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Arrêt
publié le 17 février 2009

Extrait de l'arrêt n° 1/2009 du 8 janvier 2009 Numéros du rôle : 4504 et 4505 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 20, § 3, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, posées par le Conseil d'Etat. La Cour co composée des présidents M. Melchior et M. Bossuyt, et des juges P. Martens, R. Henneuse, E. De Groo(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 1/2009 du 8 janvier 2009 Numéros du rôle : 4504 et 4505 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 20, § 3, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, posées par le Conseil d'Etat.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Melchior et M. Bossuyt, et des juges P. Martens, R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman et T. Merckx-Van Goey, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par ordonnances nos 3182 et 3183 du 5 août 2008 rendues en procédure d'admissibilité des recours en cassation, en cause de Nermin Balic et Ramza Balic, d'une part, et de Beya-Thierry Tschilumba, d'autre part, contre l'Etat belge, dont les expéditions sont parvenues au greffe de la Cour le 8 août 2008, le Conseil d'Etat a posé les questions préjudicielles suivantes : 1. « L'article 20, § 3, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat viole-t-il l'article 149 de la Constitution, lu en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que cette disposition prévoit que le premier président, le président, le président de chambre ou le conseiller d'Etat ayant au moins trois années d'ancienneté de grade, désigné par le chef de corps qui est responsable de la section du contentieux administratif, se prononce sur l'admissibilité du recours en cassation, sans audience et sans entendre les parties alors qu'en tant qu'il dispose que le jugement est prononcé en audience publique, l'article 149 de la Constitution a pour but de permettre un contrôle public de la décision rendue et constitue de ce fait l'une des garanties d'un procès équitable ? »;2. « L'article 20, § 3, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat viole-t-il les articles 10, 11 et 191 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 149 de la Constitution et l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que cette disposition prévoit que le premier président, le président, le président de chambre ou le conseiller d'Etat ayant au moins trois années d'ancienneté de grade, désigné par le chef de corps qui est responsable de la section du contentieux administratif, se prononce sur l'admissibilité du recours en cassation, sans audience et sans entendre les parties et en ce que cette disposition crée de ce fait une différence de traitement sans fondement légitime et raisonnable entre deux catégories de justiciables, étant d'une part ceux qui voient la décision du Conseil d'Etat prononcée sur leurs recours en annulation ou en suspension prononcée en audience publique et d'autre part, ceux qui voient la décision du Conseil d'Etat prononcée sur leurs recours en cassation prononcée sans audience ? ». Ces affaires, inscrites sous les numéros 4504 et 4505 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) III. En droit (...) B.1.1. La section du contentieux administratif du Conseil d'Etat est, en vertu de l'article 14, § 2, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973 - tel qu'il a été inséré par l'article 2 de la loi du 25 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/05/1999 pub. 22/06/1999 numac 1999000448 source ministere de l'interieur et ministere de la justice Loi modifiant les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, la loi du 5 avril 1955 relative aux traitements des titulaires d'une fonction au Conseil d'Etat, ainsi que le Code judiciaire fermer « modifiant les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, la loi du 5 avril 1955 relative aux traitements des titulaires d'une fonction au Conseil d'Etat, ainsi que le Code judiciaire » -, compétente pour « statue [r] [...] sur les recours en cassation formés contre les décisions contentieuses rendues en dernier ressort par les juridictions administratives ».

L'article 20 des lois coordonnées le 12 janvier 1973, tel qu'il a été rétabli par l'article 8 de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers fermer réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des étrangers, indique, en son paragraphe 1er, que ce type de recours « n'est traité que lorsqu'il est déclaré admissible », son paragraphe 4 rappelant que la procédure en cassation n'est engagée que lorsque le recours en cassation est déclaré admissible.

L'article 20, § 2, des mêmes lois coordonnées précise les critères d'admissibilité d'un tel recours : « Chaque recours en cassation est, dès qu'il est porté au rôle, et sur le vu de la requête et du dossier de la procédure, immédiatement soumis à la procédure d'admission.

Les recours en cassation pour lesquels le Conseil d'Etat est incompétent ou sans juridiction ou qui sont sans objet ou manifestement irrecevables ne sont pas déclarés admissibles.

Sont seuls déclarés admissibles les recours en cassation qui invoquent une violation de la loi ou la violation d'une règle de forme, soit substantielle, soit prescrite à peine de nullité, pour autant que le moyen invoqué par le recours ne soit pas manifestement non fondé et que cette violation soit effectivement de nature telle qu'elle peut conduire à la cassation de la décision querellée et a pu influencer la portée de la décision.

