offrir des recours suffisants et effectifs, y compris un redressement par injonction s'il y a lieu, et doivent être objectives, équitables et rapides sans que leur coût soit prohibitif.Les décisions prises au titre du présent article sont prononcées ou consignées par écrit. Les décisions des tribunaux et, autant que possible, celles d'autres organes doivent être accessibles au public. 5. Pour rendre les dispositions du présent article encore plus efficaces, chaque Partie veille à ce que le public soit informé de la possibilité qui lui est donnée d'engager des procédures de recours administratif ou judiciaire, et envisage la mise en place de mécanismes appropriés d'assistance visant à éliminer ou à réduire les obstacles financiers ou autres qui entravent l'accès à la justice ». L'article 11 de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement dispose : « 1. Les Etats membres veillent, conformément à leur cadre juridique en la matière, à ce que les membres du public concerné : a) ayant un intérêt suffisant pour agir, ou sinon b) faisant valoir une atteinte à un droit, lorsque le droit administratif procédural d'un Etat membre impose une telle condition, puissent former un recours devant une instance juridictionnelle ou un autre organe indépendant et impartial établi par la loi pour contester la légalité, quant au fond ou à la procédure, des décisions, des actes ou omissions relevant des dispositions de la présente directive relatives à la participation du public.2. Les Etats membres déterminent à quel stade les décisions, actes ou omissions peuvent être contestés.3. Les Etats membres déterminent ce qui constitue un intérêt suffisant pour agir ou une atteinte à un droit, en conformité avec l'objectif visant à donner au public concerné un large accès à la justice.A cette fin, l'intérêt de toute organisation non gouvernementale, répondant aux exigences visées à l'article 1er, paragraphe 2, est réputé suffisant aux fins du paragraphe 1, point a) du présent article. De telles organisations sont aussi réputées bénéficier de droits susceptibles de faire l'objet d'une atteinte aux fins du paragraphe 1, point b) du présent article. 4. Le présent article n'exclut pas la possibilité d'un recours préalable devant une autorité administrative et n'affecte en rien l'obligation d'épuiser toutes les voies de recours administratif avant d'engager des procédures de recours juridictionnel dès lors que la législation nationale prévoit une telle obligation. Ces procédures doivent être régulières, équitables, rapides et d'un coût non prohibitif. 5. Afin d'accroître l'efficacité des dispositions du présent article, les Etats membres veillent à ce qu'une information pratique soit mise à la disposition du public concernant l'accès aux voies de recours administratif et juridictionnel ». B.20. Dans leur moyen, les parties requérantes ne précisent pas suffisamment en quoi la disposition attaquée violerait les normes de contrôle invoquées. En harmonisant davantage les procédures existantes, la disposition semble au contraire contribuer au respect des obligations qui découlent des dispositions de droit international invoquées et citées en B.19, combinées avec l'article 23 de la Constitution.

B.21. Le moyen n'est pas fondé.

Quant à la demande de suspension (article 6 de la loi attaquée) B.22. Les parties requérantes dans les affaires nos 5959 et 6017 demandent l'annulation de l'article 6 de la loi attaquée. Elles font valoir que cette disposition viole les articles 10, 11 et 23 de la Constitution, combinés ou non avec d'autres dispositions constitutionnelles, avec des principes généraux du droit et avec des dispositions de droit international.

B.23. La section du contentieux administratif du Conseil d'Etat peut non seulement annuler un acte administratif, mais elle peut aussi ordonner la suspension de son exécution. L'article 6 de la loi attaquée remplace l'article 17 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat par ce qui suit : « § 1er. La section du contentieux administratif est seule compétente pour ordonner par arrêt, les parties entendues ou dûment appelées, la suspension de l'exécution d'un acte ou d'un règlement susceptible d'être annulé en vertu de l'article 14, §§ 1er et 3, et pour ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution de l'affaire.

Cette suspension ou ces mesures provisoires peuvent être ordonnées à tout moment : 1° s'il existe une urgence incompatible avec le traitement de l'affaire en annulation;2° et si au moins un moyen sérieux susceptible prima facie de justifier l'annulation de l'acte ou du règlement est invoqué. Par dérogation aux alinéas 1er et 2, la suspension ou les mesures provisoires ne peuvent être demandées après le dépôt du rapport visé à l'article 24. Toutefois, toute partie qui y a un intérêt peut dans ce cas adresser au président de la chambre saisie de la requête, une demande motivée en vue d'obtenir la fixation de l'affaire en urgence.

La demande de suspension ou de mesures provisoires introduite entre le dépôt du rapport et sa notification est assimilée à la demande motivée. Le président se prononce par ordonnance sur cette demande. Si l'urgence paraît justifiée, il fixe l'affaire à brève échéance et au plus tard dans les deux mois de la réception de la demande, et peut aménager les délais pour le dépôt des derniers mémoires. § 2. La requête en suspension ou en mesures provisoires contient un exposé des faits qui, selon son auteur, justifient l'urgence invoquée à l'appui de cette requête.

A la demande de la partie adverse ou de la partie intervenante, la section du contentieux administratif tient compte des conséquences probables de la suspension de l'exécution ou des mesures provisoires pour tous les intérêts susceptibles d'être lésés, en ce compris l'intérêt public, et peut décider de ne pas accéder à la demande de suspension ou de mesures provisoires lorsque ses conséquences négatives pourraient l'emporter de manière manifestement disproportionnée sur ses avantages.

Si la section du contentieux administratif rejette une demande de suspension ou de mesures provisoires en raison du défaut d'urgence, une nouvelle demande ne peut être introduite que si elle s'appuie sur des nouveaux éléments justifiant l'urgence de cette demande. La section du contentieux administratif peut, en outre, fixer un délai au cours duquel aucune nouvelle demande de suspension ou de mesures provisoires ne peut être introduite si le seul élément nouveau invoqué consiste en l'écoulement du temps. § 3. Les arrêts portant sur une demande de suspension ou de mesures provisoires ne sont susceptibles ni d'opposition ni de tierce opposition et ne sont pas davantage susceptibles de révision.

Les arrêts par lesquels la suspension ou des mesures provisoires ont été ordonnées sont susceptibles d'être rapportés ou modifiés à la demande des parties. § 4. Dans les cas d'extrême urgence incompatibles avec le délai de traitement de la demande de suspension ou de mesures provisoires visées au paragraphe 1er, la suspension ou les mesures provisoires peuvent être ordonnées, même avant l'introduction d'un recours en annulation, selon une procédure qui déroge à celle qui s'applique pour la suspension et les mesures provisoires visées au paragraphe 1er.

Le cas échéant, cette suspension ou ces mesures provisoires peuvent même être ordonnées sans que toutes les parties aient été convoquées.

Dans ce cas, l'arrêt qui ordonne la suspension provisoire ou les mesures provisoires convoque les parties à bref délai devant la chambre qui statue sur la confirmation de la suspension ou des mesures provisoires.

La suspension et les mesures provisoires qui ont été ordonnées avant l'introduction de la requête en annulation de l'acte ou du règlement seront immédiatement levées s'il apparaît qu'aucune requête en annulation invoquant des moyens qui les avaient justifiées n'a été introduite dans le délai prévu par le règlement de procédure. § 5. Le président de la chambre ou le conseiller d'Etat qu'il désigne statue dans les quarante-cinq jours sur la demande de suspension ou de mesures provisoires. Si la suspension ou des mesures provisoires ont été ordonnées, il est statué sur la requête en annulation dans les six mois du prononcé de l'arrêt. § 6. La section du contentieux administratif peut, suivant une procédure accélérée déterminée par le Roi, annuler l'acte ou le règlement si, dans les trente jours à compter de la notification de l'arrêt qui ordonne la suspension ou des mesures provisoires ou confirme la suspension provisoire ou les mesures provisoires, la partie adverse ou celui qui a intérêt à la solution de l'affaire n'a pas introduit une demande de poursuite de la procédure. § 7. Il existe dans le chef de la partie requérante une présomption de désistement d'instance lorsque, la demande de suspension d'un acte ou d'un règlement ou la demande de mesures provisoires ayant été rejetée, la partie requérante n'introduit aucune demande de poursuite de la procédure dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt. § 8. L'arrêt qui ordonne la suspension, la suspension provisoire de l'exécution d'un acte ou d'un règlement ou des mesures provisoires peut, à la demande de la partie requérante, imposer une astreinte à l'autorité concernée. Dans ce cas, l'article 36, §§ 2 à 5, est d'application. § 9. Au cas où la suspension de l'exécution ou des mesures provisoires sont ordonnées pour détournement de pouvoir, l'affaire est renvoyée à l'assemblée générale de la section du contentieux administratif.

Si l'assemblée générale n'annule pas l'acte ou le règlement attaqué, la suspension ou les mesures provisoires cessent immédiatement leurs effets. Dans ce cas, l'affaire est renvoyée, pour examen d'autres moyens éventuels, à la chambre qui en était initialement saisie. § 10. Si la chambre compétente pour statuer au fond n'annule pas l'acte ou le règlement qui fait l'objet du recours, elle lève la suspension ordonnée ainsi que les mesures provisoires ».

B.24. En adoptant cette disposition, le législateur visait à améliorer la procédure en référé (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2277/1, p. 4). Pour ce faire, il a principalement (1) prévu la possibilité d'introduire une demande de suspension ou de mesures provisoires après l'introduction du recours en annulation, (2) remplacé la notion de « risque de préjudice grave difficilement réparable » par la notion d'« urgence », et (3) chargé expressément le Conseil d'Etat, dans certaines circonstances, de mettre en balance les intérêts en cause, avant de suspendre l'exécution d'un acte administratif ou d'ordonner des mesures provisoires.

Dans les travaux préparatoires, les mesures ont été justifiées comme suit : « Le Conseil d'Etat est saisi d'un grand nombre de requêtes dites ' uniques ', c'est-à-dire qui demandent non seulement l'annulation d'un acte administratif mais également la suspension de son exécution (pour les statistiques, voir le rapport annuel du Conseil d'Etat). Ce mode d'introduction des demandes de suspension apparaît cependant contreproductif. Il encourage l'introduction automatique d'une demande de suspension, ce qui entraîne une multiplication des rapports et des audiences. Il se peut pourtant qu'aucun évènement particulier ne requière que le Conseil d'Etat statue d'urgence sur la cause qui lui est soumise. Le projet de loi abandonne ce système, au profit d'une demande de suspension qui peut être introduite postérieurement à l'introduction du recours en annulation, si celui-ci est toujours en cours et si l'urgence le justifie. La demande de suspension demeure son accessoire.

Actuellement, la suspension de l'exécution des effets d'un acte administratif impose également la démonstration de l'existence de moyens sérieux et d'un risque de préjudice grave difficilement réparable dans le chef du requérant. Les moyens sérieux sont ceux qui, à première vue, sont susceptibles de conduire à l'annulation. La présente réforme ne modifie pas cette condition. En revanche, le risque de préjudice grave difficilement réparable comporte plusieurs aspects à démontrer. Il donne lieu à une jurisprudence abondante et parfois disparate, qui rend cette notion difficilement objectivable.

Elle exige un examen minutieux qui se fait au détriment de celui du caractère sérieux des moyens. Le projet de loi abandonne cette seconde condition et la remplace par celle plus claire et évolutive de l'urgence. Cette notion, qui s'inspire de la jurisprudence en matière de référé au judiciaire, tient compte du délai habituel auquel doit tendre le traitement d'une affaire en annulation.

La possibilité d'opérer une balance des intérêts qui est actuellement réservée au contentieux des marchés publics est expressément étendue à tous les actes administratifs. Cette balance des intérêts ne trouve toutefois à s'appliquer que si les conséquences négatives de la suspension l'emportent de manière manifestement déraisonnable sur ses avantages » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2277/1, pp. 4-5).

B.25. Les griefs formulés ne concernent pas les deux premières mesures. Les griefs formulés par les parties requérantes dans l'affaire n° 6017 sont uniquement dirigés contre la troisième mesure (affaire n° 6017), à savoir la possibilité de mise en balance des intérêts, contenue dans l'article 17, § 2, alinéa 2, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat.

A cet égard, il est précisé ce qui suit dans les travaux préparatoires : « Enfin, lorsque la partie adverse ou la partie intervenante le demande, la suppression de la condition du préjudice grave difficilement réparable est tempérée par l'obligation, pour le Conseil d'Etat, d'opérer une balance des intérêts en présence. Depuis le début de l'année 2010, le Conseil d'Etat témoigne déjà d'une grande prudence, dans le domaine des marchés publics, où la balance des intérêts a été introduite pour la procédure de l'extrême urgence.

Cette circonspection devra être plus grande encore, à présent, dès lors que la balance des intérêts va être appliquée à l'ensemble de la procédure de suspension ordinaire. Le Conseil d'Etat ne pourra en faire application que lorsque les conséquences négatives de la suspension lui apparaîtront comme étant manifestement déraisonnables au regard de ses avantages » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2277/1, pp. 15-16).

Les parties requérantes font valoir que la possibilité d'opérer une mise en balance des intérêts (1) réduit sensiblement le niveau de protection de l'environnement, (2) discrimine les justiciables et (3) limite le droit d'accès au juge de manière discriminatoire.

B.26.1. L'article 23 de la Constitution dispose : « Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine.

A cette fin, la loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice.

Ces droits comprennent notamment : [...] 4° le droit à la protection d'un environnement sain; [...] ».

B.26.2. L'article 23 de la Constitution implique, en ce qui concerne la protection de l'environnement, une obligation de standstill qui s'oppose à ce que le législateur compétent réduise sensiblement le niveau de protection offert par la législation en vigueur sans qu'existent pour ce faire des motifs liés à l'intérêt général.

