publié le 08 avril 2005
Extrait de l'arrêt n° 62/2005 du 23 mars 2005 Numéro du rôle : 2913 En cause : le recours en annulation des articles 16, 2°, et 18, 4°, de la loi du 5 août 2003 relative aux violations graves du droit international humanitaire, introduit pa La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, R.(...)
COUR D'ARBITRAGE
Extrait de l'arrêt n° 62/2005 du 23 mars 2005 Numéro du rôle : 2913 En cause : le recours en annulation des articles 16, 2°, et 18, 4°, de la
loi du 5 août 2003Documents pertinents retrouvés
type
loi
prom.
05/08/2003
pub.
07/08/2003
numac
2003021182
source
service public federal chancellerie du premier ministre et service public federal justice
Loi relative aux violations graves du droit international humanitaire
fermer relative aux violations graves du droit international humanitaire, introduit par l'a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme et l'a.s.b.l. Liga voor Mensenrechten.
La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke et J. Spreutels, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 9 février 2004 et parvenue au greffe le 10 février 2004, l'a.s.b.l.
Ligue des droits de l'homme, dont le siège social est établi à 1190 Bruxelles, chaussée d'Alsemberg 303, et l'a.s.b.l. Liga voor Mensenrechten, dont le siège social est établi à 9000 Gand, Van Stopenberghestraat 2, ont introduit un recours en annulation des articles 16, 2°, et 18, 4°, de la loi du 5 août 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/2003 pub. 07/08/2003 numac 2003021182 source service public federal chancellerie du premier ministre et service public federal justice Loi relative aux violations graves du droit international humanitaire fermer relative aux violations graves du droit international humanitaire (publiée au Moniteur belge du 7 août 2003, deuxième édition). (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions entreprises B.1.1. L'article 10 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, tel qu'il a été modifié par l'article 16, 2°, de la loi du 5 août 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/2003 pub. 07/08/2003 numac 2003021182 source service public federal chancellerie du premier ministre et service public federal justice Loi relative aux violations graves du droit international humanitaire fermer relative aux violations graves du droit international humanitaire (ci-après : loi du 5 août 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/2003 pub. 07/08/2003 numac 2003021182 source service public federal chancellerie du premier ministre et service public federal justice Loi relative aux violations graves du droit international humanitaire fermer), qui a inséré un point 1°bis, dispose : « Hormis dans les cas visés aux articles 6 et 7, § 1er, pourra être poursuivi en Belgique l'étranger qui aura commis hors du territoire du Royaume : [...] 1°bis. une violation grave du droit international humanitaire visée au livre II, titre Ibis du Code pénal, commise contre une personne qui, au moment des faits, est un ressortissant belge ou une personne qui, depuis au moins trois ans, séjourne effectivement, habituellement et légalement en Belgique.
Les poursuites, en ce compris l'instruction, ne peuvent être engagées qu'à la requête du procureur fédéral qui apprécie les plaintes éventuelles. Il n'y a pas de voie de recours contre cette décision.
Saisi d'une plainte en application des alinéas précédents, le procureur fédéral requiert le juge d'instruction d'instruire cette plainte sauf si : 1° la plainte est manifestement non fondée;ou 2° les faits relevés dans la plainte ne correspondent pas à une qualification des infractions visées au livre II, titre Ibis, du Code pénal;ou 3° une action publique recevable ne peut résulter de cette plainte;ou 4° des circonstances concrètes de l'affaire, il ressort que, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice et dans le respect des obligations internationales de la Belgique, cette affaire devrait être portée soit devant les juridictions internationales, soit devant la juridiction du lieu où les faits ont été commis, soit devant la juridiction de l'Etat dont l'auteur est ressortissant ou celle du lieu où il peut être trouvé, et pour autant que cette juridiction présente les qualités d'indépendance, d'impartialité et d'équité, tel que cela peut notamment ressortir des engagements internationaux relevants liant la Belgique et cet Etat. Si le procureur fédéral classe une affaire sans suite, il le notifie au Ministre de la Justice en visant les points énumérés à l'alinéa précédent sur lesquels se fonde ce classement.
