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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 23 mai 2001

Arrêt n° 54/2001 du 8 mai 2001 Numéro du rôle : 1870 En cause : le recours en annulation partielle des articles 3, 8 et 18 de la loi du 7 mai 1999 « modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membre La Cour d'arbitrage, composée du président M. Melchior, des juges P. Martens, R. Henneuse, E. De(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 54/2001 du 8 mai 2001 Numéro du rôle : 1870 En cause : le recours en annulation partielle des articles 3, 8 et 18 de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/07/1999 numac 1999009724 source ministere de la justice Loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire fermer « modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire », introduit par J. Colpin et autres.

La Cour d'arbitrage, composée du président M. Melchior, des juges P. Martens, R. Henneuse, E. De Groot et L. Lavrysen, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, du président émérite G. De Baets et du juge émérite E. Cerexhe, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président émérite G. De Baets, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 24 janvier 2000 et parvenue au greffe le 25 janvier 2000, un recours en annulation de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/07/1999 numac 1999009724 source ministere de la justice Loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire fermer « modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire », et plus précisément des articles 405, § 3, 413quater, 427bis, 427ter et 427quater du Code judiciaire, tels qu'ils ont été remplacés ou insérés par ladite loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/07/1999 numac 1999009724 source ministere de la justice Loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire fermer (publiée au Moniteur belge du 30 juillet 1999), a été introduit par J. Colpin, demeurant à 2811 Hombeek, Hombekerkouter 49, M. De Grève, demeurant à 1420 Braine-l'Alleud, avenue du Cadre Noir 5, K. Desaegher, demeurant à 1090 Bruxelles, rue F. Volral 25, H. Desmedt, demeurant à 1000 Bruxelles, rue aux Laines 17, P. De Gryse, demeurant à 1560 Hoeilaart, Albert Rowiesstraat 12A, L. Deschamps, demeurant à 1570 Gammerages, Tasseniersstraat 4, B. Franck, demeurant à 2160 Wommelgem, Vlasakker 12, J. Geysen, demeurant à 1020 Bruxelles, Neerleest 4, L. Goossens, demeurant à 2300 Turnhout, de Merodelei 114, B. Haegeman, demeurant à 1160 Bruxelles, rue Valduc 176, T. Heeren, demeurant à 3800 Saint-Trond, Hoveniersstraat 19, Y. Keppens, demeurant à 1785 Merchtem, Langensteenweg 45, J. Laveyt, demeurant à 1180 Bruxelles, avenue Wolvendael 127, D. Lebeau, demeurant à 1410 Waterloo, rue de la Station 87, Y. Nachtegaele, demeurant à 1981 Zemst-Hofstade, Grensstraat 43, J.-P. Palms, demeurant à 3800 Saint-Trond, Heide 18, W. Peeters, demeurant à 9250 Waasmunster, Oudeheerweg Heide 105, W. Quirynen, demeurant à 1060 Bruxelles, rue Berckmans 6, M. Ryde, demeurant à 8900 Ypres, Dikkebusseweg 514, G. Van Den Bossche, demeurant à 1731 Zellik-Asse, J. De Keersmaekerstraat 219, et L. Van Holm, demeurant à 8500 Courtrai, Mgr. De Haernelaan 20.

II. La procédure Par ordonnance du 25 janvier 2000, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 15 février 2000.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 26 février 2000.

Le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, a introduit un mémoire par lettre recommandée à la poste le 31 mars 2000.

Ce mémoire a été notifié conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettre recommandée à la poste le 12 mai 2000.

Les parties requérantes ont introduit un mémoire en réponse par lettre recommandée à la poste le 13 juin 2000.

Par ordonnances des 29 juin 2000 et 20 décembre 2000, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 24 janvier 2001 et 24 juillet 2001 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 6 février 2001, la Cour a complété le siège par le juge L. Lavrysen.

Par ordonnance du 7 février 2001, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 1er mars 2001.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 8 février 2001.

A l'audience publique du 1er mars 2001 : - ont comparu : . Me A. De Nauw, avocat au barreau de Bruxelles, pour les parties requérantes; . Me P. Hofströssler, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs L. Lavrysen et E. Cerexhe ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. En droit - A - Quant à l'intérêt A.1. Les requérants, qui sont tous membres de l'ordre judiciaire, soutiennent qu'ils sont susceptibles d'être affectés directement et défavorablement par les dispositions entreprises, qui modifient les règles du droit disciplinaire qui leur est applicable.

A.2. Le Conseil des ministres ne conteste pas leur intérêt.

Quant au premier moyen A.3. Selon les parties requérantes, l'article 3 de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/07/1999 numac 1999009724 source ministere de la justice Loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire fermer viole les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 23 de celle-ci et avec le principe général de droit de la proportionnalité des sanctions en ce qu'il insère l'article 405, § 3, du Code judiciaire, qui dispose que, hormis le cas de la révocation, de la destitution et de la démission d'office, l'intéressé ne peut se voir privé de l'équivalent du minimum de moyens d'existence, tel que fixé par la loi du 7 août 1974Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/08/1974 pub. 28/10/1998 numac 1998000076 source ministere de l'interieur Loi instituant le droit à un minimum de moyens d'existence - Traduction allemande fermer instituant le droit à un minimum de moyens d'existence.