B.26.3. Il ressort de la jurisprudence antérieure à l'entrée en vigueur de la disposition attaquée que le Conseil d'Etat a déjà opéré, à plusieurs reprises, une mise en balance des intérêts avant de statuer sur une demande de suspension, non seulement en matière de marchés publics, sur la base d'une disposition législative spécifique, mais aussi dans d'autres matières, sur la base de l'article 17 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat. C'est le propre de la procédure en référé d'obliger le juge à mettre en balance les inconvénients qu'une application immédiate des dispositions attaquées cause aux parties requérantes et les inconvénients qu'une suspension entraînerait pour l'intérêt général. Ainsi, le Conseil d'Etat a déjà jugé ce qui suit, par un arrêt du 27 mars 1997, en matière d'environnement et d'aménagement du territoire : « 11.1. Considérant que la partie intervenante demande au Conseil d'Etat de procéder à une mise en balance des intérêts, comme l'a fait le juge des référés dans sa décision du 29 novembre 1996; 11.2. Considérant que le Conseil d'Etat n'aperçoit pas en quoi les intérêts économiques des parties intervenantes doivent primer la quiétude à laquelle le requérant peut prétendre, en vertu de l'article 5.32.10.2., § 4, du VLAREM II, pendant, pour ainsi dire, deux week-ends par mois, d'autant plus que l'article qui vient d'être cité contient déjà, pour les établissements existants, en guise de disposition transitoire, un assouplissement des règles d'interdiction et de distance fixées par l'article 5.32.10.2., § 1er, » (CE, 27 mars 1997, n° 65.694).

Dans d'autres arrêts, le Conseil d'Etat a toutefois rejeté la mise en balance des intérêts dans le cadre de la demande de suspension. Un arrêt du 1er février 2013 mentionne que « faute d'une disposition législative qui prévoit une telle mise en balance, le Conseil d'Etat, lorsqu'il a constaté qu'un recours en annulation recevable invoque un moyen fondé, ne peut renoncer à l'annulation de la décision attaquée sur la base d'une mise en balance des intérêts » (CE, 1er février 2013, n° 222.344) et rejette dès lors une telle mise en balance dans le cadre d'une demande de suspension.

B.26.4. La disposition attaquée confirme la possibilité, pour le Conseil d'Etat, d'opérer une mise en balance des intérêts en cause, dans le cadre d'une demande de suspension ou d'une demande de mesures provisoires. Le législateur a toutefois subordonné cette possibilité au respect de conditions strictes.

D'abord, le Conseil d'Etat ne peut tenir compte des conséquences probables de la suspension de l'exécution ou des mesures provisoires pour tous les intérêts susceptibles d'être lésés, en ce compris l'intérêt public, qu'à la demande de la partie adverse ou de la partie intervenante.

Ensuite, le Conseil d'Etat peut seulement décider de ne pas ordonner la suspension ou des mesures provisoires si les conséquences négatives de cette suspension ou de ces mesures provisoires sont manifestement disproportionnées par rapport aux avantages qu'elles procureraient.

Enfin, le Conseil d'Etat ne peut opérer une mise en balance des intérêts en cause que pour trancher provisoirement le litige, dans le cadre d'une demande de suspension ou d'une demande de mesures provisoires, et non pour statuer au fond, dans le cadre d'un recours en annulation.

B.26.5. Les conditions précitées auxquelles le législateur a soumis la possibilité d'opérer une mise en balance des intérêts amènent à constater que la disposition attaquée n'a pas réduit sensiblement le niveau de protection existant de l'environnement.

B.27. C'est le propre de toute mission juridictionnelle dans le cadre d'une procédure en référé que les intérêts en cause soient mis en balance de manière réfléchie et motivée et que l'on ne décide pas à la légère de ne pas ordonner la suspension ou des mesures provisoires lorsque la demande satisfait, pour le surplus, aux conditions prévues à cet effet. Etant donné que la mise en balance des intérêts est inhérente à la décision juridictionnelle, la disposition attaquée ne porte pas une atteinte discriminatoire au droit d'accès au juge.

B.28. Etant donné que le Conseil d'Etat peut suspendre et annuler un acte administratif, la disposition attaquée ne porte pas non plus une atteinte disproportionnée à l'article 9, paragraphe 4, de la Convention d'Aarhus et à l'article 6, paragraphe 4, de la directive 2011/92/UE. B.29.1. Les griefs formulés par les parties requérantes dans l'affaire n° 5959 sont dirigés contre la confirmation, contenue dans l'article 17, § 3, alinéa 1er, que les arrêts relatifs à une demande de suspension ne sont pas susceptibles de révision.L'ancien article 17, § 2, alinéa 2, excluait déjà cette révision. Désormais, l'exclusion de la révision s'applique aussi aux arrêts relatifs à une demande de mesures provisoires.

La disposition attaquée ferait naître une discrimination par rapport au recours en annulation et à la procédure de référé en matière civile et limiterait de manière discriminatoire le droit d'accès au juge, garanti par les dispositions conventionnelles invoquées, en cas de comportement procédural déloyal.

B.29.2. La différence de traitement entre certaines catégories de personnes qui découle de l'application de règles procédurales différentes dans des circonstances différentes n'est pas discriminatoire en soi. Il ne pourrait être question de discrimination que si la différence de traitement qui découle de l'application de ces règles de procédure entraînait une limitation disproportionnée des droits des personnes concernées.

B.29.3. En vertu de l'article 31 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, un recours en révision n'est recevable que si depuis l'arrêt il a été recouvré des pièces décisives qui auraient été retenues par le fait de l'adversaire ou si l'arrêt a été rendu sur la base de pièces reconnues ou déclarées fausses.

B.29.4. Par son arrêt n° 167/2014 du 13 novembre 2014, la Cour a jugé ce qui suit au sujet de cette disposition : « B.3. Les arrêts de la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat sont susceptibles des recours prévus dans les lois coordonnées sur le Conseil d'Etat. Il s'agit des voies de recours suivantes : pourvoi en cassation - fondé sur un conflit d'attribution -, opposition, tierce opposition et recours en révision.

En outre, l'article 17 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle prévoit un recours en rétractation d'un arrêt du Conseil d'Etat, qui peut être introduit si l'arrêt est fondé sur une norme législative qui a été annulée par la Cour ou sur un règlement pris en exécution d'une telle norme.

B.4.1. En vertu de la disposition en cause, un recours en révision n'est recevable que si depuis l'arrêt il a été recouvré des pièces décisives qui auraient été retenues par le fait de l'adversaire ou si l'arrêt a été rendu sur pièces reconnues ou déclarées fausses.

Il ressort des travaux préparatoires que le législateur a estimé qu'il fallait, ' pour la sécurité des situations juridiques, qu'au bout d'un laps de temps assez bref les arrêts du Conseil d'Etat puissent être considérés comme définitifs ' (Doc. parl., Chambre, 1951-1952, n° 586, p. 2) et que le recours en révision devait, pour cette raison, ' conserver un caractère extraordinaire ' (ibid., p. 1).

La nature des circonstances dans lesquelles un recours en révision peut être introduit de manière recevable fait apparaître que le législateur a uniquement voulu ouvrir ce recours dans les situations où le Conseil d'Etat avait manifestement été induit en erreur, soit par la production de pièces fausses, soit par la rétention de pièces.

B.4.2. Il ressort de la jurisprudence du Conseil d'Etat que le recours en révision doit être conçu de manière restrictive parce qu'il déroge au principe de base selon lequel lorsqu'une affaire a été tranchée, le juge a épuisé sa juridiction dans cette affaire (C.E., 30 octobre 2012, n° 221.228; 16 mai 2013, n° 223.490). La révision d'un arrêt n'est dès lors possible que dans les cas énumérés de manière limitative, qui doivent être interprétés strictement (ibid.).

B.5. Etant donné qu'un recours en révision ne peut être introduit de manière recevable que dans les cas énumérés dans la disposition en cause, il n'est pas possible de l'exercer au motif que le Conseil d'Etat a, à tort, déclaré un moyen irrecevable et ne l'a donc pas examiné quant au fond.

B.6. L'article 13 de la Constitution implique un droit d'accès au juge compétent. Ce droit est également garanti par l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme et par un principe général de droit.

L'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme garantit le droit à un recours effectif devant une instance nationale à toute personne dont les droits et libertés mentionnés dans cette Convention ont été violés.

B.7.1. Le droit d'accès au juge, qui constitue un aspect essentiel du droit à un procès équitable, suppose qu'une décision d'une autorité administrative puisse être soumise au contrôle ultérieur d'un organe juridictionnel disposant d'une compétence de pleine juridiction.

B.7.2. Il ressort de la jurisprudence du Conseil d'Etat que la plus haute juridiction administrative procède à un contrôle juridictionnel approfondi, tant au regard de la loi qu'au regard des principes généraux de droit. Le Conseil d'Etat examine à cet égard si la décision de l'autorité soumise à son contrôle est fondée en fait, si elle procède de qualifications juridiques correctes et si elle n'est pas manifestement disproportionnée aux objectifs poursuivis. Lorsqu'il annule cette dernière, l'autorité est tenue de se conformer à l'arrêt du Conseil d'Etat : si l'autorité prend une nouvelle décision, elle ne peut méconnaître les motifs de l'arrêt annulant la première décision; si elle s'en tient à l'annulation, la décision est réputée ne pas avoir été prise. En outre, le Conseil d'Etat peut, dans les conditions prévues par l'article 17 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, ordonner la suspension de l'exécution de la décision, le cas échéant en statuant en extrême urgence.

B.7.3. Les justiciables disposent donc d'un recours effectif devant une juridiction indépendante et impartiale contre toute décision administrative qui les affecterait directement et défavorablement.

B.8.1. Le droit d'accès au juge n'est pas absolu et peut être soumis à des conditions de recevabilité visant à assurer une bonne administration de la justice et à écarter les risques d'insécurité juridique (CEDH, 19 juin 2001, Kreuz c. Pologne, § 54; 11 octobre 2001, Rodriguez Valin c. Espagne, § 22; 10 janvier 2006, Teltronic CATV c. Pologne, § 47).

B.8.2. Le fait qu'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat soit soumis à des conditions de recevabilité ne conduit donc pas, en soi, à une situation incompatible avec le droit d'accès au juge.

B.9.1. Les conditions de recevabilité ne peuvent toutefois avoir pour effet de limiter le droit d'accès au juge d'une manière telle que le coeur de ce droit serait affecté; en outre, les tribunaux ne peuvent appliquer les règles de procédure d'une manière trop formaliste (CEDH, 12 novembre 2002, Zvolsky et Zvolsksá c. République Tchèque, § 47; 25 mai 2004, Kadlec et autres c. République Tchèque, § 26; 26 juillet 2007, Walchli c. France, § 29; 22 juillet 2010, Melis c. Grèce, §§ 27 et 28).

La compatibilité de conditions de recevabilité et de leur application avec le droit d'accès à un tribunal dépend des particularités de la procédure en cause et s'apprécie au regard de l'ensemble du procès (CEDH, 24 février 2009, L'Erablière c. Belgique, § 36; 29 mars 2011, R.T.B.F. c. Belgique, § 70).

B.9.2. La Cour n'est pas compétente pour apprécier, sur la base des éléments propres à un litige spécifique, si le constat d'irrecevabilité d'un moyen par un juge est compatible avec le droit d'accès au juge.

Il n'appartient pas non plus à la Cour de contrôler la disposition qui fonde un tel constat d'irrecevabilité au regard du droit d'accès au juge, puisqu'une telle disposition ne fait pas l'objet de la question posée à la Cour.

B.10.1. Ni l'article 13 de la Constitution, ni l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ne garantissent un droit à un double degré de juridiction (CEDH, grande chambre, 26 octobre 2000, Kudla c. Pologne, § 122; 18 décembre 2007, Marini c. Albanie, § 120; 17 juillet 2012, Muscat c. Maltes, § 42). Sauf en matière pénale, il n'existe en outre aucun principe général de droit qui impose l'existence d'un double degré de juridiction.

B.10.2. La limitation des griefs susceptibles d'aboutir à la révision d'un arrêt du Conseil d'Etat n'est pas, en tant que telle, incompatible avec le droit d'accès au juge, même s'il s'ensuit que certaines irrégularités qui entachent cette décision ne peuvent aboutir à son anéantissement ou à sa révision.

Il est dans la logique même d'un système de voies de recours que la portée de celui-ci tienne compte de l'autorité particulière dont sont revêtues les décisions rendues en dernier ressort, lesquelles sont en principe adoptées par des juridictions supérieures.

B.11. Eu égard à ce qui précède et au caractère exceptionnel du recours en révision, la disposition en cause, en prévoyant que ce recours ne peut être introduit de manière recevable que dans les circonstances - exceptionnelles - qu'elle définit, ne porte pas atteinte au droit d'accès au juge, tel qu'il est garanti par l'article 13 de la Constitution, combiné ou non avec les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme ».

B.29.5. L'exclusion, par la disposition attaquée, d'un recours en révision dirigé contre un arrêt relatif à une demande de suspension ou à une demande de mesures provisoires n'empêche pas la partie requérante de dénoncer, dans le déroulement ultérieur de la procédure, la fausseté ou la rétention de pièces.

B.29.6. Il résulte de ce qui précède que la disposition attaquée ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits des personnes concernées.

B.30. Les moyens ne sont pas fondés.

Quant au mandat ad litem (article 7, 5°, de la loi attaquée) B.31. Les parties requérantes dans l'affaire n° 5965 demandent l'annulation de l'article 7, 5°, de la loi attaquée. Elles font valoir que cette disposition viole les articles 10, 11, 23, 27, 170 et 172 de la Constitution, combinés ou non avec la Convention d'Aarhus et avec plusieurs directives européennes.

B.32. L'article 7, 5°, de la loi attaquée vise à introduire explicitement le mandat ad litem dans la procédure devant le Conseil d'Etat. Il complète l'article 19 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat par l'alinéa suivant : « Sauf preuve contraire, l'avocat est présumé avoir été mandaté par la personne capable qu'il prétend représenter ».

