publié le 23 juin 2000
Arrêt n° 47/2000 du 3 mai 2000 Numéro du rôle : 1640 En cause : le recours en annulation de l'article 3 du décret de la Région wallonne du 16 juillet 1998 modifiant le décret du 25 juillet 1991 relatif à la taxation des déchets en Région wall La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et G. De Baets, et des juges H. Boel, (...)
Arrêt n° 47/2000 du 3 mai 2000 Numéro du rôle : 1640 En cause : le recours en annulation de l'article 3 du décret de la Région wallonne du 16 juillet 1998 modifiant le décret du 25 juillet 1991 relatif à la taxation des déchets en Région wallonne, introduit par la commune de Herstal.
La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et G. De Baets, et des juges H. Boel, E. Cerexhe, A. Arts, R. Henneuse et E. De Groot, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 10 mars 1999 et parvenue au greffe le 11 mars 1999, la commune de Herstal, dont les bureaux sont établis à 4040 Herstal, place Jean Jaurès 1, a introduit un recours en annulation de l'article 3 du décret de la Région wallonne du 16 juillet 1998 modifiant le décret du 25 juillet 1991 relatif à la taxation des déchets en Région wallonne (publié au Moniteur belge du 10 septembre 1998).
II. La procédure Par ordonnance du 11 mars 1999Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 11/03/1999 pub. 16/07/1999 numac 1999031130 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance relative à l'euro type ordonnance prom. 11/03/1999 pub. 29/07/1999 numac 1999031129 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance établissant des mesures de prévention des coupures de fourniture de gaz à usage domestique fermer, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.
Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 13 avril 1999.
L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 17 avril 1999.
Aucune partie n'a introduit de mémoire.
Par ordonnances du 29 juin 1999 et du 29 février 2000, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 10 mars 2000 et 10 septembre 2000 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.
Par ordonnance du 1er mars 2000, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 21 mars 2000.
Cette ordonnance a été notifiée à la partie requérante ainsi qu'à son avocat par lettres recommandées à la poste le 3 mars 2000.
A l'audience publique du 21 mars 2000 : - a comparu Me J. Martens loco Me E. Lemmens, avocats au barreau de Liège, pour la partie requérante; - les juges-rapporteurs E. Cerexhe et H. Boel ont fait rapport; - l'avocat précité a été entendu; - l'affaire a été mise en délibéré.
La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.
III. Objet de la disposition entreprise L'article 3 du décret de la Région wallonne du 16 juillet 1998 modifiant le décret du 25 juillet 1991 relatif à la taxation des déchets en Région wallonne dispose comme suit : «
Art. 3.Au chapitre II du même décret, une deuxième section est insérée, libellée comme suit : ' Section II. - Régime du prélèvement - Sanction pour favoriser les collectes sélectives Sous-section Ire. - Fait générateur du prélèvement-sanction
Art. 6bis.Le fait générateur du prélèvement sur les déchets visés à la présente section est le regroupement, la valorisation ou l'élimination d'ordures ménagères collectées par ou pour le compte des communes, au-delà d'une quantité totale annuelle : - de 270 kg par habitant à partir de l'année 1999; - de 260 kg par habitant à partir de l'année 2000; - de 250 kg par habitant à partir de l'année 2001; - de 240 kg par habitant à partir de l'année 2002.
Sous-section II. - Redevable
Art. 6ter.Est redevable du prélèvement sur les déchets ménagers visés à la présente section la commune qui collecte ou pour le compte de laquelle sont collectés les déchets.
Sous-section III. - Base imposable
Art. 6quater.Le prélèvement sur les déchets visés à la présente section est dû à la tonne d'ordures ménagères collectée par ou pour le compte des communes et orientée dans un centre de regroupement, de valorisation ou d'élimination, au-delà de la quantité annuelle visée à l'article 6bis.
Pour le calcul de la quantité totale annuelle de déchets visée à l'article 6bis, seuls les tonnages entrant pour la première fois dans une installation de gestion de déchets sont pris en compte. La comptabilisation des tonnages est effectuée du 1er janvier au 31 décembre de chaque année.