Le législateur n'aurait pas justifié de manière objective et raisonnable la différence de traitement des membres de l'ordre judiciaire révoqués, destitués ou démis d'office par rapport à quiconque jouit, en vertu de l'article 23 de la Constitution, du droit de mener une vie conforme à la dignité humaine et par rapport à d'autres agents des services publics, notamment les fonctionnaires fédéraux et le personnel communal, dont le statut disciplinaire ne prévoit pas une telle mesure. La privation du droit au minimum de moyens d'existence ou à son équivalent serait manifestement disproportionnée « à l'objectif poursuivi par le législateur qui consiste à veiller à ce que la sanction infligée au magistrat n'affecte pas trop les membres de sa famille ».

A.4. Le Conseil des ministres observe que le premier moyen repose sur une lecture et une interprétation erronées du nouvel article 405, § 3, du Code judiciaire. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, les membres de l'ordre judiciaire révoqués, destitués ou démis d'office ont, comme chacun, le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine. En effet, ils entrent dans le champ d'application de la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer organique des centres publics d'aide sociale et de la loi du 7 août 1974Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/08/1974 pub. 28/10/1998 numac 1998000076 source ministere de l'interieur Loi instituant le droit à un minimum de moyens d'existence - Traduction allemande fermer instituant le droit à un minimum de moyens d'existence.

Le Conseil des ministres renvoie aux travaux préparatoires, dont il ressort que le problème du minimum de moyens d'existence ne se pose qu'en cas de retenue de traitement. En cas de révocation, de destitution ou de démission d'office, il n'est nullement question de retenue de traitement, puisque les pouvoirs publics ne versent évidemment plus aucun traitement.

A.5. Les parties requérantes admettent que le nouvel article 405, § 3, du Code judiciaire, tel qu'il est interprété par le Conseil des ministres, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution, mais elles prétendent qu'à la lecture des travaux préparatoires, cette interprétation n'est pas aussi évidente que le suggère le Conseil des ministres.

Quant au second moyen A.6. Selon les parties requérantes, la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/07/1999 numac 1999009724 source ministere de la justice Loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire fermer, en particulier l'article 8 de cette loi, viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'elle ne prévoit pas la possibilité d'interjeter appel des peines disciplinaires majeures.

Elles soulignent que l'article 413quater du Code judiciaire, tel qu'il a été inséré par l'article 8 de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/07/1999 numac 1999009724 source ministere de la justice Loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire fermer, accorde aux magistrats du ministère public la possibilité d'interjeter appel, auprès du Conseil national de discipline, des peines mineures infligées par les chefs de corps alors que les magistrats du ministère public auxquels est infligée une peine majeure n'ont pas le droit d'interjeter appel. A leur estime, le législateur, qui prévoit une possibilité d'appel des peines mineures, ne peut, sans justification raisonnable, priver de cette voie de recours les magistrats condamnés à des peines majeures.

A.7. Selon le Conseil des ministres, le deuxième moyen n'est pas fondé, étant donné que les décisions disciplinaires prises à l'égard des magistrats du ministère public peuvent faire l'objet d'un recours en annulation auprès du Conseil d'Etat. Conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, le ministre de la Justice, lorsqu'il prononce une sanction disciplinaire à l'égard d'un magistrat du ministère public, ne relève pas du pouvoir judiciaire, mais agit en tant qu'autorité administrative, et sa décision constitue un acte administratif au sens de l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat. Les membres du ministère public disposent dès lors d'une possibilité de recours qui offre suffisamment de garanties aux intéressés.

Le Conseil des ministres relève à cet égard qu'en vertu de l'article 153 de la Constitution, le Roi est compétent pour nommer et révoquer les officiers du ministère public, ce qui implique également le droit, selon la jurisprudence du Conseil d'Etat, de prendre des mesures disciplinaires moins sévères. Ceci expliquerait pourquoi les sanctions disciplinaires majeures à l'égard des magistrats du ministère public continuent de relever de la compétence du Roi.

Par référence à l'arrêt n° 76/92, le Conseil des ministres observe que s'agissant du régime disciplinaire, les membres du ministère public ne peuvent être assimilés aux juges. Le statut et l'organisation du ministère public se caractérisent par des relations de type hiérarchique. Les membres du ministère public sont soumis à des directives ministérielles, en sorte que c'est le ministre qui est compétent pour imposer les sanctions disciplinaires les plus lourdes.

A.8. Les parties requérantes répliquent que le recours en annulation auprès du Conseil d'Etat diffère du recours que les magistrats du ministère public peuvent introduire contre les décisions de leur infliger des sanctions mineures. En vertu de l'article 413quater du Code judiciaire, le Conseil national de discipline connaît des appels formés contre les peines mineures. Le Conseil national de discipline peut abandonner les poursuites ou infliger une peine mineure. La compétence du Conseil d'Etat qui statue sur un recours en annulation est nettement plus limitée lorsqu'il contrôle la décision de l'autorité administrative au regard de la loi. Le Conseil d'Etat n'est pas un juge d'appel qui détermine les véritables circonstances de la cause à la demande du justiciable. Il examine uniquement si l'autorité a pu raisonnablement établir les faits et si le dossier ne contient aucun élément qui serait incompatible avec cette constatation des faits. La portée du pourvoi en cassation n'est en outre pas la même.