A ce sujet, les travaux préparatoires mentionnent ce qui suit : « Il apparaît donc souhaitable de revenir à une interprétation de l'article 440 du Code judiciaire qui soit commune à la Cour de cassation et au Conseil d'Etat. Cette interprétation n'empêche pas une partie au litige de contester la régularité de la décision d'agir.

Mais il lui reviendra, dans ce cas, de l'établir par toute voie de droit » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2277/1, p. 19).

B.33. L'article 3 de l'arrêté du Régent du 23 août 1948 déterminant la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat énumère les pièces devant être jointes à la requête. L'article 1er de l'arrêté royal du 28 janvier 2014 modifiant divers arrêtés relatifs à la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat a remplacé l'article 3, 4°, de l'arrêté précité du Régent par la disposition suivante : « 4° dans les cas où la partie requérante est une personne morale, une copie de ses statuts publiés et de ses statuts coordonnés en vigueur et, si cette personne morale n'est pas représentée par un avocat, de l'acte de désignation de ses organes ainsi que la preuve que l'organe habilité a décidé d'agir en justice ».

Il ressort du Rapport au Roi que l'article 3, 4°, de l'arrêté du Régent a été adapté « pour tenir compte de l'instauration du mandat ad litem par la loi du 20 janvier 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/01/2014 pub. 03/02/2014 numac 2014000082 source service public federal interieur Loi portant réforme de la compétence, de la procédure et de l'organisation du Conseil d'Etat fermer. La production des statuts de la personne morale demeure en toute hypothèse requise. Mais il en va différemment des autres pièces, lorsque cette personne morale est représentée par un avocat » (Moniteur belge, 3 février 2014, p. 9081).

B.34. Les parties requérantes font essentiellement valoir que tant les personnes morales qui sont représentées par un avocat que les personnes morales qui sont représentées par un organe ne seraient pas tenues de produire la décision d'agir en justice prise par l'organe compétent, mais uniquement de démontrer leur intérêt à agir. En outre, cet intérêt pourrait être un intérêt collectif.

B.35. Il ressort de ce qui précède que l'obligation de produire la preuve de la décision d'agir prise par l'organe compétent ne découle pas de la disposition attaquée, mais de l'arrêté du Régent.

Dans la mesure où le grief concerne la condition de l'intérêt, elle ne découle pas non plus de la disposition attaquée, qui règle uniquement la question de la représentation des parties devant le Conseil d'Etat.

B.36. Le moyen n'est pas fondé.

Quant à la perte de l'intérêt (article 8 de la loi attaquée) B.37. Les parties requérantes dans l'affaire n° 5959 demandent l'annulation de l'article 8 de la loi attaquée. Elles font valoir que cette disposition viole les articles 10, 11 et 13 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec le droit d'accès au juge et avec l'article 9 de la Convention d'Aarhus.

B.38. La disposition attaquée remplace l'article 21 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat. Comme c'était le cas dans la version antérieure, l'alinéa 2 règle la suite de la procédure lorsque la partie requérante ne respecte pas les délais prévus pour l'envoi de certains mémoires. Cet alinéa dispose : « Lorsque la partie requérante ne respecte pas les délais prévus pour l'envoi du mémoire en réplique ou du mémoire ampliatif, la section statue sans délai, les parties entendues à leur demande, en constatant l'absence de l'intérêt requis ».

B.39. Avant l'entrée en vigueur de la disposition attaquée, l'article 21, alinéa 2, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat prévoyait déjà les mêmes règles. La seule modification a été de remplacer le terme « mémoire complémentaire » par le terme « mémoire ampliatif ».

C'est précisément cette modification que les parties requérantes dénoncent. Elles font valoir que la partie requérante qui ne doit pas répliquer à un mémoire en réponse - parce que la partie adverse n'a pas introduit un tel mémoire - est néanmoins toujours tenue d'introduire un mémoire ampliatif, sous peine de perdre son intérêt à la procédure. Il ne serait pas raisonnablement justifié de traiter la partie requérante qui n'introduit pas de mémoire ampliatif de la même manière que la partie requérante qui omet d'introduire un mémoire en réplique après notification du mémoire en réponse introduit par la partie adverse. En outre, la mesure témoignerait d'un formalisme extrême et la perte de l'intérêt à la procédure limiterait le droit d'accès au juge de manière illicite.

B.40.1. Le droit d'accès au juge n'est pas absolu. Les conditions que le législateur pose à l'exercice de ce droit ne peuvent toutefois avoir pour effet de limiter ce droit à un point tel que celui-ci s'en trouverait atteint dans sa substance même. Tel serait le cas si les restrictions imposées ne tendaient pas vers un but légitime ou s'il n'existait pas un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. La compatibilité de ces limitations avec le droit d'accès à un tribunal dépend des particularités de la procédure en cause et s'apprécie au regard de l'ensemble du procès (CEDH, 24 février 2009, L'Erablière c. Belgique, § 36; 29 mars 2011, RTBF c. Belgique, §§ 69-70).

B.40.2. Par son arrêt n° 112/2013 du 31 juillet 2013, la Cour a jugé comme suit la version antérieure de l'article 21, alinéa 2, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat : « B.9.1. La règle selon laquelle l'absence de transmission d'un mémoire en réplique dans le délai imparti commande au Conseil d'Etat de constater en principe l'absence de l'intérêt requis a été insérée dans les lois coordonnées par l'article 1er de la loi du 17 octobre 1990.

Attachant ' des conséquences graves au non-respect ' de ce délai, cette règle fait partie d'une série de mesures visant à réduire la durée de la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat, afin de résorber l'arriéré de cette juridiction (Doc. parl., Sénat, 1989-1990, n° 984-1, pp. 1-3; ibid., n° 984-2, p. 2).

B.9.2. Lorsqu'il notifie le mémoire en réponse de la ' partie adverse ' à la ' partie requérante ', le greffe du Conseil d'Etat fait mention du texte de l'article 21, alinéa 2, des lois coordonnées le 12 janvier 1973 (article 14bis, § 2, de l'arrêté du Régent du 23 août 1948, remplacé par l'article 1er d'un arrêté royal du 26 juin 2000), de sorte que l'auteur du recours en annulation est à nouveau informé des conséquences du non-respect du délai de soixante jours dans lequel il lui est permis de transmettre son mémoire en réplique.

Le contenu de ce mémoire peut se limiter à la manifestation par la ' partie requérante ' de la persistance de son intérêt.

Si le délai précité de soixante jours n'est pas respecté, le greffe du Conseil d'Etat informe l'auteur du recours en annulation et les autres parties que la section du contentieux administratif constatera l'absence de l'intérêt requis dans le chef de l'auteur du recours en annulation, à moins que l'une de ces parties ne demande à être entendue (article 14bis, § 1er, alinéa 1er, de l'arrêté du Régent du 23 août 1948, remplacé par l'article 1er d'un arrêté royal du 26 juin 2000). Dans le cas où une telle demande est formulée, toutes les parties sont convoquées à comparaître à bref délai et entendues (article 14bis, § 1er, alinéa 3, du même arrêté du Régent, remplacé par l'article 1er du même arrêté royal). La ' partie requérante ' est alors libre d'exposer les raisons pour lesquelles elle a transmis son mémoire en réplique après l'expiration du délai imparti (Doc. parl., Sénat, 1989-1990, n° 984-1, p. 3). Elle peut alors échapper à la lourde sanction d'irrecevabilité du recours qui découle, en principe, du non-respect du délai précité, en démontrant l'existence d'une force majeure (CE, 24 octobre 2001, n° 100.155, Willicquet; 2 mars 2007, n° 168.444, Fédération royale belge des transporteurs et autres; 29 juin 2012, n° 220.116, Robe; 11 septembre 2012, n° 220.559, TNT Airways).

B.9.3. La limitation du droit d'accès au tribunal constituée par la disposition en cause est donc raisonnablement proportionnée à l'objectif légitime poursuivi ».

B.40.3. Il n'y a pas lieu de conclure autrement en ce qui concerne la version actuelle de la disposition attaquée. L'obligation, lorsque la partie adverse ne dépose pas de mémoire en réponse, de transmettre, dans les délais, un mémoire ampliatif, dont le contenu peut se limiter à la simple confirmation de ce que la partie requérante persiste dans sa requête, est une exigence de forme qui n'entraîne pas une charge disproportionnée au regard dudit objectif. Le législateur peut attendre de toute partie requérante qu'elle coopère au déroulement rapide et efficace de la procédure devant le Conseil d'Etat, ce qui implique que tout requérant soit attentif aux diverses étapes de la procédure et manifeste la persistance de son intérêt à poursuivre la procédure.

B.41. Le moyen n'est pas fondé.

Quant à l'intérêt au moyen (article 2, 3°, de la loi attaquée) B.42. Les parties requérantes dans l'affaire n° 6017 demandent l'annulation de l'article 2, 3°, de la loi attaquée. Elles font valoir que cette disposition viole les articles 10, 11, 23 et 27 de la Constitution, combinés ou non avec des dispositions de droit international et avec le droit d'accès au juge. Plus précisément, la disposition attaquée établirait une différence de traitement entre les parties requérantes, selon que l'irrégularité alléguée, qui peut influer sur la portée de la décision prise, peut ou non avoir une incidence concrète sur leur situation personnelle et selon qu'elles pourraient ou non démontrer que l'irrégularité alléguée peut avoir une incidence sur la portée de la décision prise. La disposition attaquée porterait ainsi une atteinte discriminatoire au droit d'accès au juge pour les associations qui défendent un intérêt collectif et entraînerait une baisse considérable de la protection de l'environnement.

B.43. Comme il est dit en B.6, la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat statue, par voie d'arrêts, sur les recours en annulation pour violation des formes soit substantielles, soit prescrites à peine de nullité, excès ou détournement de pouvoir, formés contre les actes et règlements (article 14, § 1er, alinéa 1er, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat).

La section du contentieux administratif annule en règle générale un acte administratif attaqué lorsque celui-ci est irrégulier. La disposition attaquée insère toutefois dans l'article 14, § 1er, un nouvel alinéa 2, qui énonce : « Les irrégularités visées à l'alinéa 1er ne donnent lieu à une annulation que si elles ont été susceptibles d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise, ont privé les intéressés d'une garantie ou ont pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte ».

B.44.1. Dans les travaux préparatoires, la portée de cette disposition a été précisée comme suit : « S'inspirant de l'arrêt Danthony rendu en décembre 2011 par l'assemblée générale du Conseil d'Etat de France, le projet de loi rappelle la nécessité d'un intérêt au moyen. Il s'agit d'éviter que l'annulation ne puisse être prononcée sur le fondement d'une irrégularité alors que son accomplissement n'aurait eu aucune incidence concrète sur la situation du requérant. [...] Cette nouvelle disposition tend à rappeler la nécessité d'un intérêt au moyen en évitant que l'annulation ne puisse être prononcée sur le fondement d'une irrégularité qui n'aurait eu aucune incidence concrète sur la situation du requérant, l'aurait privé d'une garantie ou aurait pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte. Cette mesure n'affecte, cependant, pas la jurisprudence relative aux dispositions qui sont d'ordre public, ni ne modifie la notion d'intérêt au recours telle qu'interprétée par le Conseil d'Etat. Elle est étrangère aussi à la compétence de l'auteur de l'acte ou même aux formalités substantielles susceptibles de l'affecter » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2277/1, pp. 4 et 11).

B.44.2. La disposition attaquée consacre dans la loi l'exigence de l'intérêt au moyen, telle qu'elle découle de la jurisprudence constante de la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat. Selon cette jurisprudence, le requérant n'est en principe recevable à invoquer une irrégularité que lorsque celle-ci lèse ses intérêts.

B.44.3. Les parties requérantes semblent d'abord craindre de ne plus pouvoir invoquer une irrégularité devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat lorsque cette irrégularité n'affecte pas leur situation personnelle. Ni la mesure ni les précisions contenues dans les travaux préparatoires ne sont susceptibles de fonder cette crainte. La mesure attaquée exige uniquement que les irrégularités en question aient pu avoir une influence sur le sens de la décision prise, aient privé les intéressés d'une garantie ou aient pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte. Les travaux préparatoires mentionnent certes que l'annulation peut être prononcée sur la base d'une irrégularité « alors que son accomplissement n'aurait eu aucune incidence concrète sur la situation du requérant », mais ils ne font pas mention de la situation personnelle du requérant.

Dans cette interprétation, la disposition attaquée n'a dès lors pas la portée que les parties requérantes lui donnent et ne crée pas les différences de traitement invoquées. En particulier, la mesure n'a pas pour effet qu'une association requérante qui poursuit un intérêt collectif puisse seulement invoquer des moyens auxquels l'association a un intérêt personnel. Au contraire, comme c'était le cas avant l'entrée en vigueur de la disposition attaquée, cette association peut pleinement invoquer des irrégularités qui lèsent l'intérêt collectif qu'elle poursuit.

