publié le 21 août 1997
Arrêt n° 40/97 du 14 juillet 1997 Numéro du rôle : 1020 En cause : la question préjudicielle concernant la loi du 30 juin 1971 relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales, posée par le Tribun La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. Boel, L(...)
COUR D'ARBITRAGE
Arrêt n° 40/97 du 14 juillet 1997 Numéro du rôle : 1020 En cause : la question préjudicielle concernant la
loi du 30 juin 1971Documents pertinents retrouvés
type
loi
prom.
30/06/1971
pub.
12/05/2009
numac
2009000304
source
service public federal interieur
Loi relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. - Coordination officieuse en langue allemande
fermer relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales, posée par le Tribunal du travail de Verviers.
La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. Boel, L. François, P. Martens, J. Delruelle, G. De Baets, E. Cerexhe, H. Coremans, A. Arts, R. Henneuse et M. Bossuyt, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle Par jugement du 4 novembre 1996 en cause de H. Mornard contre le ministère de l'Emploi et du Travail, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 6 décembre 1996, le Tribunal du travail de Verviers a posé la question préjudicielle suivante : « La loi du 30 juin 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1971 pub. 12/05/2009 numac 2009000304 source service public federal interieur Loi relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux amendes administratives [applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales] viole-t-elle les articles 10 et 11 de la Constitution en instaurant une répression plus grave des coupables d'infractions sociales, notamment parce qu'elle n'autorise pas la réduction du montant de l'amende en cas de circonstances atténuantes, parce qu'elle n'autorise ni suspension, ni sursis, ni probation et parce qu'elle n'autorise pas la considération des causes de justification ou d'excuse, alors que ces modérations sont permises pour la répression des mêmes faits suivant la voie d'amendes pénales ? » II. Les faits et la procédure antérieure L'affaire oppose H. Mornard au ministère de l'Emploi et du Travail.
Le demandeur s'est vu infliger une amende administrative unique de 120.000 francs pour avoir commis, d'une part, une infraction à l'article 3, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 8 août 1980 relatif à la tenue des documents sociaux, du chef de n'avoir pas tenu de registre du personnel et, d'autre part, une infraction à l'article 175, 2°, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, du chef d'avoir occupé un travailleur non inscrit au registre du personnel et à qui le droit aux allocations de chômage doit être refusé à cause de cette occupation.
Dans la motivation de la décision de renvoi, le Tribunal du travail constate que les infractions précitées qui ont donné lieu à une amende administrative auraient pu faire l'objet d'une sanction pénale (amende de 1.000 à 5.000 francs et/ou emprisonnement de huit jours à un an) par application de l'article 11, 3, a), de l'arrêté royal du 23 octobre 1978 et de l'article 175, 2°, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991. L'auditeur du travail de Verviers avait cependant renoncé aux poursuites pénales. Le Tribunal constate ensuite que parce qu'en l'occurrence c'est une amende administrative et non pas une amende pénale qui a été appliquée, le pouvoir judiciaire n'aurait ni la compétence de réduire le montant comminé en dessous du minimum légal, par référence aux articles 85 et 100 du Code pénal, ni celle de prononcer la suspension de la condamnation en vertu de l'article 3 de la loi du 29 juin 1964Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/06/1964 pub. 27/11/2009 numac 2009000776 source service public federal interieur Loi concernant la suspension, le sursis et la probation. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, ni celle de prononcer le sursis de tout ou partie de la condamnation en vertu de l'article 8 de la loi du 29 juin 1964Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/06/1964 pub. 27/11/2009 numac 2009000776 source service public federal interieur Loi concernant la suspension, le sursis et la probation. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, ni celle de prononcer la suspension probatoire ou le sursis probatoire en vertu de l'article 1er, 2, de la loi du 29 juin 1964Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/06/1964 pub. 27/11/2009 numac 2009000776 source service public federal interieur Loi concernant la suspension, le sursis et la probation. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, ni celle d'admettre les causes de justification et d'excuse en vertu de l'article 71 du Code pénal. Et d'en déduire qu'il est anormal que la faute pénale, plus grave, devienne ainsi plus légèrement sanctionnable qu'une faute administrative.
C'est ainsi que, d'office, le Tribunal du travail a décidé de poser à la Cour la question préjudicielle mentionnée ci-dessus.
III. La procédure devant la Cour Par ordonnance du 6 décembre 1996, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.
La décision de renvoi a été notifiée conformément à l'article 77 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 8 janvier 1997.
L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 15 janvier 1997.
Le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, a introduit un mémoire par lettre recommandée à la poste le 21 février 1997.