Sont également déclarés admissibles, les recours en cassation pour lesquels le Conseil d'Etat n'est pas incompétent ou sans pouvoir de juridiction pour statuer sur le recours en cassation ou qui ne sont pas sans objet ou manifestement irrecevables et dont l'examen par la section s'avère nécessaire pour assurer l'unité de la jurisprudence ».

B.1.2. L'article 20, § 3, des lois coordonnées le 12 janvier 1973, tel qu'il a été modifié par l'article 99 de l'arrêté royal du 25 avril 2007 « modifiant divers arrêtés relatifs à la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat », définit les éléments essentiels de la procédure d'admissibilité du recours en cassation administrative.

Il dispose : « Le premier président, le président, le président de chambre ou le conseiller d'Etat ayant au moins trois années d'ancienneté de grade, désigné par le chef de corps qui est responsable de la section du contentieux administratif, se prononce, par voie d'ordonnance, dans les huit jours à compter de la réception du dossier de la juridiction, sur l'admissibilité du recours en cassation, sans audience et sans entendre les parties. Aussitôt après réception de la requête, le greffier en chef demande communication du dossier de la juridiction à la juridiction administrative dont la décision est contestée par un recours en cassation. Cette juridiction communique le dossier dans les deux jours ouvrables suivant la demande de communication au Conseil d'Etat.

L'ordonnance qui refuse l'admissibilité du recours motive succinctement le refus.

L'ordonnance est directement signifiée aux parties en cassation selon les modalités fixées par un arrêté royal délibéré en Conseil des Ministres. Cet arrêté royal peut également déterminer les cas dans lesquels une notification aux autorités administratives en cause visées à l'article 14, § 2, du dispositif ainsi que de l'objet suffit, ainsi que la forme et les conditions selon lesquelles cette notification est faite et la manière dont ces ordonnances sont intégralement accessibles à cette partie.

Aucune opposition, ni tierce opposition ne peut être formée contre les ordonnances prononcées en vertu de la présente disposition, lesquelles ne sont pas davantage susceptibles de révision ».

Le Roi est, en outre, habilité à « détermine [r], par un arrêté délibéré en Conseil des Ministres, la procédure relative à l'examen de l'admissibilité en cassation » (article 20, § 5, des lois coordonnées le 12 janvier 1973).

B.2. Il ressort du libellé de la première question préjudicielle qu'elle invite la Cour à examiner la compatibilité de l'article 20, § 3, alinéa 1er, première phrase, des lois coordonnées le 12 janvier 1973 avec l'article 149 de la Constitution, lu en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.3.1. En vertu de l'article 142, alinéa 2, de la Constitution et de l'article 26, § 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, la Cour est compétente pour statuer, à titre préjudiciel, sur les questions relatives à la violation par une loi, un décret ou une règle visée à l'article 134 de la Constitution, des règles qui sont établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l'Etat, des communautés et des régions, ou des articles du titre II « Des Belges et de leurs droits », et des articles 170, 172 et 191 de la Constitution, ainsi que sur les questions relatives à tout autre conflit résultant du champ d'application respectif de décrets ou de règles visées à l'article 134 de la Constitution émanant de législateurs distincts.

B.3.2. L'article 149 de la Constitution dispose : « Tout jugement est motivé. Il est prononcé en audience publique ».

Cette disposition constitutionnelle n'étant ni une règle ayant pour objet de déterminer les compétences respectives de l'Etat, des communautés et des régions, ni l'un des articles du titre II de la Constitution, la Cour n'est pas compétente pour statuer directement sur la compatibilité de la disposition législative en cause avec cette disposition constitutionnelle, lue isolément ou en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.3.3. La deuxième question préjudicielle interroge la Cour sur la compatibilité du même article 20, § 3, des lois coordonnées le 12 janvier 1973 avec « les articles 10, 11 et 191 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 149 de la Constitution et l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme » et elle fait grief également à cet article 20, § 3, de permettre que la décision sur l'admissibilité du recours en cassation soit prononcée « sans audience et sans entendre les parties ». Les deux questions sont indissolublement liées, de telle sorte qu'elles doivent être reformulées, en une seule question, de la manière suivante : « L'article 20, § 3, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat viole-t-il les articles 10, 11 et 191, lus en combinaison avec l'article 149 de la Constitution et avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que, en prévoyant que le premier président, le président de chambre ou le conseiller d'Etat ayant au moins trois années d'ancienneté de grade, désigné par le chef de corps qui est responsable du contentieux administratif, se prononce sans audience et sans entendre les parties, sur l'admissibilité du recours, cette disposition crée une double différence de traitement : d'une part, entre les justiciables auxquels s'applique cette disposition et ceux qui bénéficient, en vertu de l'article 149 de la Constitution, d'un jugement prononcé en audience publique; d'autre part, entre les justiciables qui, ayant introduit un recours en annulation ou une demande de suspension devant le Conseil d'Etat, voient celui-ci se prononcer en public après une audience et ceux qui, ayant introduit un recours en cassation devant le même Conseil d'Etat, voient celui-ci se prononcer sur l'admissibilité de ce recours sans audience ? ».