B.44.4. En ce qui concerne le droit de l'Union, et en particulier l'article 10bis de la directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement (actuellement l'article 11 de la directive 2011/92/UE), la Cour de justice a jugé ce qui suit : « 37. A titre liminaire, il convient de constater que l'article 10bis, premier alinéa, de la directive 85/337 prévoit que les décisions, actes ou omissions visés audit article doivent pouvoir faire l'objet d'un recours juridictionnel pour en ' contester la légalité, quant au fond ou à la procédure ', sans limiter aucunement les moyens qui peuvent être invoqués à l'appui d'un tel recours. 38. S'agissant des conditions de recevabilité des recours, cette disposition retient deux hypothèses : la recevabilité d'un recours peut être subordonnée à un ' intérêt suffisant pour agir ' ou à ce que le requérant fasse valoir une ' atteinte à un droit ' selon que la législation nationale fait appel à l'une ou à l'autre de ces conditions.39. L'article 10bis, troisième alinéa, première phrase, de la directive 85/337 précise ensuite que les Etats membres sont tenus de déterminer ce qui constitue une atteinte à un droit, en conformité avec l'objectif visant à donner au public concerné ' un large accès à la justice '.40. A l'égard des recours introduits par les associations de défense de l'environnement, l'article 10bis, troisième alinéa, deuxième et troisième phrases, de la directive 85/337 ajoute que, à cette fin, celles-ci doivent être considérées comme ayant soit un intérêt suffisant, soit des droits auxquels il peut être porté atteinte, selon que la législation nationale fait appel à l'une ou à l'autre de ces conditions de recevabilité.41. Ces différentes dispositions doivent être interprétées à la lumière et compte tenu des objectifs de la convention d'Aarhus sur laquelle, ainsi qu'il résulte du cinquième considérant de la directive 2003/35, la législation de l'Union doit être ' correctement alignée '.42. Il en résulte que, quelle que soit l'option d'un Etat membre quant au critère de recevabilité d'un recours, les associations de protection de l'environnement sont en droit, conformément à l'article 10bis de la directive 85/337, de former un recours devant une instance juridictionnelle ou un autre organe indépendant et impartial établi par la loi pour contester la légalité, quant au fond ou à la procédure, des décisions, actes ou omissions visés audit article.43. Enfin, il y a également lieu de rappeler que, lorsque, en l'absence de règles fixées dans ce domaine par le droit de l'Union, il appartient à l'ordre juridique de chaque Etat membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l'Union, ces modalités ne doivent pas être moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne (principe de l'équivalence) et ne doivent pas rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique de l'Union (principe d'effectivité).44. Ainsi, s'il appartient aux Etats membres de déterminer, lorsque tel est leur système juridique, quels sont les droits dont la violation peut donner lieu à un recours en matière d'environnement, dans les limites imparties par l'article 10bis de la directive 85/337, ceux-ci ne sauraient, en procédant à cette détermination, priver les associations de défense de l'environnement, qui répondent aux exigences visées à l'article 1er, paragraphe 2, de cette directive, de la possibilité de jouer le rôle qui leur est reconnu tant par la directive 85/337 que par la convention d'Aarhus.45. S'agissant d'une législation telle que celle en cause au principal, s'il est loisible au législateur national de limiter les droits dont la violation peut être invoquée par un particulier dans le cadre d'un recours juridictionnel contre l'un des décisions, actes ou omissions visés à l'article 10bis de la directive 85/337, aux seuls droits subjectifs publics, une telle limitation ne peut s'appliquer telle quelle aux associations de défense de l'environnement sauf à méconnaître les objectifs de l'article 10bis, troisième alinéa, dernière phrase, de la directive 85/337.46. En effet, si, ainsi qu'il ressort de cette disposition, ces associations doivent pouvoir faire valoir les mêmes droits que les particuliers, il serait contraire à l'objectif d'assurer au public concerné un large accès à la justice, d'une part, ainsi qu'au principe d'effectivité, d'autre part, que lesdites associations ne puissent également faire valoir l'atteinte à des normes issues du droit de l'Union de l'environnement au seul motif que celles-ci protègent des intérêts collectifs.En effet, ainsi que le montre le litige au principal, cela les priverait très largement de la possibilité de faire contrôler le respect des normes issues de ce droit, lesquelles sont, le plus souvent, tournées vers l'intérêt général et non vers la seule protection des intérêts des particuliers pris individuellement. 47. Il en résulte tout d'abord que la notion d'' atteinte à un droit ' ne saurait dépendre de conditions que seules d'autres personnes physiques ou morales pourraient remplir, telles, par exemple, la condition d'être voisin plus ou moins proche d'une installation, ou celle de subir d'une manière ou d'une autre les effets de son fonctionnement.48. Il en résulte, plus généralement, que l'article 10bis, troisième alinéa, dernière phrase, de la directive 85/337, doit être lu en ce sens que, au nombre des ' droits susceptibles de faire l'objet d'une atteinte ', dont les associations de défense de l'environnement sont réputées bénéficier, doivent nécessairement figurer les règles du droit national qui mettent en oeuvre la législation de l'Union en matière d'environnement, ainsi que les règles du droit de l'Union de l'environnement d'effet direct » (CJUE, 12 mai 2011, C-115/09, Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland). La Cour de justice a ensuite dit pour droit que l'article 10bis de la directive 85/337/CEE (actuellement l'article 11 de la directive 2011/92/UE) s'oppose à une législation qui ne reconnaît pas à une organisation non gouvernementale qui oeuvre en faveur de la protection de l'environnement, visée à l'article 1er, paragraphe 2, de cette directive, la possibilité d'invoquer en justice, dans le cadre d'un recours contre une décision d'autorisation de projets « susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement » au sens de l'article 1er, paragraphe 1, de la directive 85/337/CEE (actuellement l'article 1er, paragraphe 1, de la directive 2011/92/UE), la violation d'une règle découlant du droit de l'Union et ayant pour objet la protection de l'environnement, au motif que cette règle ne protège que les seuls intérêts de la collectivité et non pas ceux des particuliers.

B.44.5. Les parties requérantes semblent craindre encore de ne plus pouvoir invoquer une irrégularité devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat lorsqu'elles ne sont pas en mesure de démontrer que l'irrégularité alléguée peut avoir une influence sur le sens de la décision prise. Ni la mesure ni les précisions contenues dans les travaux préparatoires ne sont susceptibles de fonder cette crainte. Au contraire, il découle du libellé de la disposition attaquée que le Conseil d'Etat doit lui-même constater que la décision attaquée n'aurait pas été différente sans le vice de procédure invoqué par le requérant.

Dans cette interprétation, la disposition attaquée n'a dès lors pas la portée que les parties requérantes lui donnent et ne crée pas la différence de traitement alléguée. En particulier, la mesure n'a pas pour effet qu'un requérant doive lui-même prouver que l'irrégularité alléguée peut avoir une influence sur le sens de la décision prise.

B.44.6. En ce qui concerne l'article 10bis de la directive 85/337/CEE (actuellement l'article 11 de la directive 2011/92/UE), la Cour de justice a jugé ce qui suit : « 47. En l'occurrence, et s'agissant, en premier lieu, du critère tiré du lien de causalité qui doit exister entre le vice de procédure invoqué et le sens de la décision finale contestée (ci-après : le ' critère de causalité '), il doit être relevé que, en exigeant que les Etats membres veillent à ce que les membres du public concerné puissent former un recours pour contester la légalité, quant au fond ou à la procédure, des décisions, des actes ou des omissions relevant des dispositions de la directive 85/337, le législateur de l'Union n'a, comme il a été rappelé au point 36 du présent arrêt, aucunement limité les moyens qui peuvent être invoqués à l'appui d'un recours. Il n'a, dans tous les cas, pas entendu lier la possibilité d'invoquer un vice de procédure à la condition qu'il ait une incidence sur le sens de la décision finale contestée. 48. Au demeurant, dès lors que cette directive a notamment pour objet de fixer des garanties procédurales permettant en particulier une meilleure information et une participation du public dans le cadre de l'évaluation des incidences sur l'environnement des projets publics et privés susceptibles d'avoir un impact important sur cet environnement, le contrôle du respect des règles de procédure dans ce domaine revêt une importance particulière.Conformément à l'objectif visant à lui donner un large accès à la justice, le public concerné doit donc pouvoir, par principe, invoquer tout vice de procédure à l'appui d'un recours en contestation de la légalité des décisions visées par ladite directive. 49. Toutefois, il ne saurait être contesté que tout vice de procédure n'emporte pas nécessairement de conséquences de nature à affecter le sens d'une telle décision et que, par suite, il ne peut, dans ce cas, être regardé comme lésant dans ses droits celui qui l'invoque.Dans un tel cas, il n'apparaît pas que l'objectif de la directive 85/337 visant à donner au public concerné un large accès à la justice serait compromis si le droit d'un Etat membre considérait qu'un requérant s'appuyant sur un vice de cette nature devrait être considéré comme n'étant pas atteint dans ses droits et, par suite, comme n'étant pas recevable à contester une telle décision. 50. A cet égard, il convient de rappeler que l'article 10bis de cette directive laisse aux Etats membres une marge de manoeuvre appréciable pour déterminer ce qui constitue une atteinte à un droit (voir, en ce sens, arrêt Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland, Landesverband Nordrhein-Westfalen, précité, point 55).51. Dans ces conditions, il pourrait être admis que le droit national ne reconnaisse pas l'atteinte à un droit au sens de l'article 10bis, sous b), de ladite directive s'il est établi qu'il est envisageable, selon les circonstances de l'espèce, que la décision contestée n'aurait pas été différente sans le vice de procédure invoqué » (CJUE, 7 novembre 2013, C-72/12, Gemeinde Altrip). La Cour de justice a ensuite dit pour droit que l'article 10bis, point b, de la directive 85/337/CEE, telle qu'elle a été modifiée par la directive 2003/35/CE (actuellement l'article 11, paragraphe 1, point b), de la directive 2011/92/UE), devait être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à une jurisprudence nationale qui ne reconnaît pas l'atteinte à un droit au sens de cet article s'il est établi qu'il est envisageable, au regard des circonstances de l'espèce, que la décision contestée n'aurait pas été différente sans le vice de procédure invoqué par le demandeur. Il ne peut toutefois en aller ainsi qu'à la condition que l'instance juridictionnelle ou l'organe saisis du recours ne fassent aucunement peser la charge de la preuve à cet égard sur le demandeur et se prononcent au vu, le cas échéant, des éléments de preuve fournis par le maître de l'ouvrage ou les autorités compétentes et, plus généralement, au vu de l'ensemble des pièces du dossier qui leur est soumis, en tenant compte notamment du degré de gravité du vice invoqué et en vérifiant en particulier, à ce titre, s'il a privé le public concerné d'une des garanties instituées en vue de lui permettre, conformément aux objectifs de la directive 85/337, d'avoir accès à l'information et de participer au processus de décision (voy. les conclusions de l'avocat général M. Wathelet du 21 mai 2015, dans l'affaire C-137/14, Commission européenne c. République fédérale d'Allemagne, points 95-101).

B.44.7. Dès lors que la disposition attaquée peut être interprétée en conformité avec le droit de l'Union, il appartient tant à la Cour qu'au Conseil d'Etat d'interpréter cette disposition en conformité avec le droit de l'Union (CJUE, 13 novembre 1990, C-106/89, Marleasing, point 8).

B.45. Sous réserve des interprétations mentionnées en B.44.3, B.44.5 et B.44.6, le moyen n'est pas fondé.

Quant au maintien des effets (article 3 de la loi attaquée) B.46. Les parties requérantes dans l'affaire n° 6017 demandent l'annulation de l'article 3 de la loi attaquée. Elle font valoir que cette disposition viole les articles 10, 11, 13 et 23 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 159 de la Constitution et avec des dispositions de droit international.

B.47. La possibilité dont dispose le Conseil d'Etat de maintenir les effets d'un acte administratif annulé est prévue à l'article 14ter des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat. Avant l'entrée en vigueur de la loi attaquée, cette disposition énonçait : « Si la section du contentieux administratif l'estime nécessaire, elle indique, par voie de disposition générale, ceux des effets des dispositions d'actes réglementaires annulées qui doivent être considérés comme définitifs ou maintenus provisoirement pour le délai qu'elle détermine ».

La disposition attaquée a remplacé l'article 14ter comme suit : « A la demande d'une partie adverse ou intervenante, et si la section du contentieux administratif l'estime nécessaire, elle indique ceux des effets des actes individuels annulés ou, par voie de disposition générale, ceux des effets des règlements annulés, qui doivent être considérés comme définitifs ou maintenus provisoirement pour le délai qu'elle détermine.

La mesure visée à l'alinéa 1er ne peut être ordonnée que pour des raisons exceptionnelles justifiant de porter atteinte au principe de la légalité, par une décision spécialement motivée sur ce point et après un débat contradictoire. Cette décision peut tenir compte des intérêts des tiers ».

B.48. Il relève du pouvoir d'appréciation du Conseil d'Etat, comme c'était déjà le cas en application de la version antérieure de l'article 14ter, de maintenir ou non, provisoirement ou définitivement, certains des effets de l'acte administratif annulé, mais le maintien peut désormais uniquement être ordonné à la demande d'une partie adverse ou intervenante, pour des raisons exceptionnelles justifiant de porter atteinte au principe de la légalité, après un débat contradictoire et par une décision spécialement motivée qui peut tenir compte des intérêts des tiers. En outre, selon la nouvelle rédaction de l'article 14ter, peuvent être maintenus non seulement les effets de règlements annulés, mais également les effets d'actes individuels annulés.

Les griefs des parties requérantes n'ont toutefois pas trait aux adaptations précitées de l'article 14ter, mais aux effets d'une décision de maintien. Les parties requérantes dénoncent le fait que le justiciable ne peut plus contester la légalité d'un acte administratif lorsque le Conseil d'Etat en a maintenu les effets, par application de l'article 14ter, alors qu'il peut la contester lorsque l'article 14ter n'a pas été appliquée, spécialement lorsqu'une violation du droit de l'Union a été invoquée. Par suite des conditions qui découlent de la jurisprudence de la Cour de justice, il existerait également une différence de traitement entre les justiciables, selon qu'ils invoquent une violation du droit de l'Union ou une violation du droit interne. Enfin, la disposition attaquée réduirait considérablement la protection de l'environnement, en ce que les effets d'un acte administratif annulé peuvent être maintenus, même lorsqu'a été constatée une violation du droit de l'Union concernant la protection de l'environnement et également lorsqu'une telle violation a été invoquée mais que l'acte administratif a été annulé sur une autre base.

B.49. Les travaux préparatoires précisent la portée de la disposition attaquée comme suit : « Le caractère rétroactif d'un arrêt d'annulation peut avoir des conséquences disproportionnées ou mettre en péril notamment la sécurité juridique, dans certaines circonstances.

