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Arrêt
publié le 06 décembre 2004

Extrait de l'arrêt n° 164/2004 du 28 octobre 2004 Numéro du rôle : 2790 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 51/4 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, R.(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 164/2004 du 28 octobre 2004 Numéro du rôle : 2790 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 51/4 de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, posée par la Commission permanente de recours des réfugiés.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke et J. Spreutels, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par décision du 19 août 2003 en cause de Sakiev Kourban et Kassymova Khankis, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 24 septembre 2003, la Commission permanente de recours des réfugiés a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 51/4 de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer relative à l'accès au territoire, au séjour, à l'établissement et à l'éloignement des étrangers viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, lus séparément ou en concordance avec : - l'article 22 de la Constitution, - l'article 8 du Traité sur la protection des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales signé le 4 novembre 1950 à Rome et approuvé par la loi du 13 mai 1955, - les articles 2, 3, 9 et 22 de la Convention relative aux Droits de l'Enfant signée à New York le 20 novembre 1989 et approuvée par la loi du 16 décembre 1991, - les articles 23 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, signé à New York le 19 décembre 1966 et approuvé par la loi du 15 mai 1981, dans la mesure où cette disposition législative peut avoir pour conséquence que des membres d'une même famille se voient déterminer une langue de procédure différente, à savoir le néerlandais pour les uns et le français pour les autres, et que, par suite, ces demandes d'asile seront traitées par des chambres de la Commission permanente de recours des réfugiés appartenant à des rôles linguistiques différents, alors même que leurs demandes sont connexes et qu'ils forment recours contre des décisions opposant leurs déclarations l'une à l'autre, sans que la juridiction ne dispose de la faculté de joindre l'examen des recours dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice ? » (...) III. En droit (...) B.1. L'article 51/4 de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers disposait, avant sa modification par la loi du 22 décembre 2003, comme suit : « § 1er. L'examen de la déclaration ou de la demande visées aux articles 50 et 51 a lieu en français ou en néerlandais.

La langue de l'examen est également celle de la décision à laquelle il donne lieu ainsi que des éventuelles décisions subséquentes d'éloignement du territoire. § 2. L'étranger, visé à l'article 50 ou 51, doit indiquer irrévocablement et par écrit s'il a besoin de l'assistance d'un interprète lors de l'examen de la demande visée au paragraphe précédent.

Si l'étranger ne déclare pas requérir l'assistance d'un interprète, il peut choisir, selon les mêmes modalités, le français ou le néerlandais comme langue de l'examen.

Si l'étranger n'a pas choisi l'une de ces langues ou a déclaré requérir l'assistance d'un interprète, le Ministre ou son délégué détermine la langue de l'examen, en fonction des besoins des services et instances. Cette décision n'est susceptible d'aucun recours distinct. § 3. Dans les éventuelles procédures subséquentes devant le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, la Commission permanente de recours des réfugiés et le Conseil d'Etat, il est fait usage de la langue choisie ou déterminée conformément au paragraphe 2.

Le paragraphe 1er, alinéa 2, est applicable. » B.2. La Commission permanente de recours des réfugiés, qui déduit de l'article 51/4, § 3, précité, qu'elle ne peut faire droit à la demande de jonction des requêtes introduites par les parties requérantes avec celles de leurs enfants dont la procédure se poursuit en néerlandais, interroge la Cour sur la compatibilité de l'article 51/4 de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer précitée avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus séparément ou en combinaison avec son article 22, avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec les articles 2, 3, 9 et 22 de la Convention relative aux droits de l'enfant et avec les articles 23 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. La juridiction a quo considère que l'article 51/4 peut avoir pour conséquence que des membres d'une même famille se voient déterminer des langues de procédure différentes, à savoir le français et le néerlandais, et que, par conséquent, ces demandes d'asile sont traitées par deux chambres différentes, sans que la juridiction ne dispose de la faculté de joindre l'examen des recours dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice.

B.3. Il résulte des éléments du dossier et de la motivation de la décision de renvoi que les parties requérantes devant la juridiction a quo ont, en application de l'article 51/4, § 2, alinéa 1er, de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer, indiqué irrévocablement et par écrit qu'elles avaient besoin de l'assistance d'un interprète lors de l'examen de leurs demandes d'obtention du statut de réfugié. Cette déclaration a eu pour conséquence qu'il revenait au ministre ou à son délégué, en application de l'alinéa 3 de l'article 51/4, § 2, de déterminer la langue, française ou néerlandaise, de l'examen du dossier.