Le pourvoi en cassation que le magistrat du ministère public peut former contre la décision du Conseil national de discipline lui infligeant une peine mineure n'est pas limité. Le pourvoi en cassation que ce même magistrat peut former contre un arrêt du Conseil d'Etat, rendu dans le cadre d'une procédure portant sur une peine majeure, est quant à lui limité conformément à l'article 33 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat. La différence de traitement des magistrats du ministère public, selon qu'ils encourent une peine disciplinaire mineure ou majeure, n'est pas justifiée de manière objective et raisonnable.

Si la compétence du Roi de révoquer les officiers du ministère public incluait également celle d'imposer des mesures disciplinaires moins sévères, les parties requérantes ne voient pas pourquoi la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/07/1999 numac 1999009724 source ministere de la justice Loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire fermer n'aurait attribué au Roi que la seule compétence d'infliger des peines disciplinaires majeures, alors qu'Il ne dispose pas de cette compétence pour infliger des peines mineures.

Pour le surplus, les parties requérantes précisent qu'elles ne dénoncent pas la différence entre le régime disciplinaire applicable aux juges et celui applicable aux membres du ministère public. Tout en n'ignorant pas le contenu de l'arrêt n° 76/92, les requérants tiennent à souligner que le législateur, lors des travaux préparatoires de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/07/1999 numac 1999009724 source ministere de la justice Loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire fermer, a lui-même explicitement noté la modification apportée dans l'intervalle à l'article 151 de la Constitution, qui prévoit dorénavant l'indépendance du ministère public dans l'exercice des recherches et poursuites individuelles aux fins d'indiquer que les différences entre les magistrats assis et les magistrats du ministère public ne peuvent plus être appréhendées de la même façon.

Quant au troisième moyen A.9. Selon les parties requérantes, l'article 18 de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/07/1999 numac 1999009724 source ministere de la justice Loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire fermer viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il insère deux dispositions dans le Code judiciaire, à savoir l'article 427bis, qui dispose que les peines mineures font l'objet d'un effacement automatique après trois ans, et l'article 427ter, qui dispose que tout intéressé sanctionné par une peine majeure autre que la démission d'office, la révocation ou la destitution pourra adresser une demande de réhabilitation après un temps d'épreuve de six ans et peut par la suite introduire une nouvelle demande tous les six ans.

Le législateur n'aurait pas justifié de manière objective et raisonnable la différence entre, d'une part, le régime applicable aux membres de l'ordre judiciaire auxquels est infligée une sanction disciplinaire, qui sont soumis aux dispositions précitées, et, d'autre part, le régime de droit commun relatif à la réhabilitation, tel qu'il figure dans le Code d'instruction criminelle, et les règles disciplinaires applicables aux autres agents des services publics, notamment les fonctionnaires fédéraux et le personnel communal. Pour ce qui est des fonctionnaires fédéraux, toutes les peines sont effacées automatiquement à l'issue d'une période allant de six mois à trois ans, selon la gravité de la peine. Pour le personnel communal, certaines sanctions disciplinaires sont rayées d'office au terme d'une période allant d'un an à trois ans, alors que cela se fait à la demande de l'intéressé pour d'autres sanctions.

En vertu du Code d'instruction criminelle, le délai prévu pour introduire une demande de réhabilitation est de trois ans pour les condamnations à des peines de police ou à des peines correctionnelles ne dépassant pas une peine d'emprisonnement de cinq ans et ce délai est de cinq ans pour les peines majeures. En cas de rejet de la demande, l'intéressé peut déjà introduire une nouvelle demande après deux ans (article 631). Les parties requérantes soulignent que le législateur a, par la loi du 9 janvier 1991, considérablement raccourci les anciens délais de cinq ans et de dix ans « parce qu'il les estimait exagérément longs eu égard à l'évolution de la société, caractérisée par une mobilité sociale permanente, ce qui fait qu'il est de plus en plus difficile de trouver du travail, et eu égard au fait que la carrière professionnelle est de plus en plus courte ». A leur estime, ces mêmes motifs s'appliquent pareillement aux membres de l'ordre judiciaire qui ont fait l'objet de sanctions disciplinaires.

La différence de traitement est d'autant moins justifiée que le législateur a explicitement déclaré que les dispositions entreprises avaient pour but d'instaurer un droit d'oubli en faveur des membres de l'ordre judiciaire.

A.10. Le Conseil des ministres relève que les membres de l'ordre judiciaire, tout comme d'autres agents des pouvoirs publics et les personnes condamnées au pénal, ont droit à ce que leurs peines mineures soient effacées et, s'agissant de leurs peines majeures, ont le droit d'être réhabilités. Lorsque les parties requérantes dénoncent les délais prévus dans les divers articles de la loi, elles critiquent en réalité les modalités des droits en question et elles invitent la Cour à se prononcer ainsi sur la question de savoir si le but visé ne pourrait pas être atteint d'une autre façon. La Cour n'étant pas compétente pour ce faire, le troisième moyen serait irrecevable.