Sous-section IV. - Taux
Art. 6quinquies.Le montant du prélèvement est fixé à : - 1.100 francs par tonne à partir du 1er janvier 1999; - 1.200 francs par tonne à partir du 1er janvier 2000; - 1.300 francs par tonne à partir du 1er janvier 2001; - 1.400 francs par tonne à partir du 1er janvier 2002.
Sous-section V. - Moment où la taxe est due
Art. 6sexies.La taxe est due dès que la quantité totale annuelle visée à l'article 6bis est dépassée.
Sous-section VI. - Coût-vérité
Art. 6septies.Chaque commune établira annuellement le coût-vérité de sa politique de gestion des déchets qu'elle communiquera au Gouvernement.
A partir du 1er janvier 2001, pourront seules bénéficier d'une subvention régionale en matière de prévention et de gestion des déchets les communes qui établiront une taxe dont le montant total représentera un minimum de 70 % du coût-vérité de la politique de gestion des déchets. ` » IV. En droit - A - Quant à l'intérêt de la partie requérante A.1. La commune de Herstal est directement concernée par le régime du prélèvement-sanction organisé par l'article 3 entrepris du décret de la Région wallonne du 16 juillet 1998 dans la mesure où la production de déchets ménagers par habitant peut être estimée à 360 kilos en 1999. En conséquence, le prélèvement-sanction aurait un impact financier très important pour la commune de Herstal puisque ce prélèvement approcherait les quatre millions de francs.En outre, cette disposition a également des répercussions importantes sur les attributions de la commune, notamment sur celles qui découlent de l'article 135 de la loi communale.
Quant au premier moyen A.2.1. Un premier moyen est pris de la violation des articles 39 et 134 de la Constitution et de l'article 6, § 1er, II, 2°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles - en ce que, première branche, le décret attaqué instaure un régime de prélèvement-sanction pour favoriser les collectes sélectives à charge de la commune qui collecte ou pour le compte de laquelle sont collectés les déchets, alors qu'il ne relève pas de la compétence de la Région de taxer une autre autorité publique lorsque celle-ci exerce une mission de service public; - en ce que, deuxième branche, par le prélèvement-sanction qu'il instaure, le décret attaqué limite et sanctionne les attributions spécialement dévolues à la commune par l'article 135 de la loi communale, alors que les régions ne sont pas compétentes en ce qui concerne les attributions des communes; - en ce que, troisième branche, le décret attaqué instaure un régime de responsabilité objective, alors que les régions ne sont pas compétentes pour modifier les règles établies par le Code civil en matière de responsabilité civile.
A.2.2. Le fait générateur du prélèvement-sanction est « le regroupement, la valorisation ou l'élimination d'ordures ménagères collectées par ou pour le compte des communes », au-delà d'une quantité totale annuelle déterminée par le décret. Le prélèvement-sanction se présente donc comme une taxe qui frappe un service public. Cette mission de service public est attribuée à la commune par l'article 135, § 2, de la loi communale.
Or, la Cour de cassation reconnaît l'existence d'un principe général de droit selon lequel un service public dans l'exercice de sa mission ne peut pas être imposé.
En outre, il s'agit en l'espèce d'une imposition levée sur une activité de la commune, en l'occurrence l'exécution des attributions qui lui sont confiées par l'article 135, § 2, de la loi communale.
Or, l'imposition levée sur l'activité des redevables est réservée à l'Etat.
En conséquence, les régions ne sont pas compétentes pour lever une telle imposition.
Par ailleurs, en déterminant le fait générateur du prélèvement-sanction comme étant « le regroupement, la valorisation ou l'élimination d'ordures ménagères collectées par ou pour le compte des communes », le décret attaqué limite et sanctionne la manière dont la commune collecte les déchets produits par les particuliers.
D'autre part, la doctrine a relevé que : « l'application du prélèvement sanction ne semble nullement faire écho au principe du ' pollueur payeur ' mais ressortit davantage à un mécanisme de garantie objective d'une véritable obligation de résultat imposée aux pouvoirs locaux.