B.3.4. Si la première phrase de l'article 149 de la Constitution exprime une règle générale qui s'impose à toute juridiction, la seconde phrase s'applique uniquement aux juridictions de jugement relevant du pouvoir judiciaire, ce qui toutefois n'interdit pas au législateur compétent de rendre explicitement applicable aux autres juridictions la règle qu'elle contient.

La question préjudicielle doit donc être examinée uniquement en ce qu'elle allègue la violation des articles 10, 11 et 191 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.3.5. La disposition en cause a été adoptée à l'occasion de la réforme du contentieux relatif à l'accès au territoire, au séjour, à l'établissement et à l'éloignement des étrangers, opérée par la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers fermer précitée. La procédure de cassation administrative concerne en grande partie les recours introduits contre les décisions du Conseil du Contentieux des étrangers, lequel est une juridiction administrative, « seule compétente pour connaître des recours introduits à l'encontre des décisions individuelles prises en application des lois sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers » (article 39/1, § 1er, de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, introduit par la loi précitée du 15 septembre 2006). Ces contestations ne portent ni sur des droits et obligations de caractère civil ni sur le bien-fondé d'une accusation en matière pénale, de telle sorte que les dispositions de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme ne leur sont pas applicables (CEDH, grande chambre, 5 octobre 2000, Maaouia c. France, § 40; CEDH, 14 février 2008, Hussain c. Roumanie, § 98). B.3.6. Toutefois, le législateur a modifié, de manière générale, la procédure de cassation administrative, laquelle peut aussi s'appliquer à des contestations qui entrent dans le champ d'application de l'article 6.1 de la Convention précitée.

B.4. Sauf règles de procédure particulières, la personne qui a introduit un recours en annulation ou une demande de suspension devant le Conseil d'Etat est en mesure de faire valoir, lors d'une audience, ses observations (article 27, § 1er, des lois coordonnées le 12 janvier 1973). L'arrêt du Conseil d'Etat sera rendu en audience publique (article 28, alinéa 1er, des mêmes lois).

B.5.1. La disposition en cause, qui déroge à ces règles, s'insère dans un ensemble de mesures législatives visant à maîtriser et à éliminer un arriéré juridictionnel considérable et persistant mettant en péril le bon fonctionnement du Conseil d'Etat, et s'expliquant notamment par la multiplication de recours abusifs, dilatoires ou « déficients » déposés auprès de cette juridiction administrative (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2479/001, pp. 4-12 et 14-15).

B.5.2. La procédure d'admission en cassation a pour but « d'éviter que la plus haute juridiction administrative soit simplement considérée par les requérants comme une instance d'appel et que le Conseil d'Etat soit astreint à examiner et à statuer au fond [sur] des pourvois en cassation dont un examen préalable sommaire fait apparaître qu'ils n'ont aucune chance d'être accueillis vu les moyens invoqués ». Cette procédure libère « un espace [...] pour des affaires qui requièrent un examen approfondi, ce qui contribue à une administration de la justice équitable et efficace » (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2479/001, p. 34).

Cette procédure d'admission - « raccourcie et accélérée » - constitue un « filtre des pourvois en cassation introduits auprès du Conseil d'Etat » (ibid., p. 36). Sa rapidité est considérée comme l'une des garanties de son efficacité (ibid., p. 40). Il en va de même de l'absence d'audience et de débat contradictoire (ibid., p. 41). La procédure d'admission s'inspire de celles qui existent dans plusieurs Etats membres de l'Union européenne ainsi que dans les règlements de procédure des juridictions européennes (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2479/001, pp. 35 et 41).

B.5.3. Compte tenu de ce que l'objectif poursuivi est de nature à contribuer à une bonne administration de la justice et de ce que le refus d'admission n'est permis que lorsqu'un examen préalable fait apparaître que le recours n'a aucune chance d'être accueilli, le législateur a pu prévoir des règles de procédure spécifiques qui diffèrent de celles de la demande de suspension ou du recours en annulation.