Le Conseil des ministres estime ensuite que les membres de l'ordre judiciaire ne peuvent, en l'espèce, être comparés aux autres agents des pouvoirs publics. Il faut en principe être plus sévère à l'égard des magistrats qu'à l'égard des fonctionnaires ordinaires « parce que les magistrats disposent, plus que dans toute autre profession, de pouvoirs extraordinaires à l'égard du justiciable et parce que la mise en oeuvre de ces pouvoirs recouvre nécessairement des obligations ».

Pour ce qui est des magistrats, la discipline n'est pas seulement la gardienne de la dignité du corps, mais, du fait que ce corps constitue l'un des trois pouvoirs de l'Etat, la discipline a nécessairement des conséquences pour la confiance que le citoyen a dans cet Etat.

Pour le Conseil des ministres, le droit commun du Code d'instruction criminelle ne peut pas davantage servir de point de comparaison. En effet, pour l'application du droit disciplinaire, ce ne sont pas les mêmes principes qui prévalent qu'en droit pénal. Le droit pénal prévoit pour chaque infraction pénale une peine plus ou moins lourde en fonction de la gravité de l'infraction ou des circonstances dans lesquelles elle a été commise, « alors que le droit disciplinaire est applicable à un ensemble de comportements fixés soit dans une norme précise comme une infraction pénale ou une loi judiciaire, soit par rapport à des comportements requis par l'éthique professionnelle qui n'est pas déterminée de façon stricte ». Les sanctions disciplinaires et les condamnations pénales ne peuvent pas davantage être mises sur un pied d'égalité.

A.11. Les parties requérantes reconnaissent que la Cour d'arbitrage ne peut examiner si le but poursuivi, en l'espèce le droit d'oubli, ne peut être atteint d'une autre façon, mais elle n'est incompétente pour ce faire que lorsqu'il est établi que les conditions de proportionnalité sont remplies. A l'estime des parties requérantes, la Cour d'arbitrage est bien compétente pour se prononcer sur une différence de délai qui a pour effet que les magistrats qui ont encouru des sanctions disciplinaires sont frappés de façon manifestement disproportionnée par comparaison avec d'autres personnes.

Ensuite, selon les parties requérantes, il peut malaisément être soutenu que la confiance que le citoyen a dans l'Etat ne soit pas pareillement ébranlée par le constat d'une infraction disciplinaire commise par d'autres agents des pouvoirs publics qui, comme les magistrats, constituent d'ailleurs également les agents de l'un des pouvoirs de l'Etat.

Enfin, les parties requérantes estiment que le caractère imprécis de certains manquements, qui sont parfois dénoncés dans le cadre de procédures disciplinaires, constitue un motif supplémentaire pour affirmer, en comparaison du droit pénal, qui est fondé sur des normes précises, que la différence de traitement entre les magistrats qui encourent une sanction disciplinaire pour une infraction disciplinaire dont la définition est vague et les personnes qui encourent une sanction pour une infraction dont la définition est précise, n'est susceptible d'aucune justification. A leur estime, il en est d'autant plus ainsi que l'article 404 modifié du Code judiciaire, depuis la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/07/1999 numac 1999009724 source ministere de la justice Loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire fermer, prévoit non seulement des sanctions disciplinaires pour les magistrats qui ne satisfont pas à leurs obligations afférentes à leur fonction ou qui, par leur comportement, portent atteinte à la dignité de leur fonction, mais également pour ceux qui négligent les tâches de leur charge et portent ainsi atteinte au fonctionnement de la justice ou à la confiance dans cette institution.

Quant au quatrième moyen A.12. Selon les parties requérantes, l'article 18 de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/07/1999 numac 1999009724 source ministere de la justice Loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire fermer viole les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec le principe général du droit de défense, en ce qu'il insère dans le Code judiciaire un article 427quater, qui dispose que tout intéressé sanctionné par une peine disciplinaire pourra adresser une demande en révision à l'organe disciplinaire qui l'a sanctionné, que l'organe disciplinaire pourra déclarer la demande de l'intéressé irrecevable pour manque de motifs ou de preuves sans audition préalable de l'intéressé, que cette décision n'est pas susceptible d'appel et que l'intéressé pourra introduire une nouvelle demande tous les six ans.

Le législateur n'aurait pas justifié de manière objective et raisonnable la différence entre, d'une part, le régime applicable aux membres de l'ordre judiciaire sanctionnés, qui sont soumis aux dispositions précitées, et, d'autre part, le régime de droit commun relatif à la réhabilitation et à la révision prévu par le Code d'instruction criminelle. Dans la procédure de droit commun relative à la réhabilitation, les droits du requérant sont garantis du fait qu'il est préalablement entendu. L'article 630 du Code d'instruction criminelle exclut l'audition préalable lorsque le procureur général estime qu'il y a lieu d'accéder à la demande. En l'espèce, c'est la règle inverse qui prévaut. La personne n'est pas entendue lorsque sa demande n'est pas recevable. Le législateur n'a pas justifié cette différence de traitement.