Par son arrêt n° 18/2012 du 9 février 2012, la Cour constitutionnelle a jugé que la possibilité pour le Conseil d'Etat de moduler dans le temps l'effet de ses arrêts ne viole pas les articles 10, 11 et 13, combinés avec l'article 159, de la Constitution. Cet arrêt a été confirmé en tout point par celui n° 14/2013 du 21 février 2013.

Cette possibilité n'existe actuellement que pour les actes réglementaires. Le projet de loi l'étend aux actes individuels. Le maintien de leurs effets devra aussi avoir été demandé par la partie adverse ou intervenante et ne pourra être décidé qu'en cas de circonstances exceptionnelles, au terme d'un débat contradictoire entre les parties. Le législateur entend ainsi renforcer les garanties liées à la mise en oeuvre de cette procédure dérogatoire, qui est étendue aux actes individuels » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2277/1, p. 5).

B.50.1. La Cour a déjà été interrogée sur la compatibilité de l'article 14ter, avant sa modification par la disposition attaquée, avec les articles 10, 11 et 13, combinés avec l'article 159, de la Constitution, dans l'interprétation selon laquelle il ne permet pas au justiciable d'obtenir que les cours et tribunaux écartent l'application d'un arrêté réglementaire que le Conseil d'Etat a annulé mais dont les effets ont été maintenus, alors qu'une telle faculté est ouverte au justiciable lorsqu'il n'a pas été fait application de l'article 14ter.

Par son arrêt n° 18/2012 du 9 février 2012, la Cour a jugé : « B.8.1. Si le contrôle juridictionnel incident de la légalité des actes administratifs, garanti par l'article 159 de la Constitution, a pu, à l'origine, être conçu comme absolu, il ne peut être fait abstraction aujourd'hui, pour en déterminer la portée, d'autres dispositions constitutionnelles et de conventions internationales.

L'article 160 de la Constitution consacre l'existence du Conseil d'Etat. Il attribue au législateur le pouvoir de déterminer ses compétences et son mode de fonctionnement. Dans la mesure où le Constituant a entendu, de la sorte, consacrer le contrôle objectif de la légalité des actes administratifs, le contrôle juridictionnel de légalité, prévu à l'article 159 de la Constitution, doit raisonnablement tenir compte de l'effet utile des arrêts d'annulation du Conseil d'Etat et des modalités dont ils peuvent être assortis.

En outre, le contrôle prévu à l'article 159 de la Constitution doit être interprété en combinaison avec le principe de la sécurité juridique qui est inhérent à l'ordre juridique interne, ainsi qu'à l'ordre juridique de l'Union européenne et à la Convention européenne des droits de l'homme (voir l'arrêt n° 125/2011, B.5.4). En effet, la Cour tient compte de ce principe lorsqu'elle exerce son contrôle sur la base des dispositions constitutionnelles au regard desquelles elle exerce un contrôle direct.

B.8.2. Il s'ensuit que, si l'article 159 de la Constitution ne prévoit, explicitement, aucune restriction au mode de contrôle de légalité qu'il consacre, une telle restriction se justifie néanmoins si elle est nécessaire pour assurer le respect d'autres dispositions constitutionnelles ou de droits fondamentaux. Tenu de garantir notamment le principe de sécurité juridique, le législateur se doit de régler le mode de contrôle de l'action administrative, ce qui peut exiger des restrictions au contrôle juridictionnel incident de la légalité des actes réglementaires, pour autant que ces restrictions soient proportionnées au but légitime poursuivi.

B.9.1. Par ailleurs, lorsqu'elle vérifie le respect par le législateur du principe d'égalité et de non-discrimination et de l'article 13 de la Constitution, la Cour doit également tenir compte des droits conférés aux justiciables par l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.9.2. Cette disposition garantit à chacun le droit à ce qu'un juge connaisse de toute contestation relative à ses droits et obligations de caractère civil. Un tel droit d'accès constitue en effet un élément inhérent au droit au procès équitable (CEDH, 21 février 1975, Golder c. Royaume-Uni, § 36). Bien que fondamental dans un Etat de droit, le droit d'accès au juge n'est toutefois pas absolu et ' il y a place, en dehors des limites qui circonscrivent le contenu même de tout droit, pour des limitations implicitement admises ' (ibid., § 38).

B.9.3. Ainsi, la Cour européenne des droits de l'homme a accepté, à plusieurs reprises, que des actes d'autorités publiques continuent à produire leurs effets, malgré leur irrégularité, en raison du respect dû au principe de sécurité juridique (Comm. eur. D.H., décision, 26 juin 1996, Mika c. Autriche; CEDH, décision, 16 mars 2000, Walden c.

Liechtenstein; CEDH, décision, 6 novembre 2003, Roshka c. Russie;

CEDH, 22 juillet 2010, P.B. et J.S. c. Autriche, §§ 48-49).

En l'espèce, le législateur a cherché à ménager un équilibre entre le principe de légalité des actes réglementaires, consacré à l'article 159 de la Constitution, et le principe de sécurité juridique. Il a confié à une juridiction le soin de déterminer si des raisons exceptionnelles justifiaient que les effets d'un acte réglementaire illégal soient maintenus tout en exigeant qu'ils ne le soient que par voie de disposition générale afin d'éviter toute discrimination entre les justiciables. S'il l'estime nécessaire, en fonction des circonstances de l'espèce, le Conseil d'Etat peut néanmoins excepter du maintien des effets du règlement annulé les justiciables qui ont introduit, dans les délais, un recours en annulation contre ce règlement litigieux et ceci dans le respect du principe d'égalité et de non-discrimination.

B.9.4. Il s'ensuit qu'en adoptant la disposition en cause, le législateur a instauré un juste équilibre entre l'importance de remédier à chaque situation contraire au droit et le souci de ne plus mettre en péril, après un certain temps, des situations existantes et des attentes suscitées ».

B.50.2. La Cour a ensuite été interrogée sur la compatibilité de l'article 14ter, avant sa modification par la disposition attaquée, avec les articles 10 et 11 de la Constitution, dans la mesure où il entraîne une différence de traitement entre les personnes qui peuvent être confrontées à l'annulation d'une disposition réglementaire et les personnes qui peuvent être confrontées à l'annulation d'une décision individuelle.

Par ses arrêts n° 154/2012 du 20 décembre 2012 et n° 14/2013 du 21 février 2013, la Cour a jugé : « B.5. Il appartient au législateur d'instaurer, dans le respect des articles 10 et 11 de la Constitution, un juste équilibre entre l'importance de remédier à chaque situation contraire au droit et le souci de ne plus mettre en péril, après un certain temps, des situations existantes et des attentes suscitées.

B.6. La nécessité d'éviter - dans des cas exceptionnels - que l'effet rétroactif d'une annulation mette à mal des ' situations juridiques acquises ' (Doc. parl., Sénat, 1995-1996, n° 1-321/2, p. 7) peut, certes, se faire sentir tant à l'égard de décisions individuelles qu'à l'égard de dispositions réglementaires.

Néanmoins, en réalisant le juste équilibre mentionné en B.5, le législateur a pu tenir compte du fait que le risque d'effets disproportionnés d'une annulation est supérieur lorsqu'il s'agit d'une disposition réglementaire qui, par définition, a pour destinataires un nombre indéterminé de personnes.

B.7. Sans se prononcer sur la constitutionnalité d'une autre option, telle que celle que le législateur a envisagée au cours des travaux préparatoires cités en B.2.3, la Cour constate qu'il n'est pas sans justification raisonnable de limiter aux dispositions réglementaires la possibilité d'un maintien des effets ».

B.50.3. Dans les arrêts précités, qui ont été rendus en réponse à des questions préjudicielles, la Cour a chaque fois limité son examen à l'hypothèse qu'aucun élément du litige n'entrait dans le champ d'application du droit de l'Union européenne.

Dans ces arrêts, la Cour ne devait par conséquent pas tenir compte des limitations qui peuvent découler de ce droit en ce qui concerne le maintien des effets de normes nationales qui doivent être annulées ou être déclarées inapplicables parce qu'elles sont contraires à ce droit de l'Union européenne.

B.50.4. Selon la Cour de justice, le droit de l'Union peut faire obstacle au maintien des effets. Il ressort en particulier d'un arrêt du 8 septembre 2010 qu'une suspension provisoire de l'effet qu'une règle du droit de l'Union directement applicable exerce sur le droit national contraire à celle-ci, à savoir son éviction, pourrait uniquement être autorisée par la Cour de justice; seule la Cour de justice peut déterminer les conditions d'une telle suspension (CJUE, grande chambre, 8 septembre 2010, C-409/06, Winner Wetten, point 67).

Cette même obligation s'applique également lorsque le Conseil d'Etat a déclaré que l'annulation de dispositions réglementaires n'a effet qu'à une date ultérieure. Une suspension provisoire de l'effet qu'une règle du droit de l'Union directement applicable exerce sur le droit national contraire à celle-ci, à savoir son éviction, pourrait uniquement être autorisée par la Cour de justice.

B.50.5. Par un arrêt du 28 février 2012, la Cour de justice a toutefois jugé que le maintien des effets d'un acte national qui a été annulé en raison d'une violation du droit européen était compatible avec le droit européen, mais elle y a attaché des conditions restrictives. La Cour de justice autorise un tel maintien des effets si le juge est confronté à « l'existence d'une considération impérieuse liée à la protection de l'environnement » (CJUE, grande chambre, 28 février 2012, C-41/11, Inter-Environnement Wallonie, point 58). La Cour de justice a ensuite dit pour droit : « Lorsqu'une juridiction nationale est saisie, sur le fondement de son droit national, d'un recours tendant à l'annulation d'un acte national constituant un ' plan ' ou ' programme ' au sens de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001, relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement, et qu'elle constate qu'un tel ' plan ' ou ' programme ' a été adopté en méconnaissance de l'obligation prévue par cette directive de procéder à une évaluation environnementale préalable, cette juridiction est tenue d'adopter toutes les mesures générales ou particulières prévues par son droit national afin de remédier à l'omission d'une telle évaluation, y compris l'éventuelle suspension ou annulation du ' plan ' ou ' programme ' attaqué.

Cependant, compte tenu des circonstances spécifiques de l'affaire au principal, la juridiction de renvoi pourra exceptionnellement être autorisée à faire usage de sa disposition nationale l'habilitant à maintenir certains effets d'un acte national annulé pour autant que : - cet acte national constitue une mesure de transposition correcte de la directive 91/676/CEE du Conseil, du 12 décembre 1991, concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles; - l'adoption et l'entrée en vigueur du nouvel acte national contenant le programme d'action au sens de l'article 5 de cette directive ne permettent pas d'éviter les effets préjudiciables sur l'environnement découlant de l'annulation de l'acte attaqué; - l'annulation de cet acte attaqué aurait pour conséquence de créer un vide juridique en ce qui concerne la transposition de la directive 91/676 qui serait plus préjudiciable à l'environnement en ce sens que cette annulation se traduirait par une protection moindre des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles et irait ainsi à l'encontre même de l'objectif essentiel de cette directive, et - un maintien exceptionnel des effets d'un tel acte ne couvre que le laps de temps strictement nécessaire à l'adoption des mesures permettant de remédier à l'irrégularité constatée ».

B.50.6. Dès lors que l'article 14ter, tel qu'il a été modifié par la disposition attaquée, et en raison des conditions qu'il prévoit, doit être interprété en conformité avec le droit de l'Union, tel que celui-ci est interprété par la Cour de justice, la Cour, comme le Conseil d'Etat et tout autre juge, doivent interpréter cette disposition en conformité avec le droit de l'Union (CJUE, 13 novembre 1990, C-106/89, Marleasing, point 8). D'une part, si le Conseil d'Etat annule un acte ou un règlement pour violation du droit de l'Union, il ne peut pas, en principe, appliquer l'article 14ter précité, sauf si les conditions énoncées par l'arrêt du 28 février 2012 précité de la Cour de justice sont réunies. D'autre part, si le Conseil d'Etat annule un acte ou un règlement pour violation d'une norme autre qu'une norme du droit de l'Union et applique l'article 14ter précité, les autres juridictions doivent, le cas échéant, ne pas permettre que soit appliqué un acte national contraire au droit de l'Union, indépendamment de l'arrêt de la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat qui a décidé l'ajournement de la perte de force obligatoire de cet acte national jugé inconstitutionnel (voy., mutatis mutandis, CJUE, 19 novembre 2009, C-314/08, Filipiak, point 85).

B.51. Sous réserve de l'interprétation mentionnée en B.50.6, le moyen n'est pas fondé.

Quant à la prorogation du délai (articles 6, 8, 10, 2°, et 13 de la loi attaquée) B.52. Les parties requérantes dans l'affaire n° 5962 demandent l'annulation des articles 6, 8, 10, 2°, et 13 de la loi attaquée.

Elles font valoir que ces dispositions violent les articles 10, 11, 13 et 23 de la Constitution, combinés ou non avec des principes généraux du droit et avec des dispositions de droit international, en ce qu'elles prévoient des délais qui ne peuvent être prorogés, même lorsqu'ils commencent ou prennent fin pendant les vacances judiciaires.

B.53. L'article 17, § 7, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, tel qu'il a été remplacé par l'article 6 de la loi attaquée, dispose : « Il existe dans le chef de la partie requérante une présomption de désistement d'instance lorsque, la demande de suspension d'un acte ou d'un règlement ou la demande de mesures provisoires ayant été rejetée, la partie requérante n'introduit aucune demande de poursuite de la procédure dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt ».

L'article 21, dernier alinéa, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, tel qu'il a été remplacé par l'article 8 de la loi attaquée, dispose : « Il existe dans le chef de la partie requérante, une présomption de désistement d'instance lorsqu'elle n'introduit aucune demande de poursuite de la procédure dans un délai de trente jours à compter de la notification du rapport de l'auditeur ou lors de la communication selon laquelle l'article 30, § 1er, alinéa 3, est appliqué et dans laquelle est proposé le rejet ou la déclaration d'irrecevabilité du recours ».