Si le classement sans suite se fonde uniquement sur les points 3° et 4° précités ou uniquement sur le point 4° précité et lorsque ces faits ont été commis après le 30 juin 2002, le Ministre de la Justice informe la Cour pénale internationale de ces faits ». B.1.2. L'article 12bis du titre préliminaire du Code de procédure pénale, tel qu'il a été complété par l'article 18, 4°, de la même loi et avant sa modification par l'article 378 de la loi-programme du 22 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 22/12/2003 pub. 31/12/2003 numac 2003021248 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer - modification qui n'a pas d'incidence sur le présent recours -, dispose : « Hormis les cas visés aux articles 6 à 11, les juridictions belges sont également compétentes pour connaître des infractions commises hors du territoire du Royaume et visées par une règle de droit international conventionnelle ou coutumière liant la Belgique, lorsque cette règle lui impose, de quelque manière que ce soit, de soumettre l'affaire à ses autorités compétentes pour l'exercice des poursuites.
Les poursuites, en ce compris l'instruction, ne peuvent être engagées qu'à la requête du procureur fédéral qui apprécie les plaintes éventuelles. Il n'y a pas de voie de recours contre cette décision.
Saisi d'une plainte en application des alinéas précédents, le procureur fédéral requiert le juge d'instruction d'instruire cette plainte sauf si : 1° la plainte est manifestement non fondée;ou 2° les faits relevés dans la plainte ne correspondent pas à une qualification des infractions visées au livre II, titre Ibis, du Code pénal;ou 3° une action publique recevable ne peut résulter de cette plainte;ou 4° des circonstances concrètes de l'affaire, il ressort que, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice et dans le respect des obligations internationales de la Belgique, cette affaire devrait être portée soit devant les juridictions internationales, soit devant la juridiction du lieu où les faits ont été commis, soit devant la juridiction de l'Etat dont l'auteur est ressortissant ou celle du lieu où il peut être trouvé, et pour autant que cette juridiction présente les qualités d'indépendance, d'impartialité et d'équité, tel que cela peut notamment ressortir des engagements internationaux relevants liant la Belgique et cet Etat. Si le procureur fédéral classe une affaire sans suite, il le notifie au Ministre de la Justice en visant les points énumérés à l'alinéa précédent sur lesquels se fonde ce classement.
Si le classement sans suite se fonde uniquement sur les points 3° et 4° précités ou uniquement sur le point 4° précité et lorsque ces faits ont été commis après le 30 juin 2002, le Ministre de la Justice informe la Cour pénale internationale de ces faits ». Quant à la recevabilité B.2.1. Selon le Conseil des Ministres, le recours devrait être déclaré irrecevable à défaut pour les parties requérantes, associations sans but lucratif, de démontrer concrètement que les dispositions entreprises portent atteinte à leur objet social.
B.2.2. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme entreprise.
B.2.3. Lorsqu'une association sans but lucratif se prévaut d'un intérêt collectif, il est requis que son objet social soit d'une nature particulière et, dès lors, distinct de l'intérêt général; que l'intérêt collectif ne soit pas limité aux intérêts individuels des membres; que la norme entreprise soit susceptible d'affecter l'objet social; enfin, qu'il n'apparaisse pas que l'objet social ne soit pas ou plus réellement poursuivi.
B.2.4. Selon leurs statuts, les a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme et Liga voor Mensenrechten ont pour objet de combattre l'injustice et toute atteinte arbitraire aux droits d'un individu ou d'une collectivité. Elles défendent les principes d'égalité, de liberté et d'humanisme consacrés notamment par la Constitution belge et la Convention européenne des droits de l'homme.