Pour ce qui est du délai d'attente de six ans avant de pouvoir introduire une nouvelle demande, les parties requérantes observent que dans la procédure en révision de condamnations pénales visée aux articles 443 et suivants du Code d'instruction criminelle, la personne peut, sans la moindre restriction, introduire une nouvelle demande. Il n'existe donc aucun délai pour introduire une nouvelle demande.

La différence de traitement est d'autant moins justifiée qu'il ressort des travaux préparatoires que le but était d'instituer un droit d'oubli en faveur des membres de l'ordre judiciaire. Les parties requérantes relèvent à cet égard que le législateur, dans l'exposé des motifs de la nouvelle loi, a utilisé le terme général d'effacement, alors qu'il ne s'agit pas uniquement de procédures d'effacement, mais également parfois de révision.

A.13. Selon le Conseil des ministres, les parties requérantes critiquent dans leur quatrième moyen une fois de plus les modalités du droit d'obtenir une révision, en sorte que la Cour n'est pas compétente et que le moyen est irrecevable.

Pour être complet, le Conseil des ministres souhaite souligner que l'intéressé peut faire valoir ses moyens et que la décision d'irrecevabilité doit être motivée. Le Conseil des ministres ne voit dès lors pas en quoi les droits de la défense pourraient être méconnus en l'espèce. De manière générale, le droit disciplinaire et le « droit commun » du Code d'instruction criminelle ne peuvent d'ailleurs, dans le présent contexte, être comparés entre eux.

A.14. Les parties requérantes persistent à affirmer qu'il ne s'agit pas des modalités du droit de révision et répètent que la différence de traitement dénoncée n'est nullement justifiée de manière objective et raisonnable. Elles admettent que la décision doit être motivée mais observent que la décision est insusceptible d'appel, en sorte que la motivation ne peut être contrôlée. - B - Les dispositions attaquées B.1. Les dispositions attaquées modifient le statut disciplinaire des membres de l'ordre judiciaire. Les griefs formulés par les requérants, tous magistrats, sont dirigés contre les articles 405, § 3, 413quater, 427bis, 427ter et 427quater du Code judiciaire, tels qu'ils ont été insérés par la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/07/1999 numac 1999009724 source ministere de la justice Loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire fermer « modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire ».

L'article 405, § 3, du Code judiciaire, inséré par l'article 3 de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/07/1999 numac 1999009724 source ministere de la justice Loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire fermer, dispose : « Hormis le cas de la révocation, de la destitution et de la démission d'office, l'intéressé ne peut se voir privé de l'équivalent du minimum de moyens d'existence tel que fixé par la loi du 7 août 1974Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/08/1974 pub. 28/10/1998 numac 1998000076 source ministere de l'interieur Loi instituant le droit à un minimum de moyens d'existence - Traduction allemande fermer instituant le droit à un minimum de moyens d'existence. » L'article 413quater du Code judiciaire, inséré par l'article 8 de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/07/1999 numac 1999009724 source ministere de la justice Loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire fermer, dispose : « Le Conseil national de discipline connaît des appels formés contre les peines mineures infligées par les chefs de corps.

Le Conseil national de discipline peut abandonner les poursuites disciplinaires ou infliger une peine mineure. » L'article 427bis du Code judiciaire, inséré par l'article 18 de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/07/1999 numac 1999009724 source ministere de la justice Loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire fermer, dispose : « Les peines mineures font l'objet d'un effacement automatique après trois ans. » L'article 427ter du Code judiciaire, inséré par l'article 18 de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/07/1999 numac 1999009724 source ministere de la justice Loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire fermer, dispose : « Tout intéressé sanctionné par une peine majeure autre que la démission d'office, la révocation ou la destitution pourra adresser une demande motivée de réhabilitation à l'organe disciplinaire qui l'a sanctionné après un temps d'épreuve de 6 ans à dater de la décision ou de l'arrêt intervenu.

L'intéressé joindra ses rapports d'évaluation concernant son attitude durant le délai d'épreuve.

L'organe disciplinaire valablement saisi statuera après avoir entendu ou dûment convoqué l'intéressé.

La décision motivée de l'organe disciplinaire devra intervenir dans les 6 mois de la demande.

Cette décision n'est pas susceptible d'appel, l'intéressé pouvant réintroduire une nouvelle demande tous les six ans. » L'article 427quater du Code judiciaire, inséré par l'article 18 de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/07/1999 numac 1999009724 source ministere de la justice Loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire fermer, dispose : « Tout intéressé sanctionné par une peine disciplinaire pourra adresser une demande en révision à l'organe disciplinaire qui l'a sanctionné pour autant qu'il justifie d'un élément nouveau.

L'intéressé joindra à sa demande un rapport complet quant aux motivations et preuves qu'il détient pour espérer une révision de la décision ou de l'arrêt intervenu.

L'organe disciplinaire pourra déclarer la demande de l'intéressé irrecevable pour manque de motifs ou de preuves sans audition préalable de l'intéressé.

L'organe disciplinaire valablement saisi, estimant fondée la demande de l'intéressé statuera après avoir entendu ou dûment convoqué l'intéressé.