Par ordonnance du 30 avril 1997, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 3 juin 1997.
Cette ordonnance a été notifiée au Conseil des ministres ainsi qu'à son avocat, par lettres recommandées à la poste le 2 mai 1997.
Par ordonnance du 29 mai 1997, la Cour a prorogé jusqu'au 6 décembre 1997 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.
Par ordonnance du 29 mai 1997, le président M. Melchior a soumis l'affaire à la Cour réunie en séance plénière.
Par ordonnance du 3 juin 1997, l'affaire a été reportée à l'audience du 12 juin 1997.
Cette ordonnance a été notifiée au Conseil des ministres et à son avocat, par lettres recommandées à la poste le 3 juin 1997.
A l'audience publique du 12 juin 1997 : a comparu : Me R. Ergec loco Me P. Peeters, avocats au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; les juges-rapporteurs E. Cerexhe et H. Boel ont fait rapport; l'avocat précité a été entendu; l'affaire a été mise en délibéré.
La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.
IV. Quant aux dispositions faisant l'objet de la question préjudicielle La loi du 30 juin 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1971 pub. 12/05/2009 numac 2009000304 source service public federal interieur Loi relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer permet d'infliger des amendes qu'elle qualifie d'administratives aux employeurs contrevenant aux lois sociales qu'elle définit, pour autant que les faits soient passibles de sanctions pénales (articles 1er et 1erbis).
L'infraction fait l'objet soit de poursuites pénales, soit d'une amende administrative (article 4, alinéa 1er), étant entendu que, « même si un acquittement les clôture », les poursuites pénales excluent l'application d'une amende administrative (article 5, alinéa 2).
Si, compte tenu de la gravité de l'infraction (article 5, alinéa 1er), le ministère public décide de ne pas engager de poursuites pénales, il en fait part au fonctionnaire désigné par le Roi, lequel peut alors dans un délai de cinq ans après le fait constitutif de l'infraction (article 13) décider d'infliger une amende administrative à l'employeur; il peut aussi le faire si le ministère public ne lui notifie pas sa décision dans le délai requis (articles 4, alinéa 2, et 7, alinéa 2). L'amende n'est applicable qu'à l'employeur, même si l'infraction a été commise par un préposé ou un mandataire (article 3).
Le fonctionnaire doit au préalable mettre l'employeur en mesure de présenter ses moyens de défense (article 7, alinéa 2). Sa décision est motivée et fixe le montant de l'amende; la notification qui en est faite éteint l'action publique (article 7, alinéas 4 et 5).
L'employeur dispose d'un délai de deux mois à compter de cette notification pour introduire un recours devant le tribunal du travail (article 8, alinéa 1er). Ce recours suspend l'exécution de la décision, sauf si celle-ci est prise en application de l'article 1erbis, 1°.
Les articles 9 à 12ter de la loi déterminent les modalités de calcul et de paiement de l'amende.
V. En droit A Mémoire du Conseil des ministres A.1. Après avoir demandé la jonction de cette cause avec les affaires inscrites sous les numéros 959 et 960 du rôle, on rappelle l'arrêt n° 72/92 rendu par la Cour le 18 novembre 1992. Dans cet arrêt, la Cour tient compte des particularités du droit pénal social, du souci de ne pas encombrer les tribunaux correctionnels et de celui, partant, de confier aux juridictions du travail le contrôle de l'application de la loi.
Il ressort aussi de l'article 5 de la loi du 30 juin 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1971 pub. 12/05/2009 numac 2009000304 source service public federal interieur Loi relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer que les infractions graves donnent normalement lieu à des poursuites pénales entraînant l'applicabilité de l'intégralité des principes généraux du droit pénal.
En s'appuyant sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (arrêts [fv]SDztürk du 21 février 1984 et Lutz du 25 août 1987), il faut considérer que la loi qui fait l'objet de la question préjudicielle s'inscrit dans le courant d'une tendance moderne commune à l'ensemble des Etats européens. Cette tendance à la dépénalisation doit s'entourer d'une série de garanties comme l'accès à un tribunal doté d'une compétence de pleine juridiction, sans qu'il faille cependant étendre aux amendes administratives l'application de l'ensemble des principes généraux du droit pénal.
Parmi les principes généraux à appliquer aux sanctions administratives, la recommandation n° R(91)1 du Comité des ministres n'énonce que les principes de la légalité, de la non-rétroactivité, le principe non bis in idem, le délai raisonnable de la procédure ainsi que des garanties procédurales équitables (charge de la preuve, droit d'être entendu, motivation de la décision, etc.).