Il convient toutefois d'examiner si ces règles de procédure spécifiques n'entraînent pas une limitation disproportionnée des droits des personnes concernées.

B.5.4. A la différence de la personne qui introduit auprès de la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat une demande de suspension ou un recours en annulation pour contester une décision individuelle, celui qui forme, auprès de la même juridiction, un recours en cassation a déjà eu l'occasion de soumettre ses griefs à une instance juridictionnelle indépendante et impartiale.

En outre, l'ordonnance relative à l'admissibilité du recours en cassation est rendue sans que la partie adverse soit en mesure de faire valoir ses éventuelles observations sur cet aspect du recours.

L'auditorat du Conseil d'Etat ne participant pas à l'examen de l'admissibilité de ce type de recours (article 76, § 1er, alinéa 5, des lois coordonnées le 12 janvier 1973, inséré par l'article 33 de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers fermer), l'ordonnance sur l'admissibilité n'est donc rendue que sur la base de la requête en cassation et du dossier de la juridiction administrative dont la décision est contestée. Il n'est donc pas porté atteinte au principe de l'égalité des armes.

B.6.1. L'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme prévoit que toute personne a droit à ce que sa cause soit « entendue [...] publiquement » et que « le jugement doit être rendu publiquement ». Toutefois, spécialement lorsqu'il s'agit d'une procédure de cassation et que celle-ci ne porte que sur des questions de droit, il peut se justifier, d'une part, qu'il n'y ait pas d'audience, d'autre part, que la publicité de la décision soit assurée autrement que par une lecture en audience publique (CEDH, 8 décembre 1983, Pretto et autres c. Italie; 8 décembre 1983, Axen c. Allemagne; 22 février 1984, Sutter c. Suisse; 17 janvier 2008, Ryakib Birynkov c. Russie).

B.6.2. Le recours en cassation intervient après une procédure juridictionnelle qui est contradictoire. Il ne porte que sur des questions de droit. La procédure en cause ne concerne que l'admissibilité du recours et celle-ci ne peut être refusée que dans les conditions énumérées à l'article 20, § 2, précité de la loi. Si le recours est déclaré admissible, il est en principe traité en audience publique, après échange de mémoires.

B.6.3. Si la décision de non-admissibilité n'est pas lue en audience publique, tant l'article 20, § 3, alinéa 3, des lois coordonnées le 12 janvier 1973 que l'article 11, alinéa 2, de l'arrêté royal du 30 novembre 2006 déterminant la procédure en cassation devant le Conseil d'Etat prévoient que l'ordonnance de non-admission est communiquée « sans délai » aux parties, lesquelles peuvent également en prendre connaissance au greffe du Conseil d'Etat. Selon l'article 28, alinéa 3, des lois coordonnées précitées, « les arrêts et les ordonnances visées à l'article 20, § 3 du Conseil d'Etat sont accessibles au public ».

B.6.4. Enfin, en disposant que « l'ordonnance qui refuse l'admissibilité du recours motive succinctement le refus », l'article 20, § 3, alinéa 2, des lois coordonnées le 12 janvier 1973 n'autorise pas le Conseil d'Etat à méconnaître la règle générale, rappelée à l'article 28 de ces lois, selon laquelle tout jugement est motivé. Il signifie uniquement que, en raison même de leur caractère évident, les motifs d'inadmissibilité ne requièrent pas de longs développements.

B.7. Il découle de ce qui précède que le législateur a pu traiter les personnes qui exercent un recours en cassation devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat différemment, d'une part, des justiciables exerçant un recours devant une juridiction à laquelle s'applique l'article 149, deuxième phrase, de la Constitution, d'autre part, des personnes exerçant un recours en annulation ou une demande de suspension devant la même section du Conseil d'Etat.

Il n'y a pas lieu d'examiner la compatibilité de la disposition en cause avec l'article 191 de la Constitution. En effet, comme cela a été relevé en B.3.5 et B.3.6, l'article 20, § 3, des lois coordonnées le 12 janvier 1973 s'applique sans distinction aux Belges et aux étrangers.

B.8. En disposant que l'ordonnance sur l'admissibilité n'est pas précédée d'une audience et en ne prévoyant pas qu'elle est rendue au cours d'une audience publique, le législateur a pris une mesure qui n'est pas incompatible avec les articles 10, 11 et 191 de la Constitution lus en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 20, § 3, alinéa 1er, première phrase, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, ne viole pas les articles 10, 11 et 191 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 8 janvier 2009.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Melchior.

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