La décision motivée de l'organe disciplinaire devra intervenir dans les 6 mois de la demande.

Cette décision n'est pas susceptible d'appel, l'intéressé pouvant réintroduire une nouvelle demande tous les six ans. » Concernant le premier moyen B.2. Selon le premier moyen, l'article 405, § 3, du Code judiciaire viole les articles 10 et 11 de la Constitution, lus conjointement avec l'article 23 de celle-ci et avec le principe général de droit de la proportionnalité des sanctions, en tant qu'il priverait du droit au minimum de moyens d'existence ou de son équivalent les membres de l'ordre judiciaire révoqués, destitués ou démis d'office.

B.3. En vertu de l'article 1er de la loi du 7 août 1974Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/08/1974 pub. 28/10/1998 numac 1998000076 source ministere de l'interieur Loi instituant le droit à un minimum de moyens d'existence - Traduction allemande fermer instituant le droit à un minimum de moyens d'existence, tout Belge ayant atteint l'âge de la majorité civile, qui a sa résidence effective en Belgique, ne dispose pas de ressources suffisantes et n'est pas en mesure de se les procurer soit par ses efforts personnels, soit par d'autres moyens, a droit à un minimum de moyens d'existence.

B.4. L'article 405, § 1er, du Code judiciaire prévoit, pour les membres de l'ordre judiciaire, quatre peines disciplinaires mineures : l'avertissement, la réprimande simple, la réprimande avec retenue du traitement brut de 2 à 10 p.c. et la réprimande avec retenue du traitement brut de 11 à 30 p.c.

L'article 405, § 2, prévoit, pour les membres de l'ordre judiciaire, cinq peines majeures : la suspension de quinze jours au plus, la suspension de seize jours à six mois, le retrait du mandat de chef de corps ou d'un mandat adjoint, la démission d'office et la destitution ou la révocation.

B.5. L'article 405, § 3, du Code judiciaire dispose que hormis le cas de la révocation, de la destitution et de la démission d'office, l'intéressé ne peut se voir privé de l'équivalent du minimum de moyens d'existence fixé par la loi du 7 août 1974Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/08/1974 pub. 28/10/1998 numac 1998000076 source ministere de l'interieur Loi instituant le droit à un minimum de moyens d'existence - Traduction allemande fermer instituant le droit à un minimum de moyens d'existence.

La disposition attaquée vise seulement à fixer la limite au-dessous de laquelle le traitement de la personne sanctionnée ne peut descendre.

Etant donné que la révocation, la destitution et la démission d'office entraînent la cessation définitive des fonctions et donc la perte complète et définitive du traitement, la disposition ne peut, par principe, s'y appliquer.

Il ressort d'ailleurs de la formulation de la disposition que celle-ci ne vise pas à porter atteinte au droit au minimum de moyens d'existence en soi, puisque la disposition vise seulement « l'équivalent du minimum de moyens d'existence ».

B.6. Les magistrats de l'ordre judiciaire révoqués, destitués ou démis d'office ne sont donc pas exclus de l'application de la loi du 7 août 1974Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/08/1974 pub. 28/10/1998 numac 1998000076 source ministere de l'interieur Loi instituant le droit à un minimum de moyens d'existence - Traduction allemande fermer instituant le droit à un minimum de moyens d'existence.

Le moyen ne peut être admis.

Concernant le deuxième moyen B.7. Selon le deuxième moyen, l'article 413quater du Code judiciaire viole les articles 10 et 11 de la Constitution en tant qu'il limiterait la possibilité de former appel contre les peines disciplinaires. Le législateur qui prévoit une possibilité de recours contre les peines mineures ne peut, disent les requérants, priver de cette voie de recours, sans justification raisonnable, les magistrats sanctionnés d'une peine disciplinaire majeure.

B.8. La disposition attaquée fait partie du régime disciplinaire concernant les magistrats du ministère public, à l'exception des magistrats du ministère public près la Cour de cassation.

Le chef de corps connaît des poursuites disciplinaires concernant les peines mineures. Une fois l'instruction terminée, le chef de corps peut abandonner les poursuites, infliger une peine mineure ou transmettre le dossier au Conseil national de discipline pour avis et au ministre de la Justice pour l'application d'une peine majeure (article 413ter du Code judiciaire).

Le ministre de la Justice peut, dans ce cas, après avis du Conseil national de discipline, abandonner les poursuites, infliger une peine mineure ou proposer au Roi de prononcer une peine majeure (article 413quinquies du Code judiciaire).

Appel peut être formé auprès du Conseil national de discipline contre les peines mineures infligées par les chefs de corps (article 413quater du Code judiciaire). Aucun recours n'est ouvert, sur la base du Code judiciaire, contre les peines mineures infligées par le ministre et contre les peines majeures infligées par le Roi.

B.9. Rien n'empêche le législateur de prévoir une procédure différente en fonction du degré de la peine disciplinaire pouvant être prononcée.

A cette occasion, le législateur ne peut toutefois porter atteinte de manière disproportionnée aux droits des parties intéressées.