Pareille taxation pourra conduire à pénaliser injustement les communes qui éprouvent une grande difficulté pour contrôler ce qui, sous leur nom, peut arriver dans un centre de collecte ou de valorisation, surtout quand la collecte est réalisée par un tiers (société de droit privé ou intercommunale). [...] » (Mouvement communal, 8/9-1998, p. 412) Enfin, par le décret attaqué, le législateur régional instaure un régime de responsabilité qui déroge au régime du Code civil. Or, aucune disposition ne prévoit l'attribution de cette compétence aux régions. Les régions ne disposent donc d'aucune compétence d'attribution pour justifier l'adoption de règles dérogatoires au principe de responsabilité aquilienne prévue par le Code civil.
En l'espèce, toute référence aux notions de faute, de lien de causalité, de dommage, de vice et de gardien est purement et simplement abandonnée, au profit d'un régime de responsabilité civile objective.
L'aménagement d'un régime spécial de responsabilité civile ne relève pas de la compétence du Conseil régional wallon dans la mesure où un tel régime n'était pas indispensable à l'exercice de la compétence du Conseil en matière de protection de l'environnement.
Le législateur régional wallon a excédé les limites de ses compétences en adoptant le décret attaqué.
Quant au deuxième moyen A.3. Un deuxième moyen est pris de la violation de l'article 170, § 4, de la Constitution, des articles 6, § 1er, VIII, et de l'article 7 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles en ce que le décret attaqué, en instaurant un régime de prélèvement-sanction à charge de la commune qui collecte ou pour le compte de laquelle sont collectés les déchets, établit indirectement des normes en matière de fiscalité communale, alors que ni la Constitution, ni la loi spéciale du 8 août 1980, ni la loi ordinaire du 9 août 1980 n'attribuent aux régions ou aux communautés une quelconque compétence normative en matière de fiscalité des provinces, des communes, des agglomérations ou des fédérations de communes.
Les régions n'ont à l'égard des pouvoirs subordonnés d'autres compétences normatives que celles qui leur ont été attribuées à l'article 6, § 1er, VIII, et à l'article 7 de la loi spéciale du 8 août 1980.
Aucune de ces deux dispositions ne se rapporte à des matières fiscales.
Quant au troisième moyen A.4.1. Un troisième moyen est pris de la violation de l'article 6, § 1er, VI, 3°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, de l'article 9, § 1er, 3°, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions et des articles 10 et 11 de la Constitution - en ce que, première branche, aucun prélèvement n'est dû pour les déchets regroupés, valorisés ou éliminés par d'autres communes que celles situées en Région wallonne, alors que l'exercice par une communauté ou une région de la compétence fiscale propre qui lui a été attribuée ne peut porter atteinte à la conception globale de l'Etat telle qu'elle se dégage des révisions constitutionnelles successives de 1970, 1980 et 1988 ainsi que des lois spéciales et ordinaires déterminant les compétences respectives de l'Etat, des communautés et des régions; - en ce que, deuxième branche, l'absence de prélèvement sur les déchets regroupés, valorisés ou éliminés dans d'autres communes que celles situées en Région wallonne aura pour conséquence que ces regroupements, valorisations et éliminations s'effectueront plus volontiers dans ces autres communes, de sorte que les centres de regroupement, de valorisation ou d'élimination des déchets situés sur le territoire d'une commune de la Région wallonne produiront moins d'impôts au profit de cette commune, alors que les articles 10 et 11 de la Constitution imposent que tous ceux qui se trouvent dans la même situation soient traités de la même manière.
A.4.2. Quant à la première branche, il ressort des dispositions de l'article 6, § 1er, VI, 3°, de la loi spéciale du 8 août 1980 et de l'article 9, § 1er, 3°, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 que la nouvelle structure de l'Etat belge repose sur une union économique et monétaire, c'est-à -dire le cadre institutionnel d'une économie bâtie sur des composantes et caractérisée par un marché intégré (l'union économique) et l'unité de la monnaie (l'union monétaire).