L'article 30, § 1er, alinéa 2, première phrase, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, tel qu'il a été remplacé par l'article 10, 2°, de la loi attaquée, dispose : « L'arrêté royal visé à l'alinéa premier détermine notamment les délais de prescription pour l'introduction des demandes et recours prévus aux articles 11 et 14, ces délais devant être de soixante jours au moins ».

En ce qu'il porte sur l'article 13 de la loi attaquée, le moyen ne doit pas être examiné, étant donné qu'il ne saurait aboutir à une annulation de cette disposition qui soit plus étendue que celle qui a été décidée en B.14.

B.54. Par son arrêt n° 143/2002, du 9 octobre 2002, la Cour a jugé ce qui suit, concernant l'ancien article 17, § 4ter, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat : « B.2. La question préjudicielle concerne l'article 17, § 4ter, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, lequel dispose : ' Il existe dans le chef de la partie requérante une présomption de désistement d'instance lorsque, la demande de suspension d'un acte ou d'un règlement ayant été rejetée, la partie requérante n'introduit aucune demande de poursuite de la procédure dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt '.

B.3. Il ressort des faits de la cause et de la formulation de la question préjudicielle que le juge a quo souhaite savoir si la disposition en cause viole les articles 10 et 11 combinés ou non avec les articles 23 et 160 de la Constitution, du fait que, lorsque le délai de trente jours prévu dans cette disposition pour introduire une demande de poursuite de la procédure prend cours et expire au cours des vacances judiciaires, il n'est pas prorogé jusqu'au quinzième jour de la nouvelle année judiciaire, conformément au prescrit de l'article 50, alinéa 2, du Code judiciaire.

B.4. La différence de traitement entre certaines catégories de personnes qui résulte de l'application de procédures différentes dans des circonstances différentes n'est pas discriminatoire en soi. Il ne pourrait y avoir de discrimination que si la différence de traitement résultant de l'application de ces procédures allait de pair avec une limitation disproportionnée des droits des personnes concernées.

B.5.1. Dans son arrêt n° 88/98 du 15 juillet 1998, la Cour a considéré à propos de la mesure contenue dans l'article 17, § 4ter, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat que, quelque lourde que soit pour la partie requérante la conséquence de l'inobservation du délai fixé pour l'introduction d'une demande de poursuite de la procédure, une telle mesure n'est pas manifestement disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi par le législateur, à savoir réduire la durée de la procédure et inciter la partie requérante à ne pas poursuivre inutilement les procédures, compte tenu du principe général du droit selon lequel la rigueur de la loi peut être tempérée en cas de force majeure ou d'erreur invincible, principe auquel la loi en cause n'a pas dérogé (voir point 6 de l'arrêt précité).

Partant du double objectif mentionné ci-dessus et compte tenu des règles propres à la procédure devant le Conseil d'Etat en matière de délais et de la nature spécifique du contentieux de la suspension et de l'annulation, on ne peut pas non plus considérer comme disproportionné le fait que le délai de trente jours ne puisse être prorogé conformément à la règle fixée à l'article 50, alinéa 2, du Code judiciaire. L'obligation d'introduire, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt, une pièce de procédure dont le contenu peut se limiter à la simple confirmation de ce que la partie requérante persiste dans sa demande est une formalité qui, au regard des objectifs précités, ne saurait entraîner une charge disproportionnée, même si celle-ci doit être accomplie au cours des vacances judiciaires.

B.5.2. Le fait que le délai de quarante-cinq jours fixé à l'article 17, § 4, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, dans lequel le président de la chambre ou le conseiller d'Etat qu'il désigne doit statuer sur la demande de suspension, ne soit qu'un délai d'ordre, ainsi que le fait que les parties requérantes aient fait élection de domicile chez leur avocat, n'enlèvent rien à ce qui est observé ci-dessus.

B.6. Le contrôle de la disposition en cause au regard des articles 10 et 11 combinés avec les articles 23 et 160 de la Constitution ne saurait conduire en l'espèce à d'autres conclusions que celles qui résultent du contrôle de cette disposition au regard du principe constitutionnel d'égalité et de non-discrimination en soi.

B.7. La question préjudicielle appelle une réponse négative ».

B.55. Par son arrêt n° 98/2014, du 30 juin 2014, la Cour a statué comme suit en ce qui concerne une disposition analogue du Code flamand de l'aménagement du territoire : « B.10.2. Un délai de déchéance de quinze jours, qui débute le jour suivant le jour de la signification de l'arrêt de suspension, oblige les parties concernées à adopter une attitude très active au cours de la procédure devant le Conseil pour les contestations des autorisations. Même si ces parties sont seulement invitées à déposer une demande de continuation formelle, sans prise de position quant au fond, un délai de forclusion aussi court pourrait être de nature à porter atteinte aux droits de la défense s'il ne leur permet pas de se concerter de manière satisfaisante avec leur avocat; il ne constitue en tout cas pas une mesure pertinente au regard de l'objectif poursuivi par le législateur décrétal, étant donné que la brièveté du délai est de nature à amener les parties à introduire dans tous les cas une demande de continuation, privant ainsi la ' procédure-couperet ' de son utilité ».

B.56. Les dispositions présentement attaquées prévoient toutefois un délai de trente ou soixante jours, de sorte qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge.

Le moyen n'est pas fondé.

Quant au droit de rôle (article 10, 2° et 7°, de la loi attaquée) B.57. Les parties requérantes dans l'affaire n° 5965 demandent l'annulation de l'article 10, 2° et 7°, de la loi attaquée. Elles font valoir que cette disposition viole les articles 10, 11, 170 et 172 de la Constitution, combinés avec l'article 11 de la directive 2011/92/UE et avec le principe de proportionnalité.

B.58. L'article 30, § 1er, alinéa 2, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, tel qu'il a été remplacé par l'article 10, 2°, de la loi attaquée, dispose : « L'arrêté royal visé à l'alinéa premier détermine notamment les délais de prescription pour l'introduction des demandes et recours prévus aux articles 11 et 14, ces délais devant être de soixante jours au moins; il fixe les conditions d'exercice des interventions, oppositions et tierces oppositions, ainsi que des recours en révision; il fixe un montant au-delà duquel aucune astreinte n'est encourue; il fixe l'affectation des moyens attribués au fonds budgétaire visé à l'article 36, § 5; il fixe les tarifs des frais, dépens et droits, ces droits ne pouvant pas dépasser un montant de 225 euros; il prévoit l'octroi aux indigents du bénéfice de l'aide juridique de deuxième ligne; il fixe les modalités pour acquitter les frais, dépens et droits; il détermine les cas dans lesquels les parties ou leurs avocats peuvent décider conjointement que la cause ne doit pas être traitée en séance publique ».

L'article 10, 7°, de la loi attaquée abroge l'article 30, § 5, alinéas 1er à 3 et 5, et §§ 6 à 9, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat.

Les parties requérantes demandent l'annulation de cette disposition abrogatoire, afin d'éviter une lacune dans la législation si la Cour devait annuler l'article 10, 2°, de la loi attaquée.

B.59.1. Les parties requérantes font valoir (1) que le droit de rôle est un impôt dont la réglementation ne peut être déléguée au Roi, (2) que la différence en ce qui concerne le mode de paiement par les personnes morales de droit public et les autres requérants est discriminatoire et (3) que l'imposition du paiement du droit de rôle à chaque requérant individuel, en cas de requête collective, rendrait la procédure excessivement coûteuse.

B.59.2. Par son arrêt n° 124/2006 du 28 juillet 2006, la Cour a jugé que le droit visé à l'article 30, § 1er, alinéa 2, qui constitue un impôt, était également un élément de la procédure et qu'il peut conditionner l'introduction ou la poursuite de celle-ci. La Cour a ensuite jugé : « B.9. Le législateur a estimé devoir déléguer au Roi la compétence de fixer la procédure à suivre devant la section d'administration du Conseil d'Etat (article 30, § 1er, alinéa 1er, des lois coordonnées le 12 janvier 1973) et celle de fixer ' les tarifs des frais et dépens, ainsi que les droits de timbre et d'enregistrement ' (article 30, § 1er, alinéa 2, troisième phrase).

Cette dernière délégation ne paraît pas compatible avec l'article 170, § 1er, de la Constitution puisqu'elle porte sur les éléments essentiels d'un impôt.

B.10.1. Toutefois, l'article 160, alinéa 1er, de la Constitution dispose : ' Il y a pour toute la Belgique un Conseil d'Etat, dont la composition, la compétence et le fonctionnement sont déterminés par la loi. Toutefois, la loi peut attribuer au Roi le pouvoir de régler la procédure conformément aux principes qu'elle fixe '.

B.10.2. La deuxième phrase de cette disposition vise à maintenir la répartition des compétences entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, telle qu'elle était prévue par les lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, en vigueur lors de la publication, le 29 juin 1993, de l'article 160 de la Constitution. Elle confirme qu'il appartient au législateur de déterminer les prescriptions fondamentales de la procédure devant la section d'administration du Conseil d'Etat et au Roi de préciser les règles de procédure (Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 831/1, pp. 2-3, 4; ibid., n° 831/3, p. 3).

Il a été observé, lors de cette révision constitutionnelle, que la circonstance que, depuis la création du Conseil d'Etat, la procédure était réglée par le Roi n'avait pas porté atteinte aux droits des justiciables (ibid., n° 831/3, pp. 4 et 7).

La seconde phrase de la disposition constitutionnelle précitée concerne les matières qui pouvaient être réglées par le Roi en vertu des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, telles qu'elles étaient alors en vigueur (ibid., n° 831/3, pp. 5 et 7; Doc. parl., Sénat, S.E. 1991-1992, n° 100-48/2°, p. 3).

Le Constituant a, dès lors, établi la constitutionnalité de la délégation au Roi en vertu de laquelle a été pris l'article 70, § 1er, 2°, de l'arrêté du Régent du 23 août 1948, tel qu'il était en vigueur à l'époque.

La Cour n'est pas compétente pour se prononcer sur une option du Constituant.

B.10.3. Il s'ensuit que la délégation accordée au Roi par la troisième phrase de l'article 30, § 1er, alinéa 2, des lois coordonnées le 12 janvier 1973 a pour fondement juridique l'article 160, alinéa 1er, de la Constitution et ne saurait dès lors violer les articles 10, 11 et 170 de celle-ci ».

B.59.3. Bien que l'arrêt précité portât sur une version antérieure de l'article 30, § 1er, alinéa 2, dans lequel l'impôt dû concernait les « droits de timbre et d'enregistrement », cet impôt coïncide avec l'impôt visé dans la même disposition, telle qu'elle a été remplacée par l'article 10, 2°, de la loi attaquée, qui a été considéré comme un droit de rôle dans les travaux préparatoires (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2277/1, p. 22).

Pour les mêmes motifs que ceux exposés dans l'arrêt précité, l'article 30, § 1er, alinéa 2, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, tel qu'il a été remplacé par l'article 10, 2°, de la loi attaquée, a pour fondement juridique l'article 160 de la Constitution et la délégation accordée au Roi par les cinquième et septième phrases de cet alinéa 2 ne saurait violer les articles 10, 11, 170 et 172 de la Constitution.

B.59.4. Les autres griefs invoqués par les parties requérantes ne découlent pas des dispositions attaquées mais, le cas échéant, de leur mise en oeuvre.

B.60. Le moyen n'est pas fondé.

Quant à l'indemnité de procédure (article 11 de la loi attaquée) B.61. Les parties requérantes dans les affaires nos 5959, 5960, 5962, 5965, 6017 et 6020 demandent l'annulation de l'article 11 de la loi attaquée. Elles font valoir que cette disposition viole les articles 10, 11, 13, 23 et 27 de la Constitution, combinés ou non avec d'autres dispositions constitutionnelles, avec des principes généraux du droit et avec des dispositions de droit international.

Etant donné que les moyens invoqués contre la disposition attaquée sont étroitement liés, ils doivent être examinés ensemble. Les griefs qu'ils contiennent se résument à la violation : - du principe d'égalité, (1) en ce que les parties requérantes et les parties adverses sont traitées de manière égale, alors qu'elles se trouveraient dans des situations fondamentalement différentes, (2) en ce que les parties qui n'ont pas recours à un avocat n'ont pas droit à l'indemnité de procédure, (3) en ce que les parties requérantes sont traitées différemment, selon que la partie adverse ayant obtenu gain de cause a agi avec ou sans l'assistance d'un avocat, (4) en ce que les personnes morales ne peuvent bénéficier de l'aide juridique de deuxième ligne et ne bénéficient donc pas davantage de la limitation de l'indemnité de procédure mise à la charge d'une partie qui bénéficie de l'aide juridique de deuxième ligne, (5) en ce que les parties requérantes sont traitées différemment, selon que le Conseil d'Etat annule la norme attaquée ou applique la boucle administrative et (6) en ce que la disposition attaquée ne tient pas compte de la capacité contributive différente des parties requérantes et des parties adverses, (7) ni de la situation des parties requérantes qui ne demandent pas à bénéficier de l'aide juridique de deuxième ligne mais qui ne disposent pas des moyens financiers pour payer un avocat; - du droit d'accès au juge, en ce que le risque de devoir payer l'indemnité de procédure constitue un obstacle supplémentaire pour attaquer un acte administratif et rend excessivement coûteuses les procédures en matière environnementale, ce qui porterait également atteinte aux garanties contenues dans la Convention d'Aarhus et dans le droit de l'Union, à l'obligation de standstill qui découle de l'article 23 de la Constitution et au droit de propriété; - de la liberté d'association, en ce que les associations sont limitées dans leur choix d'agir sans l'assistance d'un avocat; - de la liberté d'établissement et de la libre prestation des services, en ce que l'indemnité de procédure s'applique uniquement en cas d'assistance d'un avocat; - du principe de légalité, en ce que le Roi est habilité à déterminer la portée de la notion de « personnes insolvables »; - de la compétence des cours et tribunaux ordinaires et du Conseil d'Etat, inscrite dans les articles 144 et 160 de la Constitution.