Sans qu'une telle définition de l'objet social d'une a.s.b.l. doive être prise à la lettre comme un moyen qu'elle se donne d'attaquer n'importe quelle norme sous le prétexte que toute norme a une incidence sur les droits de quelqu'un, il peut être admis que les dispositions attaquées de la loi du 5 août 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/2003 pub. 07/08/2003 numac 2003021182 source service public federal chancellerie du premier ministre et service public federal justice Loi relative aux violations graves du droit international humanitaire fermer sont d'une nature telle qu'elles peuvent affecter défavorablement l'objet social des associations requérantes. Ces dispositions confèrent en effet au procureur fédéral le monopole d'engager des poursuites en particulier contre certaines violations graves du droit international humanitaire et suppriment par conséquent la possibilité pour les victimes de ces infractions de mettre en mouvement l'action publique par constitution de partie civile.
B.2.5. Il s'ensuit que les a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme et Liga voor Mensenrechten justifient d'un intérêt à demander l'annulation des dispositions précitées.
Quant au fond B.3. Dans leur moyen unique, les parties requérantes estiment qu'en réservant au procureur fédéral le pouvoir d'engager des poursuites dans les cas et pour les infractions qu'elles désignent, ce qui exclut par conséquent la possibilité de mise en mouvement de l'action publique par constitution de partie civile, et en prévoyant en outre qu'il n'y a pas de voie de recours contre la décision du procureur fédéral de ne pas engager de poursuites, les dispositions entreprises créeraient une différence de traitement injustifiée et disproportionnée entre les victimes des infractions visées dans ces dispositions et les victimes d'infractions de droit commun, en violation des articles 10 et 11 de la Constitution et du droit au procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.
B.4.1. La première branche du moyen unique est dirigée contre le 1°bis de l'article 10 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, introduit par l'article 16, 2°, de la loi du 5 août 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/2003 pub. 07/08/2003 numac 2003021182 source service public federal chancellerie du premier ministre et service public federal justice Loi relative aux violations graves du droit international humanitaire fermer.
Cette disposition confie au procureur fédéral, sans possibilité de recours, le monopole de l'engagement des poursuites en Belgique contre un étranger qui a commis hors du territoire du Royaume une violation grave du droit international humanitaire visée au livre II, titre Ibis, du Code pénal contre une personne qui, au moment des faits, est un ressortissant belge ou une personne qui, depuis au moins trois ans, séjourne effectivement, habituellement et légalement en Belgique.
B.4.2. La seconde branche du moyen unique est dirigée contre les compléments apportés à l'article 12bis du titre préliminaire du Code de procédure pénale.
Cette disposition confie au procureur fédéral, sans possibilité de recours, le monopole de l'engagement des poursuites contre les infractions commises hors du territoire du Royaume et visées par une règle de droit international conventionnelle ou coutumière liant la Belgique, lorsque cette règle impose à celle-ci, de quelque manière que ce soit, de soumettre l'affaire à ses autorités compétentes pour l'exercice des poursuites.
B.5.1. La loi du 5 août 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/2003 pub. 07/08/2003 numac 2003021182 source service public federal chancellerie du premier ministre et service public federal justice Loi relative aux violations graves du droit international humanitaire fermer a pour objectif de mettre fin aux problèmes suscités par l'application de la loi du 16 juin 1993 relative à la répression des violations graves du droit international humanitaire, notamment « une utilisation politique manifestement abusive de cette loi » (Doc. parl., Chambre, S.E. 2003, DOC 51-103/001, p. 3).
B.5.2. L'article 7 de la loi du 16 juin 1993 précitée, modifiée par les lois du 10 février 1999 et du 23 avril 2003, reconnaissait en effet au juge belge une compétence universelle en matière de crimes de guerre, de crimes de génocide et de crimes contre l'humanité.
Cette compétence dérogeait donc au principe de territorialité puisque les juridictions belges étaient compétentes, indépendamment du lieu de perpétration de l'infraction, de la nationalité de l'auteur ou de celle de la victime et même si l'auteur présumé du crime n'était pas trouvé en Belgique.
Le législateur visait ainsi à protéger certaines valeurs essentielles en luttant contre l'impunité des crimes considérés parmi les plus graves.