L'article 6, § 1er, VI, 3°, précité, notamment, traduit la volonté expresse du législateur spécial de maintenir une réglementation de base uniforme de l'organisation de l'économie dans un marché intégré.
L'existence d'une union économique implique au premier chef la libre circulation des marchandises et des facteurs de production entre les composantes de l'Etat.
Sont incompatibles avec une union économique, s'agissant des échanges de biens, les mesures établies de façon autonome par les composantes de l'union - en l'espèce, les régions - qui entravent la libre circulation.
Il en va nécessairement ainsi pour tout droit de douane intérieur et toute taxe d'effet équivalent.
Le prélèvement instauré par le décret attaqué apparaît comme une taxe d'effet équivalent à un droit de douane intérieur.
Cette contribution ne présente pas de lien direct ou indirect avec la pollution de l'environnement causée par le redevable.
Ladite taxe constitue une mesure de nature à privilégier l'exportation de déchets hors de la Région wallonne.
Une telle mesure n'est pas conciliable avec l'union économique.
La disposition entreprise constitue une discrimination entre les communes de la Région wallonne et les communes de la Région flamande.
Le décret attaqué favorise, en effet, le regroupement, la valorisation et l'élimination des déchets en dehors des communes situées sur le territoire de la Région wallonne.
En conséquence, les communes situées sur le territoire de la Région wallonne sont défavorisées puisqu'elles ne pourront percevoir de taxe, à charge des centres de regroupement, de valorisation ou d'élimination des déchets, lorsque les déchets ménagers sont regroupés, valorisés ou éliminés dans une commune de la Région flamande.
La requérante estime dès lors que le troisième moyen doit être considéré comme fondé. - B - Sur la première branche du premier moyen B.1. Dans la première branche du premier moyen, la partie requérante soutient que l'article 3 attaqué du décret de la Région wallonne du 16 juillet 1998 instaure un régime de prélèvement-sanction pour favoriser les collectes sélectives à charge de la commune qui collecte ou pour le compte de laquelle sont collectés les déchets alors qu'il ne relèverait pas de la compétence des régions de taxer une autorité publique lorsque celle-ci exerce une mission de service public.
B.2. Sans qu'il soit nécessaire d'examiner si une autorité publique peut être imposée lorsqu'elle exerce une mission de service public, la Cour constate que le « prélèvement-sanction » instauré par l'article entrepris n'est pas un impôt. En effet, si la Région wallonne pouvait, dans le cadre de sa compétence en matière de politique des déchets, subventionner des communes afin de réduire la production des déchets ménagers, elle pouvait aussi, comme en l'espèce, créer, pour réaliser les objectifs de sa politique, à savoir favoriser les collectes sélectives, des incitants négatifs, sous la forme d'un « prélèvement-sanction ».
B.3. La première branche du premier moyen est non fondée.
Sur les deux autres branches du premier moyen et le deuxième moyen réunis B.4. La partie requérante soutient que la Région wallonne violerait l'article 6, § 1er, II, 2°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles en établissant un régime de responsabilité objective à l'égard des communes alors que seul le législateur fédéral est compétent pour modifier les règles du Code civil en cette matière.
La Région wallonne violerait aussi l'article 6, § 1er, VIII, et l'article 7 de la même loi spéciale du 8 août 1980 en ce que le prélèvement-sanction instauré par le décret entrepris frappe les communes wallonnes et constitue ainsi l'exercice d'une compétence fiscale indirecte à l'égard des communes, compétence qui n'entre ni dans celles qui ont été attribuées aux régions par l'article 6, § 1er, VIII, ni dans celles qui leur ont été attribuées par l'article 7 de la loi spéciale précitée dans la mesure où le prélèvement-sanction ne saurait relever de l'exercice de la tutelle.
B.5. Aux termes de l'article 6, § 1er, II, 2°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, les régions sont compétentes en ce qui concerne la politique des déchets. Aux termes de l'article 6, § 1er, VIII, 2° et 3°, de la même loi spéciale, les régions sont compétentes pour le financement général des communes ainsi que pour le financement des missions à remplir par celles-ci.