Le grief de la partie requérante dans l'affaire n° 6020 est dirigé non seulement contre l'article 11 mais également contre l'article 10 précité de la loi attaquée, en ce qu'il habilite le Roi à accorder l'avantage de l'aide juridique de deuxième ligne aux personnes insolvables.

B.62. L'article 11 de la loi attaquée prévoit des règles permettant à la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat d'accorder une indemnité de procédure à la partie ayant obtenu gain de cause. Il insère dans les lois coordonnées sur le Conseil d'Etat un article 30/1, qui dispose : « § 1er. La section du contentieux administratif peut accorder une indemnité de procédure qui est une intervention forfaitaire dans les frais et honoraires d'avocat de la partie ayant obtenu gain de cause.

Après avoir pris l'avis de l'Ordre des barreaux francophones et germanophone et de ' l'Orde van Vlaamse Balies ', le Roi établit par arrêté délibéré en Conseil des Ministres, les montants de base, minima et maxima de l'indemnité de procédure, en fonction notamment de la nature de l'affaire et de l'importance du litige. § 2. La section du contentieux administratif peut, par décision spécialement motivée, soit réduire l'indemnité soit l'augmenter, sans pour autant dépasser les montants maxima et minima prévus par le Roi.

Dans son appréciation, elle tient compte : 1° de la capacité financière de la partie succombante, pour diminuer le montant de l'indemnité;2° de la complexité de l'affaire;3° du caractère manifestement déraisonnable de la situation. Si la partie succombante bénéficie de l'aide juridique de deuxième ligne, l'indemnité de procédure est fixée au montant minimum établi par le Roi, sauf en cas de situation manifestement déraisonnable. Sur ce point, la section du contentieux administratif motive spécialement sa décision de diminution ou d'augmentation.

Lorsque plusieurs parties bénéficient de l'indemnité de procédure à charge d'une ou de plusieurs parties succombantes, son montant est au maximum le double de l'indemnité de procédure maximale à laquelle peut prétendre le bénéficiaire qui est fondé à réclamer l'indemnité la plus élevée. Elle est répartie entre les parties par la section du contentieux administratif.

Aucune partie ne peut être tenue au paiement d'une indemnité pour l'intervention de l'avocat d'une autre partie au-delà du montant de l'indemnité de procédure. Les parties intervenantes ne peuvent être tenues au paiement ou bénéficier de cette indemnité ».

B.63. En instaurant l'indemnité de procédure, le législateur poursuivait un double objectif : d'une part, mettre fin à l'obligation, pour les justiciables, d'introduire une nouvelle procédure devant le juge civil, sur la base de l'article 1382 du Code civil, en vue d'obtenir une indemnité pour les frais d'avocat qu'ils ont supportés, et, d'autre part, améliorer la gestion des finances publiques en évitant que des autorités aient à supporter les frais de deux procédures différentes devant deux juridictions différentes à l'occasion de la contestation, par un justiciable, d'un même acte administratif : « Actuellement, le requérant qui obtient gain de cause devant le Conseil d'Etat doit introduire une action devant les juridictions de l'ordre judiciaire en vue d'obtenir la répétibilité des honoraires d'avocats, sauf accord à l'amiable avec la partie adverse. [...] Toutefois, il semble contraire au principe de bonne administration de la justice d'imposer à un justiciable une nouvelle procédure juridictionnelle lorsqu'il est arrivé avec succès au terme de la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat. De même, les pouvoirs publics s'exposent à devoir supporter une double indemnité, d'une part, pour la procédure devant le Conseil d'Etat et d'autre part, pour la procédure ultérieure devant la juridiction de l'ordre judiciaire, ce qui est préjudiciable à une bonne gestion des deniers publics » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2277/1, p. 24).

Il ressort également des travaux préparatoires de la disposition attaquée que le nouvel article 30/1 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat s'inspire en outre de l'indemnité de procédure telle qu'elle s'applique aujourd'hui dans des procédures devant le juge civil et le juge pénal. Le législateur entendait opter pour un système qui réponde aux exigences de la jurisprudence de la Cour. Les différences entre le système de l'indemnité de procédure devant, d'une part, le juge civil et le juge pénal et, d'autre part, le Conseil d'Etat s'expliquent par les caractéristiques spécifiques de la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat : « La disposition proposée entend prévoir un système similaire à celui prévu par le Code judiciaire, tout en permettant à la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat de statuer elle-même sur la question de la répétibilité des honoraires d'avocats. Cette répétibilité doit bénéficier aux parties qui ont obtenu gain de cause dans le litige, lesquelles se limitent aux parties requérantes et adverses. [...] A l'instar de l'article 1022 du Code judiciaire, des critères sont prévus dans le nouvel article 30/1 des lois coordonnées, pour justifier une diminution ou une augmentation des montants de base à allouer, dans les limites des montants minima et maxima à prévoir par arrêté royal. Ces critères sont suffisamment larges que pour embrasser ceux mis en évidence dans la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt du 11 avril 2013, C-260/11, Edwards et Pallikarapoulos) » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2277/1, pp. 24-25).

B.64.1. Par son arrêt n° 48/2015 du 30 avril 2015, la Cour a rejeté un recours en annulation de la disposition attaquée dans lequel étaient invoqués en partie les mêmes griefs que ceux contenus dans les présents recours.

B.64.2. En ce qui concerne la violation alléguée des articles 10 et 11 de la Constitution, la Cour a jugé par son arrêt n° 48/2015 : « B.11.1. Les parties requérantes estiment tout d'abord que, compte tenu de l'arrêt n° 96/2012 du 15 juillet 2012, un régime qui permet à une autorité publique de prétendre à une indemnité de procédure violerait le principe d'égalité. Par l'arrêt susdit, la Cour aurait en effet jugé qu'il était justifié que l'autorité ne puisse pas obtenir le remboursement des frais et honoraires de son avocat à charge de la partie requérante dont le recours est rejeté par le Conseil d'Etat.

B.11.2. En outre, les parties requérantes soutiennent que la disposition attaquée violerait le principe d'égalité et de non-discrimination, au motif qu'elle diffère du régime prévu par les articles 1017 à 1019 du Code judiciaire, en ce qui concerne (1) le tarif des frais, dépens et droits et de l'indemnité de procédure, (2) le caractère général de l'indemnité de procédure et (3) la multiplication collective des coûts.

B.11.3. Les parties requérantes allèguent enfin que le principe d'égalité serait violé notamment parce que le législateur a omis de prévoir, contrairement à ce qui a été décidé récemment à propos de l'astreinte dans les procédures devant le Conseil d'Etat, que l'amende pour recours manifestement abusif revienne désormais à la partie adverse.

B.12.1. Par son arrêt n° 96/2012 précité, la Cour a jugé que la non-répétibilité des frais d'avocat par l'autorité ayant obtenu gain de cause devant le Conseil d'Etat n'était pas inconstitutionnelle étant donné que l'autorité publique, auteur de l'acte administratif attaqué, dispose de toutes les informations utiles pour défendre cette norme. Par conséquent, elle a jugé que l'article 1022 du Code judiciaire, interprété en ce sens qu'il ne s'applique pas aux procédures devant le Conseil d'Etat, ne violait pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.12.2. Il ne peut toutefois pas être déduit de cet arrêt que l'instauration, par le législateur, d'un régime de répétibilité des frais et honoraires de l'avocat pour les procédures devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat serait contraire au principe d'égalité et de non-discrimination.

La Cour a d'ailleurs jugé qu'il appartenait au législateur d'apprécier l'opportunité d'introduire, pour le Conseil d'Etat, un système d'indemnité de procédure.

En outre, conformément à la recommandation n° R(81)7 du Comité des ministres du Conseil de l'Europe sur les moyens de faciliter l'accès à la justice, la partie gagnante doit, sauf circonstances particulières, obtenir en principe de la partie perdante le remboursement de ses frais et dépens, y compris les honoraires d'avocat, qu'elle a raisonnablement exposés à propos de la procédure.

B.12.3. Si le législateur choisit d'instaurer un système d'indemnité de procédure pour les procédures devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat, il lui incombe de tenir compte, lors de l'élaboration d'un tel système, non seulement des différences entre les procédures devant le Conseil d'Etat et les procédures devant le juge civil, mais aussi des nombreux autres intérêts et principes en présence, qui sont parfois contradictoires.

B.13.1. En ce qui concerne la violation éventuelle du principe d'égalité et de non-discrimination, en ce que le régime attaqué ne serait pas similaire à celui prévu par les articles 1017 à 1019 du Code judiciaire, il ressort des travaux préparatoires cités en B.8.2 et B.8.3 que l'article 11 de la loi du 20 janvier 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/01/2014 pub. 03/02/2014 numac 2014000082 source service public federal interieur Loi portant réforme de la compétence, de la procédure et de l'organisation du Conseil d'Etat fermer a pour objet d'instaurer un système similaire à celui prévu par l'article 1022 du Code judiciaire, pour protéger le justiciable et pour éviter une double indemnité à charge des autorités publiques et favoriser ainsi une bonne gestion des deniers publics, le législateur ayant également tenu compte des différences essentielles entre les différentes procédures.

B.13.2.1.1. Pour ce qui est de la différence de traitement entre les justiciables qui sont parties à une procédure civile et ceux qui sont parties à une procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat, notamment en ce qui concerne le tarif des frais, des dépens et des droits, et l'indemnité de procédure, il y a lieu de constater que conformément à l'article 30/1, attaqué, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, seule l'indemnité de procédure est instaurée dans la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat, de sorte que ledit article n'a aucune incidence sur les autres frais, dépens et droits.

Concernant l'indemnité de procédure proprement dite, le Roi est chargé, conformément à l'article 30/1, § 1er, alinéa 2, d'établir les ' montants de base, minima et maxima de l'indemnité de procédure, en fonction notamment de la nature de l'affaire et de l'importance du litige '. Dès lors, le traitement discriminatoire allégué, à supposer qu'il soit réel, ne résulterait pas directement de l'article 11, attaqué, de la loi du 20 janvier 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/01/2014 pub. 03/02/2014 numac 2014000082 source service public federal interieur Loi portant réforme de la compétence, de la procédure et de l'organisation du Conseil d'Etat fermer, mais de l'arrêté royal du 28 mars 2014, précité.

B.13.2.1.2. Il n'appartient pas à la Cour de se prononcer sur la constitutionnalité d'un arrêté royal ou d'un acte administratif.

B.13.2.2.1. Pour ce qui est de la différence de traitement entre les justiciables qui sont parties à une procédure civile et ceux qui sont parties à une procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat, notamment en ce qui concerne le caractère général de l'indemnité de procédure, il y a lieu de constater que le régime prévu par l'article 30/1 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat est basé sur le régime général de l'article 1022 du Code judiciaire et stipule que la partie succombante est redevable d'une indemnité de procédure fixée forfaitairement, même lorsqu'il n'est pas question d'une procédure téméraire et vexatoire. L'octroi d'une indemnité de procédure, conformément à l'article 1022 du Code judiciaire, a une portée générale et est seulement exclu dans l'hypothèse de l'article 1017, alinéa 2, du Code judiciaire. L'exclusion précitée n'a cependant pas été reproduite dans l'article 30/1 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat.

La circonstance que le législateur, en introduisant l'indemnité de procédure dans le contentieux objectif, n'a pas prévu une exception semblable à celle qu'il a créée en droit judiciaire, pour ce qui concerne le contentieux des assurés sociaux, n'est pas de nature à priver la mesure de son caractère raisonnable.

B.13.2.2.2. En prévoyant l'exception précitée dans le droit judiciaire, le législateur a voulu garantir la gratuité de la procédure pour les assurés sociaux dont les droits sociaux sont contestés (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2594/001, p. 63).

Par ses arrêts nos 200/2009 et 18/2010, la Cour a jugé que cette exception était constitutionnelle.

En outre, aux termes de l'article 30/1 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, le Conseil d'Etat peut, par une décision motivée, ne pas accorder d'indemnité de procédure ou fixer celle-ci à un montant symbolique s'il estime qu'il serait déraisonnable de fixer l'indemnité au minimum prévu par le Roi. La section du contentieux administratif est ainsi habilitée à moduler le montant de l'indemnité de procédure en tenant compte de la capacité financière de la partie succombante, de la complexité de l'affaire et du caractère manifestement déraisonnable de la situation (article 30/1, § 2, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat). Il ne peut donc être soutenu que la section du contentieux administratif disposerait en l'espèce d'une compétence liée générale, de sorte qu'il n'y aurait aucune place pour faire preuve de souplesse.

B.13.2.3.1. Concernant la différence de traitement entre les justiciables dans la procédure civile et les justiciables dans la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat, notamment en ce qui concerne les requêtes collectives auprès de la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat, qui donneraient lieu au paiement d'autant d'indemnités de procédure qu'il y a de parties requérantes, il convient de constater que la règle de procédure précitée figure à l'article 70, § 3, de l'arrêté du Régent du 23 août 1948 déterminant la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'état.

B.13.2.3.2. Comme il est dit en B.13.2.1.2, il n'appartient pas à la Cour de se prononcer sur la constitutionnalité d'un arrêté du Régent ou sur la constitutionnalité d'un acte administratif.

B.14.1. Le constat de la différence entre les frais d'avocat d'une partie requérante et ceux de l'autorité publique, parce que ces frais ne seraient pas nécessaires pour l'autorité publique, n'enlève pas son caractère raisonnable à la règle contestée. En effet, le coût éventuel d'une procédure juridictionnelle peut influencer aussi bien la décision d'introduire un recours en annulation ou une demande de suspension que la décision de se défendre contre un tel recours ou une telle demande. La situation financière des différentes parties au procès peut être grevée dans la même mesure par les honoraires et frais d'avocat.