B.4. Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 10 juillet 1996, qui a inséré la disposition litigieuse dans la loi sur les étrangers, que l'objectif du législateur était triple : apporter plus de « clarté et de sécurité juridique » dans la procédure d'examen des demandes d'asile, éviter « la manipulation [par des demandeurs d'asile] du rôle linguistique » et « permettre une bonne gestion du traitement des dossiers » (Doc. parl., Chambre, 1995-1996, n° 364/1, pp. 32-34). Il ressort également des mêmes travaux préparatoires que le législateur entendait garantir le droit pour les demandeurs d'asile, lorsqu'ils parlent effectivement le français ou le néerlandais, d'être entendus dans la langue de leur choix (ibid., pp. 32 et 33).

B.5.1. En tant que les demandeurs d'asile peuvent choisir le français ou le néerlandais comme langue dans laquelle sera examinée leur demande, ils ne sont pas traités différemment des usagers des services centraux visés aux articles 41 et 42 des lois coordonnées sur l'emploi des langues en matière administrative. Ce n'est que lorsque, comme en l'espèce, ils requièrent l'assistance d'un interprète que les demandeurs d'asile perdent, à l'inverse des usagers des services centraux, cette faculté de choisir eux-mêmes la langue de la procédure.

B.5.2. Cette mesure est raisonnablement justifiée au regard des objectifs poursuivis par le législateur. Le fait, pour un demandeur d'asile, de solliciter l'assistance d'un interprète permet en effet de présumer qu'il n'a aucune connaissance du néerlandais ni du français ou qu'il n'a d'une de ces langues qu'une maîtrise imparfaite, et en tout cas insuffisante pour assumer, de façon autonome, le suivi et la défense de sa demande en l'une ou l'autre de ces deux langues. Dès lors que le libre choix de la langue de la procédure n'aboutit pas à ce que le demandeur d'asile utilise, de façon effective et autonome, la langue ainsi choisie, le législateur a pu considérer qu'il convenait, dans ce cas, de laisser aux autorités le soin de déterminer elles-mêmes la langue d'examen de la demande d'asile : cette mesure répond tant au souci d'éviter qu'une langue de procédure ne soit éventuellement privilégiée pour des motifs autres que de connaissance de ladite langue qu'au souci d'assurer une certaine souplesse dans la distribution des demandes entre les services; par ailleurs, elle n'est pas dépourvue de justification raisonnable dès lors que l'intervention d'un interprète permet en toute hypothèse au demandeur d'asile, indépendamment de la langue de la procédure retenue, de faire usage d'une langue de son choix.

B.6. La Cour doit cependant encore examiner si l'impossibilité de « joindre » des demandes « qui possèdent un lien de connexité évident » viole les articles 10 et 11 de la Constitution, dans l'hypothèse où elle conduirait à ce que des demandes d'asile émanant de personnes issues d'une même famille ne puissent être traitées dans une même langue par la même chambre de la Commission permanente.

B.7.1. Aucun principe général de droit et aucune disposition de la Convention internationale du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés n'imposent à un Etat saisi d'une demande d'asile de la considérer comme nécessairement connexe à une procédure pendante relative à un membre de la famille du demandeur. En revanche, il ressort de l'ensemble de la Convention précitée que c'est en principe la situation de la personne qui doit être prise en compte en tant que telle. Dès lors qu'il n'existe aucune obligation de traiter conjointement les demandes d'asile introduites par des membres d'une même famille, même si dans certains cas un traitement conjoint peut être souhaitable, et que les principes généraux de bonne administration exigent que le ministre ou son délégué en tiennent compte, le législateur a pu, pour les raisons indiquées au B.4, considérer qu'il ne convenait pas de prévoir la possibilité d'encore modifier la langue de la procédure afin de permettre un examen conjoint de dossiers « connexes ».

B.7.2. Le principe invoqué de l'unité de la famille n'est pas de nature à porter atteinte à ce qui précède. Bien qu'il apparaisse de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme que le droit au respect de la vie familiale puisse également impliquer certaines garanties procédurales (Cour eur.D.H., 13 juillet 2000, Elsholz ; 10 mai 2001, T.P. et K.M. ; 20 décembre 2001, Buchberger ; 17 décembre 2002, Venema ), ces garanties ne vont pas jusqu'à conférer le droit d'obtenir la jonction de plusieurs procédures.

La prise en compte du droit au respect de la vie familiale, garanti par l'article 22 de la Constitution, n'est pas de nature à conduire à une conclusion différente. Pour les raisons exposées en B.7.1, les demandes d'asile, fussent-elles introduites par des membres d'une même famille, doivent être examinées individuellement. L'article 22 de la Constitution n'impose pas aux autorités de prévoir une jonction des demandes introduites par les membres d'une même famille, ni de prévoir que ces demandes doivent être examinées dans la même langue de procédure ou par la même chambre.

Pour le surplus, le droit au respect de la vie privée et familiale est garanti dans les conditions prévues par la loi, concernant le regroupement familial.

B.8. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 51/4 de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers ne viole pas les articles 10, 11 et 22 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 28 octobre 2004.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Melchior.

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