B.5.3. La loi du 5 août 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/2003 pub. 07/08/2003 numac 2003021182 source service public federal chancellerie du premier ministre et service public federal justice Loi relative aux violations graves du droit international humanitaire fermer entreprise maintient, « sur la base d'une étude comparative », une large possibilité de poursuites contre les auteurs d'infractions en matière de droit pénal humanitaire, en intégrant ces infractions dans le droit commun, « tout en conservant les règles d'immunité du droit international et du droit coutumier ainsi qu'un point de rattachement personnel (auteur et/ou victime) ou territorial clair avec le pays » (ibid.).
B.5.4. En ce qui concerne le critère de rattachement personnel avec le pays, si la loi entreprise a décidé d'appliquer le principe de personnalité active (l'auteur prétendu est de nationalité belge ou a sa résidence principale en Belgique) de manière illimitée, le législateur a par contre jugé nécessaire d'instaurer certaines limites en ce qui concerne le principe de personnalité passive (la victime doit, au moment des faits, être de nationalité belge ou résider effectivement, habituellement et légalement en Belgique depuis au moins trois ans), en supprimant, par la première disposition entreprise, la possibilité de mettre en mouvement l'action publique en se constituant partie civile.
Cette possibilité a également été supprimée, par la seconde disposition entreprise, en ce qui concerne les infractions commises hors du territoire du Royaume et visées par une règle de droit international conventionnelle ou coutumière liant la Belgique, lorsque cette règle impose à celle-ci, de quelque manière que ce soit, de soumettre l'affaire à ses autorités compétentes pour l'exercice des poursuites.
B.6.1. Dérogeant au principe de territorialité posé par l'article 3 du Code pénal, l'article 4 du même Code prévoit que l'infraction commise hors du territoire du Royaume, par des Belges ou par des étrangers, n'est punie, en Belgique, que dans les cas déterminés par la loi.
B.6.2. C'est au législateur qu'il appartient de déterminer, dans le respect des obligations internationales et du principe d'égalité et de non-discrimination, les modalités d'exercice de l'action publique contre des infractions graves du droit international humanitaire ou d'autres infractions graves commises en dehors du territoire.
La circonstance que le législateur ait opté pour une compétence universelle ne l'empêche pas de revenir sur cette option en limitant les possibilités de poursuites contre ces crimes qui trouvent leur source dans le droit international.
B.6.3. En raison des problèmes qui ont surgi à l'occasion de l'application de la loi du 16 juin 1993 précitée, le législateur a pu raisonnablement estimer que des limitations à la compétence pénale extra-territoriale relative aux violations graves du droit international humanitaire s'imposaient, et instaurer notamment un critère de rattachement personnel de l'auteur ou de la victime avec le pays. Il a également pu raisonnablement estimer nécessaire de limiter dans certains cas les possibilités de mise en mouvement de l'action publique, en réservant ce pouvoir au procureur fédéral.
La Cour doit toutefois examiner si, en supprimant dans certains cas la possibilité de mise en mouvement de l'action publique par constitution de partie civile, les normes attaquées n'ont pas porté atteinte de manière disproportionnée aux droits des victimes concernées.
B.7.1. La constitution de partie civile prévue par l'article 63 du Code d'instruction criminelle a pour objectif de permettre aux parties lésées de mettre elles-mêmes en mouvement l'action publique, afin de pallier une éventuelle inertie des parquets.
En supprimant la possibilité de mise en mouvement de l'action publique par constitution de partie civile dans les cas qui y sont visés, les articles 10, 1°bis, et 12bis du titre préliminaire du Code de procédure pénale établissent une différence de traitement entre les victimes d'infractions à ces dispositions et les autres victimes d'infractions, en particulier celles visées aux articles 10, 5°, 10ter et 10quater, du titre préliminaire précité.