S'agissant de la démission d'office et de la révocation, qui constituent des peines majeures, la marge d'appréciation du législateur est en outre limitée par l'article 153 de la Constitution, qui dispose que le Roi nomme et révoque les officiers du ministère public près des cours et des tribunaux.

B.10.1. Dès lors qu'en vertu du Code judiciaire, il ne peut être formé de recours contre les peines majeures infligées par le Roi ni contre les peines mineures prononcées par le ministre de la Justice, il convient de vérifier s'il n'y a pas violation du droit des intéressés à un examen juridictionnel par une instance indépendante et impartiale, qui puisse vérifier tant la matérialité de la transgression disciplinaire que la conformité de la peine disciplinaire aux dispositions législatives et aux principes généraux du droit.

B.10.2. Lorsque le Roi ou le ministre de la Justice infligent une peine disciplinaire à un magistrat du ministère public, ils agissent en tant qu'autorité administrative. En vertu de l'article 14, § 1er, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, celui-ci statue sur les recours en annulation formés contre les actes des autorités administratives. Le Conseil d'Etat peut également ordonner la suspension de l'exécution de ces actes.

B.10.3. Il ressort de la jurisprudence du Conseil d'Etat que la plus haute juridiction administrative procède à un contrôle de pleine juridiction tant au regard de la loi qu'au regard des principes généraux du droit. Le Conseil d'Etat examine à cet égard si la décision de l'autorité soumise à son contrôle est fondée en fait et si la sanction infligée n'est pas manifestement disproportionnée par rapport au fait établi. Certes, le Conseil d'Etat ne peut substituer sa décision à celle de l'autorité concernée, mais lorsqu'il annule cette décision, l'autorité est tenue de se conformer à l'arrêt du Conseil d'Etat : lorsque l'autorité prend une nouvelle décision, elle ne peut méconnaître les motifs de l'arrêt annulant la première décision; si elle s'en tient à l'annulation, l'intéressé est réputé ne pas avoir fait l'objet d'une sanction disciplinaire.

B.10.4. Les magistrats du ministère public disposent donc d'une garantie juridictionnelle pleine et entière contre les peines disciplinaires qui peuvent leur être infligées par le Roi ou par le ministre de la Justice.

B.11. Le moyen ne peut être admis.

Concernant le troisième moyen B.12. Selon le troisième moyen, les articles 427bis et 427ter du Code judiciaire violent les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que les règles contenues dans ces articles concernant l'effacement et la réhabilitation pour les magistrats ayant encouru une peine disciplinaire seraient moins favorables que la réglementation de droit commun, telle qu'elle figure dans le Code d'instruction criminelle, et que les statuts disciplinaires des fonctionnaires fédéraux et du personnel communal.

Les parties requérantes se plaignent, pour l'essentiel, des longs délais d'attente concernant les mesures d'effacement et de réhabilitation pour les magistrats ayant encouru une peine disciplinaire.

B.13. Les peines mineures font l'objet d'un effacement automatique après trois ans (article 427bis du Code judiciaire) et pour les peines majeures autres que la démission d'office, la révocation ou la destitution, la réhabilitation pourra être accordée à la demande de l'intéressé après six ans (article 427ter du Code judiciaire).

L'effacement et la réhabilitation visent tous deux à empêcher que la peine, après qu'elle a été exécutée, continue de peser sur la personne condamnée et rende de ce fait plus difficile la réintégration de celle-ci. L'effacement diffère seulement de la réhabilitation en ce qu'il est automatique.

B.14.1. Il existe une différence fondée sur un critère objectif entre la situation des personnes qui font l'objet de poursuites pénales et celle des personnes qui font l'objet d'une procédure disciplinaire.

L'action publique a pour but de faire réprimer des atteintes à l'ordre public et est exercée dans l'intérêt de la société dans son ensemble; elle est de la compétence des juridictions pénales; elle ne peut porter que sur des faits que la loi qualifie d'infractions et elle donne lieu, en cas de condamnation, aux peines prévues par la loi ou en vertu de celle-ci.

L'action disciplinaire a pour objet de rechercher si le titulaire d'une fonction publique ou d'une profession a enfreint les règles de déontologie ou de discipline ou a porté atteinte à l'honneur ou à la dignité de sa fonction ou de sa profession; elle s'exerce dans l'intérêt d'une profession ou d'un service public; elle concerne des manquements qui ne font pas nécessairement l'objet d'une définition précise; elle peut donner lieu à des sanctions touchant l'intéressé dans l'exercice de sa fonction ou de sa profession et qui sont prononcées par un organe propre à chaque profession concernée, par une autorité administrative ou par une juridiction.

B.14.2. Il existe également une différence, fondée sur un critère objectif, entre la situation des magistrats et celle des fonctionnaires qui font l'objet d'une procédure disciplinaire.

Bien que la volonté réelle du législateur ait été « de garder une procédure distincte pour les membres du siège, d'une part, et les membres du ministère public, d'autre part », (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-1347/2, p. 14), les deux catégories de magistrats bénéficient, dans l'exercice de leurs fonctions, d'une indépendance garantie par la Constitution, qui les distingue des fonctionnaires et qui justifie un régime disciplinaire particulier.