B.6.1. L'article 21 du décret de la Région wallonne du 27 juin 1996 relatif aux déchets charge les communes wallonnes de l'organisation et de l'enlèvement des déchets sur leur territoire.
B.6.2. Le décret de la Région wallonne du 25 juillet 1991 a établi une taxe sur les déchets qui proviennent de l'activité usuelle des ménages (article 2, 2°) et dont le fait générateur est la création de déchets inhérente à l'occupation, permanente ou temporaire, à usage d'habitation privée, de tout ou partie d'un immeuble situé en Région wallonne (article 3). Le même décret taxe aussi les déchets non ménagers, c'est-à -dire ceux qui proviennent d'une activité économique ou ceux pour lesquels la taxe sur les déchets ménagers n'est pas exigée (article 2, 3°). Les deux taxes instaurées par le décret précité du 25 juillet 1991 ne sont pas supportées par les communes wallonnes. Au contraire, l'article 35 du décret précité prévoit que tout ou partie de la taxe régionale sur les déchets ménagers peut être ristourné aux communes. L'arrêté du Gouvernement wallon du 24 juin 1993 relatif à la ristourne de la taxe sur les déchets ménagers a déterminé les modalités d'exécution de cette ristourne.
B.7. L'article 3 entrepris du décret de la Région wallonne du 16 juillet 1998 a modifié le décret du 25 juillet 1991 relatif à la taxation des déchets en Région wallonne en insérant une section II au chapitre II, dans laquelle est instauré un « régime du prélèvement-sanction pour favoriser les collectes sélectives ». Le fait générateur du prélèvement-sanction est « le regroupement, la valorisation ou l'élimination d'ordures ménagères collectées par ou pour le compte des communes au-delà d'une quantité totale annuelle ».
Le redevable du « prélèvement-sanction » est, aux termes de l'article 6ter du décret, la commune qui collecte des déchets en dépassant un seuil, déterminé par le décret et calculé sur une moyenne régionale, de déchets collectés par année et par habitant.
B.8. Selon l'exposé des motifs du décret entrepris : « L'objectif poursuivi est de définir une contrainte permettant de réduire la production à la source des déchets ménagers. En effet, jusqu'à ce jour, seuls des incitants financiers sous forme de subvention ont été mis à la disposition des acteurs concernés par la collecte de ces déchets que sont les communes, afin notamment de leur permettre de sensibiliser leur population à la problématique de la production des déchets.
Le régime du prélèvement-sanction est un moyen dissuasif complémentaire, à charge de ces mêmes acteurs permettant d'atteindre l'objectif poursuivi, et ce, en adéquation avec les différentes législations en vigueur en matière de déchets [...].
Le mécanisme du prélèvement-sanction devrait favoriser l'émergence de nouveaux modes de collectes sélectives ou le développement de celles déjà existantes.
Le régime mis en application repose sur la responsabilisation accrue de l'acteur incontournable en matière de collecte des déchets ménagers : la commune.
Le Gouvernement considère que le mécanisme mis en place est conciliable avec le principe du pollueur-payeur, essentiel en droit de l'environnement.
En effet, le pollueur n'est pas uniquement ou nécessairement l'auteur de l'acte qui déclenche une pollution lorsque celle-ci résulte conjointement de plusieurs éléments. [...] Le principe du pollueur-payeur précité combiné avec celui de l'action préventive conduit à responsabiliser celui qui détient légalement et/ou logistiquement le pouvoir de prendre les mesures adéquates afin de prévenir la pollution.