B.7.2. En réponse aux remarques formulées par la section de législation du Conseil d'Etat, le Gouvernement a justifié en ces termes la nécessité de modifier pour les infractions graves au droit international humanitaire les règles du droit commun de la mise en mouvement de l'action publique : « Il n'a pas été jugé opportun de maintenir la possibilité de se constituer partie civile dans les cas visés à l'article 10, 1bis notamment pour les trois raisons essentielles suivantes. Premièrement, le droit international n'exige pas de prévoir le principe de personnalité passive comme critère de rattachement. Deuxièmement, il s'agit, à la différence des autres infractions visées à l'article 10, d'infractions qui trouvent leur source dans le droit international. Le droit international requiert de poursuivre ces infractions sans requérir l'exigence de la double incrimination (obligation de poursuivre les crimes commis sur le territoire d'un Etat pour lequel l'infraction existe sur le plan international, même si le droit interne de cet Etat n'a pas intégré cette incrimination dans son droit interne, contrairement aux infractions visées aux autres points de l'article 10), ce qui justifie un règlement spécifique, ainsi que l'exclusion de la possibilité de constitution de partie civile.
Troisièmement, à la différence des autres infractions visées à l'article 10, les infractions internationales visées à l'article 10, 1bis peuvent faire l'objet de poursuites même si l'auteur présumé n'est pas trouvé en Belgique (exception à l'article 12), bien qu'il ne s'agisse pas d'infractions qui, en soi, mettent en péril un élément essentiel de la souveraineté du Royaume (contrairement aux autres exceptions énumérées à l'article 12) » (Doc. parl., Chambre, S.E. 2003, DOC 51-103/001, pp. 5-6).
En ce qui concerne l'article 12bis du titre préliminaire du Code de procédure pénale, les travaux préparatoires indiquent qu'« ici également la constitution de partie civile n'est plus possible - sans empêcher les victimes de porter plainte, mais cette plainte n'engage plus automatiquement des poursuites » (Doc. parl., Chambre, S.E. 2003, DOC 51-103/003, p. 8).
B.7.3. Compte tenu de ce qui précède, le législateur a pu estimer nécessaire de créer un filtre aux possibilités de poursuites contre ces infractions.
B.7.4. En réservant au procureur fédéral le pouvoir d'engager des poursuites dans les hypothèses visées aux articles 10, 1°bis et 12bis du titre préliminaire du Code de procédure pénale, la mesure incriminée ne porte pas atteinte de manière disproportionnée aux droits des victimes.
Ce monopole de l'exercice des poursuites correspond à la volonté d'instaurer un organe de centralisation et de coordination de l'exercice de l'action publique en ce qui concerne ces infractions.
Par ailleurs, le procureur fédéral, loin de disposer d'une compétence discrétionnaire en la matière, ne peut décider d'un classement sans suite que pour un des quatre motifs exhaustivement énumérés par la loi : non fondement manifeste, erreur de qualification, irrecevabilité ou circonstances concrètes de l'affaire révélant une autre juridiction davantage indiquée.
B.7.5. Il reste encore à examiner si les mesures incriminées ne portent pas une atteinte disproportionnée aux droits des victimes en ce qu'il n'est organisé aucun contrôle de la décision du procureur fédéral de classer sans suite.
B.7.6. Eu égard à la nature des infractions visées par les dispositions attaquées, le législateur a pu redouter que des personnes qui prétendent être les victimes de telles infractions déposent plainte pour des raisons qui sont étrangères à une bonne administration de la justice et aux objectifs de la loi.
L'introduction d'une procédure de recours contre la décision du procureur fédéral de ne pas poursuivre et le débat auquel cette procédure donnerait lieu pourraient nuire gravement aux relations internationales de la Belgique, voire mettre en péril la sécurité de citoyens belges à l'étranger. Lorsque le législateur étend la saisine des juridictions pénales belges, par dérogation aux règles de compétence de droit commun, il peut également, pour éviter les conséquences d'un usage abusif des possibilités offertes par la loi, déroger au droit commun de la constitution de partie civile et confier l'intentement de l'action publique au seul procureur fédéral, spécialisé en la matière.
Toutefois, en ne permettant dans aucun cas que la décision du procureur fédéral de ne pas poursuivre soit contrôlée par un juge indépendant et impartial, il a pris une mesure qui va au-delà de l'objectif qu'il poursuit.