B.15. Vu les pouvoirs importants dont disposent les magistrats, la confiance que la justice doit inspirer au citoyen, le discrédit qu'une faute disciplinaire grave d'un magistrat peut jeter sur le corps tout entier, le principe d'égalité n'exige pas que le législateur arrête pour les magistrats, en ce qui concerne l'effacement et la réhabilitation, des mesures qui soient identiques à celles prévues pour les personnes qui font l'objet de poursuites pénales ou pour les fonctionnaires qui font l'objet d'une procédure disciplinaire.

B.16. Le troisième moyen ne peut être admis.

Concernant le quatrième moyen B.17. Selon le quatrième moyen, l'article 427quater du Code judiciaire viole les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que les règles contenues dans cet article concernant la révision pour les magistrats ayant encouru une peine disciplinaire seraient moins favorables que la réglementation de droit commun, telle qu'elle figure dans le Code d'instruction criminelle.

Les parties requérantes se plaignent, pour l'essentiel, des longs délais d'attente fixés en ce qui concerne la mesure de révision pour les magistrats ayant encouru une peine disciplinaire et contestent aussi le fait que l'organe disciplinaire peut déclarer la demande de l'intéressé irrecevable pour manque de motifs ou de preuves, sans audition préalable de l'intéressé et sans que cette décision soit susceptible d'appel.

B.18.1. La révision est une mesure exceptionnelle en matière disciplinaire, de sorte qu'en principe, il n'est pas possible de comparer la situation des magistrats condamnés disciplinairement à d'autres catégories de personnes qui leur seraient comparables. Les requérants font toutefois une comparaison avec les dispositions du Code d'instruction criminelle relatives à la révision de condamnations en matière criminelle ou correctionnelle.

Sous réserve des différences mentionnées en B.14.1, il convient de comparer l'article 427quater du Code judiciaire avec les dispositions des articles 443 à 447bis du Code d'instruction criminelle.

B.18.2. Les alinéas 2 et 3 de l'article 427quater établissent, lorsque la demande est fondée sur un fait nouveau, une cause d'irrecevabilité comparable à celle de l'article 443, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle, selon laquelle la demande en révision n'est pas recevable si le demandeur « ne joint pas à sa requête un avis motivé en faveur de celle-ci, de trois avocats à la Cour de cassation ou de trois avocats à la cour d'appel ayant dix années d'inscription au tableau ».

Il se déduit de l'article 445, alinéa 3, du Code d'instruction criminelle que, dans ce cas, la Cour de cassation peut rejeter la demande « immédiatement ».

Dès lors qu'il subordonne la recevabilité de la demande d'un magistrat à la jonction d'un « rapport complet quant aux motivations et preuves qu'il détient » - c'est-à-dire à des exigences moins lourdes qu'en matière pénale -, le législateur pouvait, sans violer le principe d'égalité, permettre que cette question de recevabilité, qui ne peut porter sur l'examen du fond de la demande, soit tranchée sans audition préalable de l'intéressé.

B.18.3. Tel qu'il est rédigé, l'alinéa 4 de l'article 427quater n'exige l'audition ou la convocation de l'intéressé que si l'organe disciplinaire estime la demande fondée. Une telle disposition est incohérente puisqu'elle laisse entendre que l'organe disciplinaire devrait déjà avoir considéré la demande comme fondée pour inviter l'intéressé à se défendre. Afin d'éviter une différence de traitement injustifiable, il convient d'annuler, à l'alinéa 4, les mots : « estimant fondée la demande de l'intéressé ».

B.18.4. En excluant qu'un appel puisse être interjeté contre la décision qui statue sur la demande de révision, le législateur a pris une mesure qui n'est pas différente de celle qui est prévue par le Code d'instruction criminelle puisque les décisions statuant sur les demandes de révision sont rendues par la Cour de cassation statuant en premier et dernier ressort.

B.18.5. En permettant de ne réintroduire une nouvelle demande de révision qu'après l'expiration d'un délai de six ans, le législateur a pris une mesure qui n'a pas d'équivalent en droit pénal et dont on n'aperçoit pas la justification. Si ce délai peut se justifier en matière de réhabilitation, où il s'agit d'effacer la peine sans que la culpabilité de l'intéressé soit remise en cause, il n'y a aucune raison, lorsque le condamné invoque un élément nouveau au sujet duquel il joint un rapport à sa demande de révision, d'attendre six ans pour introduire celle-ci. Au contraire, il est de l'intérêt du magistrat et de la justice de pouvoir effectuer le plus vite possible les vérifications éventuellement nécessaires à l'examen du fondement de la demande. Il convient d'annuler, à l'alinéa 6 de l'article 427quater, les mots « l'intéressé pouvant introduire une nouvelle demande tous les six ans ».

Par ces motifs, la Cour - annule, à l'article 427quater introduit dans le Code judiciaire par la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/07/1999 numac 1999009724 source ministere de la justice Loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire fermer « modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire » : . à l'alinéa 4, les mots : « estimant fondée la demande de l'intéressé »; . à l'alinéa 6, les mots : « l'intéressé pouvant réintroduire une nouvelle demande tous les six ans »; - rejette le recours pour le surplus.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 8 mai 2001.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, G. De Baets.

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