La loi du 30 juin 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1971 pub. 12/05/2009 numac 2009000304 source service public federal interieur Loi relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer répond à toutes ces garanties. En revanche, le juge ne peut réduire le montant des amendes en dessous des minima ni accorder le sursis. Ni la Constitution ni les instruments internationaux n'imposent cependant l'application de l'ensemble des principes généraux du droit pénal aux amendes administratives.
Prétendre le contraire reviendrait à remettre en cause le principe même des amendes administratives et à nier les spécificités du droit pénal social.
A.2. Le but des amendes administratives n'est pas seulement de combattre efficacement la fraude sociale, mais aussi de réprimer des infractions purement administratives. L'objectif serait affaibli si le fraudeur potentiel pouvait invoquer comme circonstance atténuante le fait qu'il a régularisé la situation après la constatation de la fraude sociale. L'article 85 du Code pénal, relatif aux circonstances atténuantes, n'est d'ailleurs pas toujours applicable en droit pénal social et ce, conformément aux dispositions de l'article 100 du même Code. Lorsque les circonstances atténuantes sont admises, il faut observer que les amendes administratives ont été introduites, non pas pour sanctionner le fait de ne pas être en règle vis-à -vis des services de la sécurité sociale, mais pour sanctionner le fait même d'avoir contourné les lois sociales. Même en cas de régularisation, l'amende administrative resterait due. La régularisation ne fait pas disparaître l'infraction constatée. Cette considération justifie amplement l'incompressibilité des minima des amendes.
Les amendes administratives ont aussi pour objectif de réparer le préjudice matériel causé à la collectivité par la fraude sociale.
Par ailleurs, en cas de transaction pénale, le ministère public doit respecter les minima prévus par la loi du 30 juin 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1971 pub. 12/05/2009 numac 2009000304 source service public federal interieur Loi relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer et par les autres lois sociales.
Les minima incompressibles n'excluent pas l'individualisation de l'amende administrative par le juge puisqu'ils prévoient un montant minimum et un montant maximum. Ainsi, l'amende peut être fixée de façon plus souple, de sorte que l'on peut mieux tenir compte de l'ampleur du dommage social causé, de l'état d'esprit, des antécédents et des possibilités patrimoniales du contrevenant.
A.3. En conséquence, le Conseil des ministres invite la Cour à procéder à la même appréciation globale des dispositions législatives litigieuses que celle qui fit l'objet de l'arrêt précité du 18 novembre 1992.
B Quant à l'objet de la question préjudicielle B.1. Il ressort des termes de la question préjudicielle, éclairés par les motifs du jugement qui la pose, qu'est soumis au contrôle de la Cour l'ensemble des dispositions de la loi du 30 juin 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1971 pub. 12/05/2009 numac 2009000304 source service public federal interieur Loi relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales, en ce que ces dispositions ne permettent pas aux juridictions du travail, contrairement aux juridictions pénales, ni, d'une part, de faire application des modalités légales d'individualisation de la peine et notamment de réduire le montant de l'amende en cas de circonstances atténuantes, d'autoriser la suspension, le sursis ou la probation et de retenir les causes d'excuse, ni, d'autre part, de retenir les causes de justification.
B.2. Lorsque le législateur estime que certains manquements à des obligations légales doivent faire l'objet d'une répression, il relève de son pouvoir d'appréciation de décider s'il est opportun d'opter pour des sanctions pénales ou pour des sanctions administratives. Le choix de l'une ou l'autre catégorie de sanctions ne peut être considéré comme établissant, en soi, une discrimination.
B.3.1. Lorsqu'un même manquement à des obligations légales fait l'objet, tantôt de sanctions pénales, tantôt de sanctions administratives, la différence de traitement qui pourrait en résulter n'est admissible que si elle est raisonnablement justifiée.
B.3.2. La possibilité de recourir à des sanctions administratives pour réprimer certaines infractions à la législation sociale repose sur un fondement objectif et raisonnable.
En effet, il ressort de l'exposé des motifs de la loi du 30 juin 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1971 pub. 12/05/2009 numac 2009000304 source service public federal interieur Loi relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer que l'application de la procédure ordinaire à certaines infractions à la législation sociale était inadéquate en ce que l'action répressive était trop lourde dans ses effets, en ce que les sanctions pénales étaient rarement appliquées et en ce que le caractère préventif du droit pénal social s'en trouvait fortement atténué (Doc. parl., Chambre, 1970-1971, n° 939/1). La procédure instaurée par la loi du 30 juin 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1971 pub. 12/05/2009 numac 2009000304 source service public federal interieur Loi relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer évite à l'intéressé les inconvénients d'une comparution devant une juridiction répressive, lui épargne le caractère infamant qui s'attache aux condamnations pénales et lui permet d'échapper aux conséquences d'une inscription au casier judiciaire (Doc. parl., Sénat, 1970-1971, 514, rapport de la Commission, p. 2).