B.7.7. Les raisons exprimées en B.7.6 justifient que soit abrogé le recours prévu par la loi du 23 avril 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 23/04/2003 pub. 07/05/2003 numac 2003009412 source service public federal justice Loi modifiant la loi du 16 juin 1993 relative à la répression des violations graves du droit international humanitaire et l'article 144ter du Code judiciaire fermer, qui permettait qu'un refus de poursuivre puisse faire l'objet d'un recours devant la chambre des mises en accusation statuant, si elle le décide, en audience publique.
Il n'est pas déraisonnable de prévoir que le procureur fédéral, qui dispose de moyens d'investigation permettant de faire les vérifications utiles, puisse décider, sous sa seule responsabilité, que l'affaire ne doit pas être traitée par les juridictions belges parce qu'elle peut l'être, soit devant une juridiction internationale, soit devant un juge national indépendant et impartial ainsi que le prévoient le 4° des articles 10, 1°bis, alinéa 3, et 12bis, alinéa 3.
De tels classements, qui ne préjugent pas du fondement de la plainte, répondent au souci d'écarter, avant même toute mesure d'instruction, des plaintes déposées devant les autorités judiciaires belges dans le but de susciter artificiellement un débat politique mettant en cause des personnalités étrangères.
B.7.8. En revanche, les motifs de classement énumérés aux 1°, 2° et 3° des articles 10, 1°bis, alinéa 3, et 12bis, alinéa 3, concernent l'accès aux juridictions belges rendues compétentes par ces mêmes articles et ils ne permettent pas au procureur fédéral de prendre en considération les répercussions que pourrait avoir le traitement pénal d'une affaire sur les relations internationales de la Belgique.
S'il peut être admis que soit examiné, avant même qu'un juge d'instruction ne puisse être saisi, s'il est satisfait aux conditions énoncées aux 1°, 2° et 3° des dispositions précitées, il n'est pas raisonnablement justifié, alors que la constitution de partie civile ne peut mettre en mouvement l'action publique, que la décision de ne pas poursuivre ne soit pas prise par un juge indépendant et impartial, sur réquisition du procureur fédéral, le législateur restant libre de maintenir l'absence de recours contre la décision juridictionnelle et d'écarter les mesures de convocation et de publicité que prévoyait l'article 5 de la loi du 23 avril 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 23/04/2003 pub. 07/05/2003 numac 2003009412 source service public federal justice Loi modifiant la loi du 16 juin 1993 relative à la répression des violations graves du droit international humanitaire et l'article 144ter du Code judiciaire fermer, pour éviter les dérives évoquées en B.7.6.
B.8. Le moyen est fondé dans la seule mesure où les dispositions attaquées ne prévoient pas que la décision de ne pas engager des poursuites est prise par un juge indépendant et impartial dans les hypothèses visées aux 1°, 2° et 3° des articles 10, 1°bis, alinéa 3, et 12bis, alinéa 3, du titre préliminaire du Code de procédure pénale.
B.9. Il convient d'annuler, dans le titre préliminaire du Code de procédure pénale, l'alinéa 2 de l'article 10, 1°bis, et l'alinéa 2 de l'article 12bis qui disposent, en des termes identiques : « Les poursuites, en ce compris l'instruction, ne peuvent être engagées qu'à la requête du procureur fédéral qui apprécie les plaintes éventuelles. Il n'y a pas de voies de recours contre cette décision. » B.10. Afin de laisser au législateur le temps nécessaire pour modifier la loi, il convient, en application de l'article 8, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, de maintenir les effets des dispositions annulées jusqu'au 31 mars 2006.
Par ces motifs, la Cour - annule l'alinéa 2 de l'article 10, 1°bis, et l'alinéa 2 de l'article 12bis du titre préliminaire du Code de procédure pénale, tels qu'ils ont été modifiés respectivement par l'article 16, 2°, et par l'article 18, 4°, de la loi du 5 août 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/2003 pub. 07/08/2003 numac 2003021182 source service public federal chancellerie du premier ministre et service public federal justice Loi relative aux violations graves du droit international humanitaire fermer relative aux violations graves du droit international humanitaire; - maintient les effets des dispositions annulées jusqu'au 31 mars 2006.
Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 23 mars 2005.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux.
Le président, M. Melchior.