En outre, l'indemnité de procédure est accordée à la partie obtenant gain de cause, qu'il s'agisse de la partie requérante ou de la partie adverse. L'indemnité de procédure établit donc une identité de traitement entre la partie requérante et la partie adverse, compte tenu de la charge identique qui pèse sur leur situation financière.

Pour le surplus, il n'appartient pas à la Cour de juger du caractère nécessaire des frais d'avocat exposés par une autorité publique intervenant en tant que partie adverse devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat.

B.14.2. Enfin, le versement de l'astreinte, pour moitié à la partie requérante et pour moitié au Fonds de gestion des astreintes, est réglé par l'article 36, § 5, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat et le versement à ce dernier Fonds de l'amende pour recours manifestement abusif est prévu par l'article 37, alinéa 6, des mêmes lois. La question de la répétibilité des honoraires d'avocat, réglée par la disposition attaquée, est étrangère aussi bien à la matière de l'astreinte qu'à celle de l'amende pour recours abusif.

B.15. Le moyen unique, en sa première branche, n'est pas fondé ».

B.64.3. En ce qui concerne la violation alléguée des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec le droit d'accès au juge, la Cour a jugé par son arrêt n° 48/2015 : « B.18.1. Le droit d'accès au juge constitue un principe général de droit qui doit être garanti à chacun dans le respect des articles 10 et 11 de la Constitution, des articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Il constitue un aspect essentiel du droit à un procès équitable et est fondamental dans un Etat de droit. De plus, le droit de s'adresser à un juge concerne tout autant la liberté d'agir en justice que celle de se défendre.

B.18.2. Le droit d'accès au juge n'est cependant pas absolu. Il peut faire l'objet de restrictions financières pour autant que celles-ci ne portent pas atteinte à l'essence même de ce droit. Les restrictions à ce droit doivent être raisonnablement proportionnées au but légitime qu'elles poursuivent (CEDH, Stagno c. Belgique, 7 juillet 2009, § 25).

La réglementation à cet égard doit servir les buts de sécurité juridique et de bonne administration de la justice et ne peut donc induire des restrictions empêchant le justiciable de voir la substance de son litige tranchée par la juridiction compétente (CEDH, Stagno c.

Belgique, 7 juillet 2009, § 25; RTBF c. Belgique, 29 mars 2011, § 69).

B.19.1. Il peut être admis que l'instauration d'une indemnité de procédure pourrait représenter une restriction d'ordre financier au droit d'accès au juge, spécialement pour les justiciables qui jouissent de revenus peu élevés.

Toutefois, le législateur a veillé à sauvegarder le droit d'accès au juge pour l'ensemble des justiciables.

B.19.2. En effet, le législateur a choisi d'encadrer strictement la répétibilité en limitant l'augmentation du montant des indemnités de procédure et en octroyant au juge un pouvoir d'appréciation lui permettant d'adapter ce montant, dans la fourchette définie par le Roi, pour tenir compte de circonstances particulières, et notamment de la capacité financière de la partie qui succombe. Ce système permet donc de limiter les effets de la répétibilité pour la partie qui perd le procès et qui ne dispose pas de moyens financiers importants.

De plus, l'indemnité de procédure ne constitue pas une indemnisation intégrale mais une indemnisation forfaitaire et le Conseil d'Etat, tout comme les juridictions ordinaires, a la possibilité de déroger dans certains cas, dans les limites des marges fixées par l'arrêté royal, au montant de base, et même d'accorder un montant symbolique s'il estime qu'il serait déraisonnable d'accorder l'indemnité minimale (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2277/1, p. 25).

B.20. Le moyen unique, en sa seconde branche, n'est pas fondé ».

B.64.4. En ce qui concerne la violation alléguée de l'article 23 de la Constitution, combiné avec la Convention d'Aarhus et la directive 2011/92/UE, la Cour a jugé par son arrêt n° 48/2015 : « B.22. L'article 23 de la Constitution implique, en ce qui concerne le droit à l'aide juridique, une obligation de standstill, qui s'oppose à ce que le législateur compétent réduise de manière sensible le niveau de protection sans qu'existent pour ce faire des motifs liés à l'intérêt général. Il convient d'observer à cet égard que l'article 23 de la Constitution n'interdit nullement au législateur d'instaurer un régime spécifique en matière d'indemnité de procédure.

B.23.1. La Cour de justice de l'Union européenne a jugé que l'objectif de la Convention d'Aarhus et de la directive 2011/92/UE consistait à donner au justiciable un large accès à la justice (CJUE, 15 octobre 2009, C-263/08, Djurgarden-Lilla Värtans Miljöskyddsförening, point 45; 16 juillet 2009, C-427/07, Commission c. Irlande, point 82; 12 mai 2011, C-115/09, Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland, Landesverband Nordrhein-Westfalen e.V., point 39; 11 avril 2013, C-260/11, Edwards e.a., point 31; 13 février 2014, C-530/11, Commission c. Royaume-Uni, point 44). L'évitement de coûts excessifs contribue à la réalisation de cet accès à la justice.

B.23.2. Le caractère excessif du coût d'une procédure doit être apprécié en tenant compte de tous les frais supportés par la partie concernée (CJUE, 16 juillet 2009, C-427/07, Commission c. Irlande, point 92; 11 avril 2013, C-260/11, Edwards e.a., points 27 et 28).

B.23.3. Selon la Cour de justice, lorsqu'un juge national souhaite déterminer si une procédure engendre ou non des coûts excessifs, il doit tenir compte d'éléments aussi bien objectifs que subjectifs : ' 38. Il en résulte que, s'agissant des moyens susceptibles de parvenir à l'objectif d'assurer une protection juridictionnelle effective sans coût excessif dans le domaine du droit de l'environnement, il doit être tenu compte de toutes les dispositions du droit national, [...]. 39. Par ailleurs, ainsi qu'il a été précédemment indiqué, la juridiction nationale appelée à statuer sur les dépens doit s'assurer du respect de cette exigence en tenant compte tant de l'intérêt de la personne qui souhaite défendre ses droits que de l'intérêt général lié à la protection de l'environnement. 40. Cette appréciation ne saurait, dès lors, être portée uniquement par rapport à la situation économique de l'intéressé, mais doit également reposer sur une analyse objective du montant des dépens, et cela d'autant plus que [...] les particuliers et les associations sont naturellement appelés à jouer un rôle actif dans la défense de l'environnement. Dans cette mesure, le coût d'une procédure ne doit pas apparaître, dans certains cas, comme étant objectivement déraisonnable. Ainsi, le coût d'une procédure ne doit ni dépasser les capacités financières de l'intéressé ni apparaître, en tout état de cause, comme objectivement déraisonnable. 41. Quant à l'analyse de la situation économique de l'intéressé, l'appréciation à laquelle doit se livrer la juridiction nationale ne peut reposer uniquement sur les capacités financières estimées d'un requérant "moyen", dès lors que de telles données peuvent n'avoir qu'un lointain rapport avec la situation de l'intéressé.42. Par ailleurs, le juge peut tenir compte de la situation des parties en cause, des chances raisonnables de succès du demandeur, de la gravité de l'enjeu pour celui-ci ainsi que pour la protection de l'environnement, de la complexité du droit et de la procédure applicables ainsi que du caractère éventuellement téméraire du recours à ses différents stades (voir, par analogie, arrêt du 22 décembre 2010, DEB, C-279/09, Rec.p. I-13849, point 61). [...] 45. L'exigence relative à l'absence de coût prohibitif de la procédure judiciaire ne saurait, dès lors, être appréciée différemment par une juridiction nationale selon qu'elle statue à l'issue d'une procédure en première instance, d'un appel ou d'un deuxième appel ' (CJUE, 11 avril 2013, C-260/11, Edwards e.a., points 38-42 et 45).

Il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice que le contrôle du caractère excessif ou non de certains coûts ne peut être purement subjectif, que la juridiction compétente doit tenir compte de la situation économique de l'intéressé, et qu'elle peut tenir compte des chances raisonnables de succès du requérant, de l'importance de l'enjeu pour le requérant et pour la protection de l'environnement, de la complexité du droit et de la procédure applicables, ainsi que du caractère éventuellement téméraire du recours à ses différents stades (CJUE, 11 avril 2013, C-260/11, Edwards e.a., points 38-42 et 45; 13 février 2014, C-530/11, Commission c. Royaume-Uni, points 46-51).

B.24.1. Il convient tout d'abord d'observer que l'indemnité de procédure représente une indemnisation forfaitaire pour les frais et honoraires d'avocat de la partie ayant obtenu gain de cause et non une indemnisation intégrale de tous les frais exposés par celle-ci.

Comme il a été dit en B.12.2, il relève du pouvoir d'appréciation du législateur, afin d'organiser un système de répétibilité des frais et honoraires d'avocat, de choisir la formule qui lui paraît la plus opportune, compte tenu des nombreux intérêts et principes, parfois contradictoires, en présence.

B.24.2. En outre, l'arrêté royal du 28 mars 2014 relatif à l'indemnité de procédure visée à l'article 30/1 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat détermine le montant de base, ainsi que le montant maximum et le montant minimum, de l'indemnité de procédure. La section du contentieux administratif du Conseil d'Etat a également la possibilité, lorsqu'elle accorde l'indemnité de procédure, de déroger au montant de base fixé dans l'arrêté royal, tant qu'elle ne dépasse pas les montants maximum et minimum et qu'elle tient en outre compte de la capacité financière de la partie succombante, de la complexité de l'affaire et du caractère manifestement déraisonnable de la situation. De plus, la section du contentieux administratif a la possibilité de déroger au montant minimum fixé par le Roi lorsqu'une personne qui bénéficie de l'aide juridique de deuxième ligne se trouve dans une situation manifestement déraisonnable. Le régime permet donc de limiter les effets de la répétibilité pour la partie qui perd le procès et qui ne dispose pas de moyens financiers importants.

B.24.3. La procédure d'octroi d'une indemnité de procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat satisfait ainsi aux conditions fixées par la Cour de justice.

Le régime d'indemnité de procédure instauré par l'article 11, attaqué, de la loi du 20 janvier 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/01/2014 pub. 03/02/2014 numac 2014000082 source service public federal interieur Loi portant réforme de la compétence, de la procédure et de l'organisation du Conseil d'Etat fermer ne peut dès lors être considéré comme un ' coût excessif '.

B.25. Le moyen unique, en sa troisième branche, n'est pas fondé ».

B.65.1. Les griefs des parties requérantes dans les affaires présentement examinées coïncident en grande partie avec les griefs qui ont été rejetés par l'arrêt n° 48/2015.

B.65.2. Lorsqu'un requérant agit devant le Conseil d'Etat sans l'assistance d'un avocat, qu'il bénéficie ou non de l'aide juridique de deuxième ligne, il renonce volontairement à la possibilité de recevoir une indemnité de procédure s'il obtient gain de cause. Il conserve évidemment le droit de demander au juge judiciaire, en vertu de l'article 1382 du Code civil, une indemnité pour le dommage qu'il a subi. Compte tenu de la liberté d'appréciation dont dispose le législateur en la matière, la disposition attaquée n'a pas de conséquences disproportionnées et, dans la mesure où elle pourrait limiter le droit de propriété, la liberté d'établissement, la libre prestation des services et la liberté d'association, la disposition attaquée ne porte pas davantage une atteinte disproportionnée à ces droits et libertés.

B.65.3. De même, le constat que la partie adverse choisit dans certains cas d'agir devant le Conseil d'Etat sans l'assistance d'un avocat peut avoir pour conséquence que, dans ces hypothèses, lorsque l'autorité obtient gain de cause, la partie requérante ne devra pas payer d'indemnité de procédure. Ce constat n'a pas davantage de conséquences disproportionnées pour le justiciable et ne peut dès lors priver la mesure attaquée de sa justification raisonnable.

B.65.4. Enfin, en ce que les parties requérantes dans l'affaire n° 5962 font valoir que la loi attaquée réserve le bénéfice de l'aide juridique de deuxième ligne, ainsi que le bénéfice de la limitation de l'indemnité de procédure mise à la charge d'une partie qui bénéficie de l'aide juridique de deuxième ligne, aux personnes physiques insolvables et en exclut les personnes morales insolvables, le moyen est dépourvu de fondement. Cette différence de traitement ne découle pas des dispositions attaquées mais de l'arrêté royal qui exécute ces dispositions. L'habilitation à cette fin, qui a pour fondement l'article 160, alinéa 1er, de la Constitution (voy. l'arrêt précité n° 124/2006 du 28 juillet 2006), n'est pas contraire à cette disposition constitutionnelle, étant donné qu'elle ne fait qu'autoriser le Roi à préciser un règlement dont les principes ont été fixés par le législateur. Ni la disposition constitutionnelle précitée, ni l'article 144 de la Constitution, que les parties requérantes dans l'affaire n° 5965 invoquent, ne font obstacle à la réglementation attaquée. En vertu de l'article 144 de la Constitution, la loi peut, selon les modalités qu'elle détermine, habiliter le Conseil d'Etat à statuer sur les effets civils de ses décisions.

B.66. Les moyens ne sont pas fondés.

Par ces motifs, la Cour - annule l'article 13 de la loi du 20 janvier 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/01/2014 pub. 03/02/2014 numac 2014000082 source service public federal interieur Loi portant réforme de la compétence, de la procédure et de l'organisation du Conseil d'Etat fermer portant réforme de la compétence, de la procédure et de l'organisation du Conseil d'Etat; - sous réserve des interprétations mentionnées en B.44.3, B.44.5, B.44.6 et B.50.6, rejette les recours pour le surplus.

Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 16 juillet 2015.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, A. Alen

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