B.4. Il reste cependant à examiner si le choix du législateur n'a pas des effets discriminatoires en ce qu'il conduit aux différences de traitement dénoncées dans la question préjudicielle.
Quant aux modalités légales d'individualisation de la peine B.5.1. Alors qu'elle entend réprimer des faits passibles de sanctions pénales, la loi du 30 juin 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1971 pub. 12/05/2009 numac 2009000304 source service public federal interieur Loi relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer établit un régime qui traite différemment deux catégories de personnes comparables. En effet, contrairement à la personne qui est citée à comparaître devant le tribunal correctionnel, la personne physique qui exerce, devant le tribunal du travail, un recours contre la décision lui infligeant une amende administrative ne peut bénéficier de certaines modalités légales d'individualisation de la peine.
B.5.2. La personne poursuivie devant le tribunal correctionnel par l'auditeur du travail peut, s'il existe des circonstances atténuantes, se voir infliger une peine inférieure au minimum légal, si la loi réprimant l'infraction qu'elle a commise rend applicable l'article 85 du Code pénal. La même personne peut en outre bénéficier de l'application des articles 3 et 8 de la loi du 29 juin 1964Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/06/1964 pub. 27/11/2009 numac 2009000776 source service public federal interieur Loi concernant la suspension, le sursis et la probation. - Coordination officieuse en langue allemande fermer concernant la suspension, le sursis et la probation.
B.5.3. En revanche, la personne qui a commis une infraction à la même disposition, dont le dossier a été classé sans suite par l'auditeur du travail, qui s'est vu infliger une amende administrative et qui a exercé le recours prévu par la loi devant le tribunal du travail ne peut pas bénéficier de mesures comparables : le tribunal ne peut infliger à cette personne une amende inférieure au minimum légal, alors même que, en raison des circonstances, le montant de l'amende lui paraîtrait disproportionné. Il ne peut pas davantage la faire bénéficier d'une mesure de suspension, de sursis ou de probation, ces mesures ne pouvant être ordonnées que par une juridiction pénale.
B.6.1. Les modalités d'individualisation des peines permettent notamment de prendre en considération les circonstances dans lesquelles l'infraction a été commise, d'avoir égard à l'amendement du délinquant, de favoriser sa réintégration, de tenir compte de considérations socio-professionnelles et de proportionner la peine à la gravité des faits.
B.6.2. Les mesures prévues par la loi du 29 juin 1964Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/06/1964 pub. 27/11/2009 numac 2009000776 source service public federal interieur Loi concernant la suspension, le sursis et la probation. - Coordination officieuse en langue allemande fermer ont été conçues comme des mesures étroitement liées aux sanctions pénales. Il s'agit de « permettre au juge de mettre l'auteur d'une infraction à l'épreuve pendant un certain temps, à la suite duquel, si son comportement est satisfaisant, aucune condamnation n'est prononcée, ni aucune peine d'emprisonnement subie » (Ann., Sénat, 1963-1964, n° 5, discussion, séance du 26 novembre 1963, p. 80). Ces mesures ont été prévues dans le but d'éliminer ou d'atténuer les effets infamants qui s'attachent à une condamnation pénale.
Le législateur peut, sans méconnaître le principe d'égalité, estimer qu'une mesure de suspension, de sursis ou de probation n'est pas applicable aux amendes administratives. Celles-ci sont des mesures exclusivement pécuniaires, elles n'ont pas le caractère infamant qui s'attache aux condamnations pénales, elles ne sont pas inscrites au casier judiciaire et elles ne sont pas de nature à compromettre la réintégration de celui auquel elles sont infligées.
La loi du 30 juin 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1971 pub. 12/05/2009 numac 2009000304 source service public federal interieur Loi relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer ne viole pas le principe d'égalité en ce qu'elle ne permet pas au tribunal du travail d'accorder une des mesures prévues par la loi du 29 juin 1964Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/06/1964 pub. 27/11/2009 numac 2009000776 source service public federal interieur Loi concernant la suspension, le sursis et la probation. - Coordination officieuse en langue allemande fermer à la personne qui a exercé devant lui le recours prévu à l'article 8 de la loi précitée.