Le Gouvernement se considère comme autorisé à appliquer, au-delà d'un seuil fixé par le décret, une taxation aux communes à qui incombe en vertu de l'article 21 [du décret du 27 juin 1996 relatif aux déchets] la responsabilité de l'enlèvement des déchets ménagers et qui peuvent, grâce aux incitants financiers mis à leur disposition, entreprendre des mesures de diminution de la production d'ordures ménagères. » (Doc., Conseil de la Région wallonne, 1997-1998, n° 377-1, pp. 2-3) B.9.1. Même s'il est vrai que la collecte des déchets relève d'une mission de service public dont la responsabilité incombe aux communes en vertu de l'article 135 de la loi communale et, en Région wallonne, de l'article 21 du décret du 27 juin 1996 précité, le « prélèvement-sanction » institué ne porte pas atteinte à l'autonomie communale. Par ailleurs, la Cour rappelle que la détermination du contenu et des règles régissant la collecte des déchets entre dans les compétences de la Région wallonne au titre de la politique des déchets (B.5).
B.9.2. Même si le « prélèvement-sanction » institué par l'article 3 entrepris du décret du 16 juillet 1998 précité ne poursuit pas en réalité un but fiscal, il n'en constitue pas pour autant, contrairement à ce que soutient la partie requérante, une « pénalité déguisée ». En effet, et indépendamment de la terminologie utilisée par le décret, la Région wallonne pouvait considérer, sans violer les compétences qui lui sont dévolues, que ce prélèvement a un but incitatif destiné à encourager les communes à collaborer par des actions concrètes à la réalisation des objectifs de la politique menée par la Région wallonne en vue, d'une part, de réduire la production des déchets à la source et, d'autre part, de susciter l'apparition de modes nouveaux de collecte sélective des déchets. Le prélèvement de la Région wallonne sur les communes s'inscrit ainsi dans le cadre de l'exercice de sa compétence en matière de déchets.
B.9.3. Il résulte de ceci que, contrairement à ce que soutient la partie requérante, le prélèvement institué ne concerne pas la matière de la responsabilité civile. Le décret entrepris ne modifie aucune des règles du Code civil en cette matière, ni en général ni en particulier les règles applicables aux communes.
B.10. La Cour constate, enfin, que le prélèvement ne constitue pas une immixtion directe dans la compétence fiscale reconnue aux communes puisqu'il n'a pas pour objet l'exercice de cette compétence.
B.11. Les deuxième et troisième branches du premier moyen et le deuxième moyen ne sont pas fondés.
Quant au troisième moyen B.12. Le troisième moyen considère que l'article 3 entrepris du décret précité du 16 juillet 1998 violerait l'article 6, § 1er, VI, 3°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, l'article 9, § 1er, alinéa 3, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions ainsi que les articles 10 et 11 de la Constitution. D'une part, aucun prélèvement n'étant dû pour les déchets regroupés par d'autres communes que celles situées en Région wallonne, l'article 3 entrepris porterait atteinte à la conception globale de l'Etat telle qu'elle se dégage des révisions constitutionnelles successives. D'autre part, le prélèvement serait une taxe d'effet équivalent à un droit de douane intérieur, ce qui est exclu en vertu de l'existence d'une union économique et monétaire, laquelle implique la libre circulation des marchandises et des facteurs de production entre les composantes de l'Etat.
B.13.1. La Région wallonne n'est compétente qu'à l'égard des communes situées sur le territoire que la Constitution et les lois de réformes institutionnelles lui ont attribué pour exercer ses compétences.
Il résulte de ceci qu'une différence de traitement dans des matières où les communautés et les régions disposent de compétences propres est la conséquence possible de politiques distinctes permises par l'autonomie qui leur est accordée par la Constitution ou en vertu de celle-ci; une telle différence ne peut en soi être jugée contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution. Cette autonomie serait dépourvue de signification si le seul fait qu'il existe des différences de traitement entre les destinataires de règles s'appliquant à une même matière dans les diverses communautés et régions était jugé contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution.
B.13.2. Pour le surplus, la partie requérante ne développe pas et la Cour n'aperçoit pas en quoi le prélèvement institué constituerait un droit de douane intérieur, ni en quoi il discriminerait la partie requérante.
B.14. Le troisième moyen n'est pas fondé.
Par ces motifs, la Cour rejette le recours.
Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 3 mai 2000.
Le greffier, L. Potoms.
Le président, M. Melchior.