B.7.1. Par contre, les amendes administratives atteignent des montants tels que, même si elles se situent entre un minimum et un maximum, elles peuvent être, dans certains cas, disproportionnées par rapport à la gravité des faits et par rapport au but répressif et préventif poursuivi par la sanction administrative. A cet égard, ni les raisons rappelées en B.3.2, ni aucune autre considération ne permettent de justifier que le tribunal du travail ne puisse réduire l'amende au-dessous du minimum légal alors que, pour une même infraction à une loi permettant l'application de l'article 85 du Code pénal, le tribunal correctionnel peut infliger une amende inférieure au minimum légal s'il existe des circonstances atténuantes.
B.7.2. La différence de traitement est d'autant moins justifiable que, alors que c'est la loi elle-même (article 5) qui subordonne à la gravité de l'infraction l'option pour la voie pénale, cette différence aboutit à traiter plus favorablement les personnes dont le manquement est, aux yeux du législateur, plus grave puisque l'auditeur du travail a estimé qu'elles ne pouvaient bénéficier d'une mesure de classement.
B.7.3. Sans doute les personnes physiques qui comparaissent devant le tribunal du travail échappent-elles aux inconvénients d'une condamnation pénale, tels que le déshonneur qui s'y attache et l'inscription de la condamnation au casier judiciaire. Mais ces avantages ne suffisent pas, dans une telle matière, à compenser le désavantage de ne pouvoir bénéficier d'une réduction de l'amende au-dessous du minimum légal.
B.8. La question préjudicielle appelle une réponse négative en ce qu'elle dénonce l'impossibilité pour celui qui comparaît devant le tribunal du travail de se voir appliquer la loi du 29 juin 1964Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/06/1964 pub. 27/11/2009 numac 2009000776 source service public federal interieur Loi concernant la suspension, le sursis et la probation. - Coordination officieuse en langue allemande fermer concernant la suspension, le sursis et la probation. Elle appelle une réponse positive en ce que celui qui comparaît devant le tribunal du travail ne peut se voir infliger une amende inférieure au minimum légal alors que, pour une infraction à la même disposition, celui qui comparaît devant le tribunal correctionnel pourrait bénéficier de l'application de l'article 85 du Code pénal.
Quant aux causes d'excuse B.9. Les causes d'excuse sont des circonstances spécialement définies par la loi qui entraînent l'atténuation ou l'exclusion de la peine, alors même que l'infraction est établie. Dès lors que ni la loi du 30 juin 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1971 pub. 12/05/2009 numac 2009000304 source service public federal interieur Loi relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer ni les lois particulières relatives aux infractions aux lois sociales ne prévoient de causes d'excuse applicables aux personnes citées à comparaître devant le tribunal correctionnel, les personnes comparaissant devant le tribunal du travail ne sont pas traitées différemment.
Quant aux causes de justification B.10. En vertu de l'article 1er de la loi du 30 juin 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1971 pub. 12/05/2009 numac 2009000304 source service public federal interieur Loi relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, une amende administrative ne peut être infligée que « pour autant que les faits soient également passibles de sanctions pénales ».
Lorsqu'une personne comparaît devant le tribunal du travail, celui-ci doit donc d'abord vérifier si l'infraction pénale est établie en tenant compte, le cas échéant, des causes de justification au sens des articles 71 et 72 du Code pénal. De l'examen de ces causes, en effet, dépend l'existence de l'infraction et, partant, de sanctions pénales.
La question préjudicielle appelle sur ce point une réponse négative.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : La loi du 30 juin 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1971 pub. 12/05/2009 numac 2009000304 source service public federal interieur Loi relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'elle ne permet pas aux personnes qui exercent devant le tribunal du travail le recours prévu par l'article 8 de cette loi de bénéficier d'une mesure de suspension, de sursis ou de probation.
La loi du 30 juin 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1971 pub. 12/05/2009 numac 2009000304 source service public federal interieur Loi relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'elle ne permet pas aux personnes qui exercent devant le tribunal du travail le recours prévu par l'article 8 de cette loi de bénéficier d'une réduction de l'amende au-dessous des minima légaux lorsque, pour une même infraction, elles peuvent bénéficier, devant le tribunal correctionnel, de l'application de l'article 85 du Code pénal.
La loi du 30 juin 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1971 pub. 12/05/2009 numac 2009000304 source service public federal interieur Loi relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'elle ne permet pas au tribunal du travail de faire application de causes d'excuse.
La loi du 30 juin 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1971 pub. 12/05/2009 numac 2009000304 source service public federal interieur Loi relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer ne permettant pas au tribunal du travail d'infliger une amende administrative lorsqu'il existe une cause de justification, elle ne peut, à cet égard, violer les articles 10 et 11 de la Constitution.
Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 14 juillet 1997.
Le greffier, Le président, L. Potoms. M. Melchior.